Syrie : pourquoi la Turquie lance une offensive contre les Kurdes, alliés des Occidentaux dans la lutte antijihadiste
Le président turc Recep
Tayyip Erdogan a annoncé, mercredi après-midi, le début d'une offensive
contre la milice kurde YPG en Syrie, malgré les objections
et mises en garde de l'Union européenne, du Royaume-Uni, de la France,
l'Allemagne et le Royaume-Uni. Au moins quinze personnes, dont huit civils, ont
déjà été tuées et des "milliers de
déplacés" fuient les zones bombardées a indiqué
l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Le Conseil de sécurité de l'ONU
doit se réunir en urgence jeudi. Cette offensive, la troisième lancée par la
Turquie en Syrie depuis 2016, ouvre un nouveau front dans un conflit qui a fait
plus de 370.000 morts et des millions de déplacés depuis 2011.
Pourquoi
la Turquie lance un assaut contre les Kurdes ?
Longtemps marginalisés et
victimes des discriminations du pouvoir central, les Kurdes des Unités de
protection du peuple (YPG), engagés dans la lutte contre le groupe État
islamique (EI) depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, contrôlent
actuellement une partie du nord-ouest du pays, le long de la frontière avec la
Turquie.
Opposée à la création
d'une province autonome kurde, Ankara considère que ces combattants sont des
"terroristes", une menace à repousser loin de ses frontières.
Selon le président turc
Recep Tayyip Erdogan, cette opération militaire doit permettre la création
d'une "zone de sécurité", longue de 120 kilomètres et profonde
d'une trentaine de kilomètres. Cette zone tampon est destinée, selon les
autorités turques, à accueillir une partie des 3,6
millions de Syriens actuellement réfugiés dans le pays.
Pourquoi
plusieurs pays Occidentaux condamnent cette offensive ?
Le déclenchement de
l'offensive a été fermement condamné par plusieurs pays parmi lesquels la France,
l'Allemagne et le Royaume-Uni. Les Kurdes syriens des YPG sont en effet alliés
aux Occidentaux dans la lutte contre le groupe État islamique. "L'opération
unilatérale lancée par la Turquie en Syrie doit cesser" a notamment twitté
Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères mercredi
soir.
Je
condamne l'opération unilatérale lancée par la Turquie en Syrie. Elle remet en
cause les efforts sécuritaires et humanitaires de la Coalition contre Daech et
risque de porter atteinte à la sécurité des Européens. Elle doit cesser. Le
Conseil de sécurité est saisi.
Les Européens craignent
que cette opération militaire n'ouvre la voie à un
retour en force de l'EI. Elle soulève aussi l’épineuse question
des jihadistes détenus par les forces kurdes.
Avant le déclenchement de
l'offensive, le président russe Vladimir Poutine avait appelé le président
Erdogan à "bien réfléchir". L'Égypte a pour sa part
condamné une "attaque inacceptable".
Quant au président
américain Donald Trump, il a estimé que l'opération d'Ankara était "une
mauvaise idée". En début de semaine pourtant, le
retrait des troupes américaines de secteurs frontaliers en Syrie et les
déclarations contradictoires de la Maison blanche ont ouvert la voie à
l'offensive.
La Belgique, la France,
l'Allemagne, la Pologne et le Royaume-Uni ont réclamé une réunion
en urgence et à huis clos du Conseil de sécurité de l'ONU. Elle devrait avoir lieu
jeudi.
Quels
sont les risques pour les populations ?
Mercredi, des régions
voisines de la Turquie, notamment les zones de Tal Abyad et de Ras al-Aïn, ont
été bombardées par l'aviation et l'artillerie turques. À Ras al-Aïn, un
correspondant de l'AFP a entendu une forte explosion et vu s'élever de la fumée
tout près de la frontière, alors que des avions survolaient le secteur. Il a
fait état de tirs d'artillerie visant en continu la ville et provoquant
la fuite de dizaines de civils à bord de motos et
voitures, partant même à pied, tirant leurs valises et des sacs de voyage
bourrés d'affaires.
Au moins quinze
personnes, dont huit civils, ont été tuées et des
"milliers de déplacés" ont déjà fui les zones bombardées,
selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Parmi les victimes,
deux sont mortes lors de tirs d'artillerie contre la ville de Qamichli, une
ville majoritairement kurde, a précisé l'OSDH.
Amnesty international a
souligné qu'"à la fois les forces turques et
kurdes" avaient, "dans
le passé, mené des attaques aveugles en Syrie" ayant "fait
de nombreuses victimes parmi les civils". L'ONG a exhorté à faire
en sorte que "cela ne se reproduise pas".