Donald
Trump a annoncé le retrait des troupes américaines à la frontière turque,
ouvrant la voie à une attaque turque sur les Kurdes.
Le
président américain a par la suite affirmé qu’il « anéantirait
complètement l’économie de la Turquie » si celle-ci « dépassait les
bornes ».
Une
incertitude qui promet le pire, selon le chercheur Karim Pakzad, spécialiste de
la Syrie à l’Iris.
Partira,
partira pas… Donald Trump a encore semé le
doute dans la géopolitique des Etats-Unis en annonçant le retrait de l’armée américaine
dans un tweet dont il a le secret dimanche soir, avant de rétropédaler ce mardi
matin. Difficile donc de savoir s’il y aura encore des soldats américains
longtemps ou non sur le sol syrien.
Cette incertitude risque-t-elle de plonger à nouveau le pays dans le chaos,
après des années déjà sombres ? Pour Karim Pakzad, chercheur à
l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste
de la Syrie, la situation risque de
profiter aux pires groupuscules.
Un retrait
des Américains à la frontière turque pourrait-il replonger la Syrie dans le feu
et le sang ?
Le risque
existe bel et bien. Si l’armée américaine se retire, il est fort probable que l’armée turque prenne les
devants et s’attaque aux Kurdes, aujourd’hui « protégés » par
la présence militaire des Etats-Unis. En partant, les Américains laissent les
Kurdes à leur sort, ce dont les Turcs risquent de profiter. Les Kurdes ont
d’ailleurs prévenu qu’ils ne baisseraient pas les armes en cas
« d’invasion » d’Ankara, qui compte occuper une partie du sol syrien.
Si la Turquie se lance vraiment dans un découpage du territoire de la Syrie, il
est possible de voir les forces kurdes et celles de Bachar al Assad
s’allier pour repousser cet ennemi commun. La situation est en réalité
encore plus complexe qu’il y a quelques années, lorsque la Turquie était
alignée sur les Etats-Unis. Aujourd’hui, elle flirte de plus en plus avec
Moscou et s’éloigne de l’Occident et de l’Otan, ce qui la rend d’autant plus imprévisible.
Cette
situation ne risque-t-elle pas de favoriser la resurgence de groupes
terroristes comme Daesh ?
Il est
certain que le chaos dans lequel risque de plonger la Syrie est un terreau
favorable pour le groupe Etat Islamique ou d’autres groupuscules terroristes.
S’il a été vaincu militairement, Daesh n’est pas pour autant éliminé, et continue à
faire des attentats, en Irak, notamment. C’est justement ce que les Kurdes ont
fait remonter comme crainte, en prévenant que toutes leurs forces seront
absorbées par le conflit avec la Turquie et que ça laissera le champ libre à
Daesh.
Donald
Trump a déjà anticipé cette critique d’une certaine manière, en indiquant que
c’était aux pays de se débrouiller avec un éventuel de retour de Daesh, et que si ce dernier frappait les Etats-Unis, il serait
« écrasé »…
Pourquoi les
Etats-Unis cherchent-ils à complexifier un dossier déjà épineux ?
Aujourd’hui,
le danger principal ne vient pas de la volonté stratégique et géopolitique des
Américains, qui ont tout intérêt à garder position au Moyen-Orient. Le danger, ce sont les tweets de Donald Trump,
qui fait des annonces sans aucune consultation préalable avec son Etat-major
avant de changer d’avis plus tard. Il prend une position étonnante pour ensuite
rétropédaler, et plonge le monde entier dans une éternelle incertitude.
Que va-t-il vraiment faire ? A quel tweet se référer ?
Les
Etats-Unis se désengagent de l’international, et semblent agir sur les coups de
tête de Donald Trump. Ils ne sont plus des alliés fiables pour les autres et
sont devenus eux-mêmes imprévisibles – il suffit de voir leur décision
unilatérale de quitter l’accord sur le nucléaire iranien. Cette façon de
procéder de manière imprévue est beaucoup plus dangereuse qu’une action
concrète, quelle qu’elle soit, car plus personne ne sait à qui se fier, et
seuls les groupes les plus extrêmes – notamment terroristes – profitent de
cette incertitude générale.