Rappeler les responsabilités dans l'invasion de l'Irak en 2003: pour la lanceuse d'alerte britannique Katharine Gun, ancienne employée des services de renseignement britanniques, c'est le message clé du film qui met en scène son histoire, "Official Secrets".
Ex-traductrice au sein du service britannique de renseignements électroniques (GCHQ), Katharine Gun, 45 ans, avait divulgué un mémorandum secret américain demandant l'aide des Britanniques pour mettre sur écoute des délégués du Conseil de sécurité de l'ONU avant un vote crucial sur la guerre en Irak.
Un brin désespérée, elle constate aujourd'hui que malgré leur rôle décisif dans l'invasion irakienne sans mandat onusien, l'ex-Premier ministre britannique Tony Blair et le président américain George W. Bush ont réussi à restaurer leur image.
"Ce film pourrait contribuer à corriger cela", a-t-elle confié à l'AFP avant la projection du long-métrage au Festival du film de Londres jeudi.
Traité par ses adversaires de "caniche" de George Bush, beaucoup reprochaient à l'époque au dirigeant britannique d'avoir suivi tête baissée le président américain, sous le faux prétexte que ce pays détenait des armes de destruction massive (ADM).
Le mémo qui avait fuité dans la presse avait causé une violente tempête politique, et Katharine Gun avait été inculpée dans le cadre de la loi sur les secrets officiels. Les poursuites contre elle avaient finalement été abandonnées en 2004, faute de preuves.
- "Retour à la vie normale" -
Comme elle, le réalisateur espère que le film rappellera le caractère illégal du conflit. "Il n'y a pas de réhabilitation possible pour deux leaders qui ont dû admettre que toute cette histoire d'ADM était une pure invention, une manipulation et un mensonge", a estimé le Sud-Africain Gavin Hood.
"C'est terrible, cette réhabilitation de George Bush uniquement parce que (le président américain actuel, Donald) Trump semble pire... Nous devons arrêter ces inepties", a-t-il ajouté.
"Official Secrets" est sorti en août aux Etats-Unis et en octobre au Royaume-Uni, avant une diffusion élargie plus tard dans l'année.
"Il m'a fallu longtemps pour accepter les événements (...) Chaque fois que j'essayais de (les) raconter, mon niveau de stress montait à nouveau", a relaté Katharine Gun, qui vit depuis 2011 en Turquie avec son mari et sa fille.
Mais après avoir été licenciée de son travail en 2003, elle avait continué à vivre dans l'ombre du quartier général des communications du gouvernement, dans le sud de l'Angleterre.
"Tout ce que je voulais, c'était retrouver une vie normale, et c'est ce que j'ai fait", a-t-elle expliqué. Elle a travaillé comme professeure de mandarin, formant même des anciens collègues du GCHQ.
- "Questions sur la loyauté" -
"C'était très excitant", s'est souvenu Martin Bright (interprété par Matt Smith), le journaliste de l'hebdomadaire The Observer qui a publié le mémo, autre personnage principal du long-métrage. "Pour un journaliste, c'est comme marquer un but à Wembley: avoir une histoire qui fait la Une d'un journal du dimanche".
Katharine Gun a d'abord été réticente à l'idée de s'impliquer dans le film. Mais elle a changé d'avis après avoir relaté toute l'affaire dans le détail à Gavin Hood, réalisateur de films aux accents politiques comme "Mon nom est Tsotsi" (2005) et "Eye in the Sky" (2015).
"Je raconte cette histoire parce que je pense qu'elle soulève des questions intéressantes sur la loyauté (...), à quoi et à qui devons nous être loyaux?", a expliqué le cinéaste.
Pour Katharine Gun, le fait de ne pas devoir rendre de comptes explique aussi aujourd'hui les mensonges véhiculés par Donald Trump et le Premier ministre britannique Boris Johnson. "Cela donne un très mauvais exemple", a-t-elle jugé.