Passée par le camp d'internement de Tajoura, une Camerounaise témoigne de l'enfer libyen
Le 3 juillet 2019, 53 migrants détenus au centre de libyen de Tajoura étaient tués et 130 autres blessés par une frappe aérienne attribuée aux forces du maréchal Haftar. Le témoignage d'une rescapée camerounaise récemment arrivée en Italie a été recueilli le 4 octobre par le bureau italien de l'Organisation internationale pour les Migrations (OIM).
L’île italienne de Lampedusa a vu débarquer, le 2 octobre 2019, 72 personnes, sauvées par les gardes-côtes italiens dans des conditions extrêmement compliquées en raison des intempéries dans la région. A bord, essentiellement des garçons bengalis et des femmes d'Afrique de l'Ouest. Les migrants avaient quitté Zwara, en Libye, dans la nuit du 30 septembre. Parmi eux, une Camerounaise âgée de 30 ans s’est présentée comme l'une des survivantes de l'attaque perpétrée contre le centre de Tajoura en Libye le 3 juillet dernier. Une bavure dans le cadre de la guerre civile qui oppose le maréchal Haftar au Premier ministre Fayez el-Sarraj.
Solidarité entre migrants
"A Tajoura, j'ai failli mourir. Je me suis sauvée par miracle, alors que mon plus jeune frère n'a pas survécu, il a perdu la vie sous les décombres", a déclaré la jeune femme. J'ai été emmenée à l'hôpital, mais peu de temps après, ils m'ont de nouveau transférée dans le même centre. Heureusement, après quelques jours, j'ai réussi à m'échapper et à quitter cet endroit."
"Grâce à l'amitié d'autres migrants rencontrés dans la rue, j'ai réussi à aller vivre dans une zone urbaine habitée par d'autres personnes d'Afrique de l'Ouest. Là, j'ai gagné un peu d'argent en faisant le ménage et j'ai finalement réussi à quitter la Libye en m'embarquant pour l'Italie."
Torture et rançon
"La Libye a été une expérience terrible. J'ai vu des choses que je ne pensais pas pouvoir arriver. J'ai été kidnappée par ce qu'ils appellent les Asma Boys, torturée pendant un mois dans l'un de leurs centres. Ma mère a dû vendre ses terres au Cameroun, qui font pourtant vivre la famille, pour me libérer. (...) La Libye était un cauchemar et j'ai presque du mal à croire que j'ai réussi à me rendre dans un endroit sûr."
Le drame de Tajoura ne doit pas occulter ceux passés, la plupart du temps, sous silence. En septembre 2019, selon Cécile Allegra, la présidente de l’association des droits de l’homme Limbo, "vingt personnes sont mortes de soif et de faim dans un centre dans l’ouest de la Libye". Un peu partout dans ce pays et tout au long des routes migratoires, "des femmes sont placées dans des réseaux de prostitution. Il y a aussi des réseaux de travail forcé", poursuit-elle.
Selon l'OIM, quelque 5000 femmes, enfants et hommes migrants sont toujours détenus dans des conditions inhumaines en Libye. Plus de 3000 dans des zones de conflit actif, où ils courent un risque accru.