Violences en Irak : le président Saleh appelle à « cesser l’escalade »
C’est une déclaration forte qu’a faite le
président irakien Barham Saleh, lundi 7 octobre, alors que le pays
traverse une période de tensions extrême et sanglante. M. Saleh a appelé
à « cesser l’escalade » après six jours de
manifestations et de violences, après que l’armée a admis un « usage
excessif » de la force dans un quartier de Bagdad.
Depuis le 1er octobre et le
début du mouvement de contestation à Bagdad et dans des villes du Sud pour
réclamer emplois, services publics et dénoncer la corruption, plus de
100 personnes ont été tuées, en grande majorité des manifestants, et plus
de 6 000 autres ont été blessées, selon un dernier bilan officiel.
Accusant des « ennemis du
peuple » d’être derrière ces pertes humaines, M. Saleh a
appelé l’ensemble des forces politiques irakiennes à un « dialogue
politique franc et total » sans « ingérence de
l’étranger » pour satisfaire les demandes des manifestants qui,
a-t-il dit, ne sont « pas impossibles » à réaliser.
« Demander
des comptes »
Après le chaos dans la nuit de
dimanche à lundi à Sadr City, dans l’est de Bagdad, où treize personnes ont péri dans les heurts entre
manifestants et forces de l’ordre, selon des sources médicales et policières,
le commandement militaire a reconnu « un usage excessif de la
force » et annoncé avoir « commencé à demander des
comptes aux officiers qui ont commis ces erreurs ».
Des vidéos ont montré des manifestants se
mettre à couvert sous des rafales ininterrompues de tirs, parfois à l’arme
lourde. Forces de l’ordre et médias ont difficilement accès à ce bastion du
leader chiite Moqtada Sadr qui avait appelé vendredi à la démission du
gouvernement d’Adel Abdel Mahdi.
Il faudra, a prévenu le président Saleh,
mettre en place des mesures pour éviter « le recours à la force
excessive », rappelant que les manifestations pacifiques étaient
un « droit constitutionnel » et dénonçant les
récentes attaques contre plusieurs médias à Bagdad.
Les autorités ont jusqu’à présent assuré
s’en tenir aux « standards internationaux » et
accusent des « tireurs non identifiés » de viser
manifestants et forces de l’ordre. Les défenseurs des droits humains accusent,
eux, les forces de l’ordre de tirer sur les manifestants.
« Un premier pas » pour Amnesty
International
« Le fait que les forces de sécurité
admettent avoir utilisé une force excessive est un premier pas qui doit se
traduire sur le terrain, afin de retenir l’action des forces de sécurité et de
l’armée », a estimé Amnesty
International. « La prochaine étape est de faire rendre des
comptes. » De son côté, le Comité international de la
Croix-Rouge a plaidé pour préserver un accès des soignants aux blessés,
car « l’alternative est impensable pour une population déjà
épuisée et dans le besoin ».
Dans ce contexte de crise, le chef du Hachd
Al-Chaabi, puissante coalition paramilitaire dominée par des milices chiites
proches de l’Iran, s’est dit « prêt » à intervenir
pour empêcher « un coup d’Etat ou une rébellion », si le
gouvernement le lui ordonnait. Dénonçant des « comploteurs » qui « seront
punis », Faleh Al-Fayyadh a prévenu que le Hachd, désormais en grande
partie intégré aux troupes régulières, voulait « la chute de la
corruption et non la chute du régime », répondant à l’un des slogans
des manifestants. Peu avant, l’Iran, pays voisin et allié, avait dénoncé
un « complot » et prévenu qu’il avait « échoué ».
Depuis dimanche, les manifestants ne
défilent plus dans le centre de Bagdad vers l’emblématique place Tahrir. Les
rassemblements sont désormais cantonnés à Sadr City et ses abords, dans l’est
de la capitale de neuf millions d’habitants toujours privée d’Internet, comme
l’ensemble du sud du pays. Ailleurs à Bagdad, la vie a repris lentement son
cours, mais la tension reste très palpable.
Un
habitant sur cinq sous le seuil de pauvreté
Les autorités ont multiplié les annonces de
mesures sociales pour tenter d’apaiser la colère des manifestants qui disent
n’avoir « plus rien à perdre » dans un riche pays
pétrolier où plus d’un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.
Le mouvement de contestation intervient
alors que des milliers de marcheurs irakiens et iraniens ont entamé le grand
pèlerinage chiite annuel vers le tombeau de l’imam Hussein à Kerbala, au sud de
Bagdad, qui doit culminer le 17 octobre avec les célébrations d’Arbaïn.
Sur le front diplomatique, le premier
ministre irakien a annoncé avoir discuté au téléphone avec le secrétaire d’Etat
américain Mike Pompeo de la situation en Irak, alors que le chef de la
diplomatie russe Sergueï Lavrov menait à Bagdad une visite prévue avant le
début de la contestation.