Khalifa Haftar à Sputnik: je ne songe pas encore à briguer la présidence de la Libye
L'Armée nationale libyenne (ANL) ne s'est pas fixé de délai pour achever
l'opération de prise de Tripoli car les militaires cherchent à éviter de faire
des victimes parmi les civils, a déclaré dans une interview à Sputnik le
général Khalifa Haftar, commandant de l'ANL.
D'après Khalifa Haftar,
même après la prise de la capitale il sera trop tôt pour parler de l'élection
présidentielle dans le pays, et lui-même ne songe pas encore à avancer sa
candidature pour la présidence. Il donne également son point de vue sur le chef
du Conseil présidentiel de la Libye et sur la question de l'éventuelle
candidature du fils de l'ancien dirigeant libyen, Saïf al-Islam Kadhafi.
Quel est le cadre temporel de l'opération
de libération de Tripoli? Quand attendez-vous la fin des combats? Et qu'est-ce
qui a empêché la progression de l'armée pendant cette période?
C'est
une guerre pour libérer la capitale, où vivent près de deux
millions de personnes, et non un projet où il est possible d'établir un cadre
temporel concret. C'est une guerre contre les groupes terroristes et les bandes
criminelles à qui il a été permis pendant plusieurs années de recevoir une
immense quantité d'armes et énormément d'argent des caisses de l’État et des
pays qui soutiennent le terrorisme, ainsi que d'utiliser des milliers de
mercenaires.
Nous
pourrions terminer cette guerre en une ou deux journées en utilisant des
armements lourds, mais cela entraînerait la destruction de la ville et de
nombreuses victimes civiles. Or nous plaçons la sécurité des habitants et de la
ville au-dessus de tout, parce que le but de l'opération consiste à libérer la
capitale, pas à la détruire.
Nous voulons débarrasser
les habitants de Tripoli des bandes criminelles, et pas seulement entrer dans
la capitale à tout prix. Nous sommes l'armée régulière, notre devoir national
est de protéger nos habitants et leur sécurité. Nous protégeons Tripoli, nous
ne l'attaquons pas, et nous n'avons jamais voulu causer du tort aux civils.
C'est
pourquoi nous avons cherché à faire sortir les combattants à la périphérie de
la ville, ce que nous sommes parvenus à faire en leur infligeant un grand
préjudice. Nous entrerons dans Tripoli pour rendre à la ville la paix et son
rôle de capitale pour tous les citoyens libyens, son rôle de capitale de la
paix et de la sécurité. Nous libérerons ses habitants des bandes de combattants
et de terroristes. L'armée se l'est jurée et nous ne reculerons pas. Nous sacrifierons nos
vies pour cette mission.
A l'issue des activités militaires,
avez-vous l'intention de vous présenter à l'élection présidentielle?
La fin des opérations
militaires ne signifiera pas que les conditions pour le déroulement des
élections seront immédiatement réunies. De nombreuses tâches doivent être
remplies sur la voie des élections et de la Constitution permanente. Les
élections sont impossibles sans la stabilité et la sécurité. Or la sécurité et
la stabilité ne peuvent pas être assurées si des groupes terroristes et des
bandes criminelles continuent d'agir, si une immense quantité d'armes circule
hors de tout contrôle. Il faut d'abord régler la situation dans le pays en
matière de sécurité, d'économie, de problèmes sociaux. En ce qui concerne mon
éventuelle candidature à la présidence, je n'y songe pas pour l'instant.
Que pensez-vous des déclarations du fils de
Mouammar Kadhafi, Saïf al-Islam, concernant son intention de se présenter à la
présidentielle? Êtes-vous en contact avec lui? Où est-il actuellement - en
Libye ou à l'étranger?
Je l'ignore. Il est
citoyen de la Libye, si la loi l'autorisait, il aurait évidemment un tel droit.
Je ne juge pas depuis une
position de partisan ou d'opposant à tout individu qui pense avoir suffisamment
de capacités et de compétences pour avancer sa candidature. Cette question ne
m'intéresse ni de près ni de loin. La décision de choisir le nouveau Président
revient aux Libyens, et le fait de se porter candidat est une question qui
n'intéresse que le candidat lui-même.
Quoi qu'il en soit, il
est trop tôt pour parler de l'élection présidentielle aujourd'hui que nous
menons une grande guerre libératrice.
J'ignore où Saïf al-Islam
est aujourd'hui, il n'y a aucun contact entre nous. Cela ne signifie pas
l'existence de différends ou d'une hostilité avec lui. Nos ennemis sont les
terroristes, et tous ceux qui, armes à la main, vont contre les citoyens et portent
atteinte à la sécurité et à la dignité de l'individu, pillent les richesses
naturelles des Libyens et mettent en péril la sécurité de la patrie.
Quels efforts de médiation sont entrepris
actuellement au niveau régional et international pour établir le contact avec
le Conseil présidentiel de Fayez el-Sarraj et régler la crise afin de stopper
les activités militaires et d'entamer le processus de paix?
Certains pensent par
erreur que ledit conseil présidentiel a le droit de donner la consigne de
poursuivre ou de cesser les combats aux groupes terroristes et aux rebelles qui
se battent contre l'Armée nationale libyenne.
C'est un grand mensonge
qui a été percé à jour au niveau régional et international.
En vérité, ce Conseil
reçoit des directives de ces groupes - pas l'inverse. Son rôle se réduit
seulement à trouver les finances, les armes et les mercenaires en fonction des
ordres qui lui sont donnés. Le Conseil ne fait que les exécuter immédiatement.
Parmi le peu de membres
restants du Conseil, y compris son chef, personne n'osera contester les ordres
donnés par les groupes terroristes. Le Conseil ne fait qu'exécuter les ordres.
C'est une vérité qui n'a
plus besoin de preuves. Sans parler du fait que plusieurs membres de ce Conseil
appartiennent à des groupes terroristes.
Même les déclarations qui
semblent provenir du Conseil sont en réalité préparées pour lui par des groupes
terroristes, et son rôle se résume à signer ces déclarations et à les rendre
publiques.
Comment peut-on régler le conflit libyen
avec le Conseil s'il présente un tel niveau de soumission?
Cette vérité est devenue
flagrante quand s'est avérée l'incapacité du chef du Conseil à tenir ses
promesses. Chaque fois que nous pensions trouver une formule pour régler le
conflit, il exigeait du temps pour des consultations avant de disparaître.
Malheureusement, nous avons gaspillé un temps précieux en dialoguant avec lui
en réponse aux efforts régionaux et internationaux. Et à présent il n'existe aucun
intermédiaire, ni régional ni international, entre nous et le Conseil ou son
chef. Le fait est que le monde a pris conscience que le Conseil était formel,
et que son chef était incapable de tenir ses engagements. Cet individu est une
figure soumise sans force réelle.
S'il m'avait demandé
conseil, je lui aurait sincèrement suggéré de laisser la politique et les
fonctions illusoires, de revenir à la décoration, au design de portes et de
fenêtres, car il y a certaines conditions pour être président.
En ce qui concerne le
début du processus de paix, nous pensons qu'il n'y a pas de solution politique
possible tant que sont présents des groupes terroristes qui ne croient pas en
l’État et dont l'idéologie consiste à considérer tous les autres comme des
infidèles et à leur couper la tête. Ces groupes sont liés au réseau terroriste
international. D'autres groupes agissent uniquement avec des armes, notamment
ceux qui contrôlent la capitale.
Le premier pas vers tout
règlement politique consiste à anéantir ces groupes, à les forcer à déposer les
armes. C'est ce que nous faisons. C'est alors que les Libyens pourront lancer
un dialogue calmement, confortablement, pour déboucher sur une solution
politique en un temps record.