Publié par CEMO Centre - Paris
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Irak : «Nous voulons une révolution, ici et maintenant !»

mardi 08/octobre/2019 - 01:11
La Reference
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A Bagdad, les mesures sociales du gouvernement ne font pas reculer les manifestants et le mouvement de contestation s’enfonce dans la violence. Depuis une semaine, on dénombre 105 morts et plus de 4 000 blessés.

Dans les rues de Badgad, ils manifestent depuis une semaine contre «la misère» et «la corruption». Déterminés. Et exaspérés par un gouvernement pour qui «le bien de ses citoyens» n’a jamais été la première préoccupation, raconte Karram Jassem, un étudiant qui a rejoint le mouvement pour protester contre le traitement infligé le 24 septembre à ses aînés devant le ministère de l’Education. «Les étudiants diplômés ont été battus et arrosés [au canon à eau] alors qu’ils réclamaient des réformes et des débouchés sur le marché de l’emploi. Dans ce pays, nous avons été privés de nos droits depuis 2003 [date de l’invasion américaine en Irak, ndlr]. Les jeunes fuient le pays, raconte Karram Jassem. Nous sommes tous ici pour demander nos droits à la dignité.» Très vite, une foule s’amasse sur la place Tahrir et exprime sa colère. Mais des canons à eau et des gaz lacrymogènes viennent mettre fin à l’échange.

Cadavre

La violence sans sommation surprend d’abord la foule qui s’enfuit. Mais elle revient, lance des assauts répétés contre le cordon de policiers barrant l’accès au pont qui mène à la zone verte, centre névralgique du pouvoir à Bagdad. Surprises à leur tour, les forces de l’ordre abandonnent leurs positions. Dans les rangs des manifestants, c’est la liesse. Mais la joie est de courte durée. Très vite, les Unités de réponse rapide, troupes d’élite déployées par le ministère de l’Intérieur, n’hésitent pas à utiliser leurs armes à feu. Ils reprennent la place et le pont. Le soir, la chaussée est jonchée de douilles de mitraillettes. On déplore alors deux victimes. Depuis une semaine, au moins 105 personnes ont été tuées et 4 000 blessées dans tout le pays.

Les autorités ne savent pas appréhender le problème autrement que par la répression. A cela s’ajoute la présence mystérieuse de tireurs embusqués qui visent manifestants et forces de l’ordre dans les rues de la capitale. Le gouvernement affirme ne pas avoir donné l’ordre de tirer sur les manifestants. Pourtant, des exécutions ont bien eu lieu. Vendredi, rue de Palestine, un cadavre jonchait le sol sous un soleil de plomb. «Il y en a eu quatre au même endroit depuis ce matin», raconte un manifestant.

Plus loin, malgré les menaces, la foule défile, impassible, scandant des slogans révolutionnaires et patriotiques. A contresens, des ambulances se ruent vers les hôpitaux, suivies bientôt par un convoi funèbre salué une dernière fois par la foule.

Depuis le 1er octobre, chaque nuit se passe au son des coups de feu. La violence n’est pas circonscrite aux alentours de la place Tahrir, mais s’est disséminée dans toute la ville. Les jours suivants, la mobilisation populaire a perduré malgré l’escalade de violences sécuritaires. Couvre-feu et coupure d’Internet n’ont pas empêché des milliers d’habitants des banlieues de revenir à pied pour prendre part aux manifestations. Le Premier ministre, Adel Abdel-Mehdi, a eu beau s’adresser aux habitants de la ville pour exprimer son empathie envers les victimes, il n’a pas réussi à éteindre la contestation. Pas plus que l’annonce par son gouvernement de 17 réformes sociales. Le fait que ce phénomène d’ampleur soit né d’une mobilisation citoyenne n’a pas aidé à faire émerger un ou des interlocuteurs pour négocier.

Affront     

Peu de forces politiques se sont associées au mouvement, malgré un soutien timide du parti communiste et de son puissant allié, le mouvement du cheikh Moqtada al-Sadr. Quelques partis kurdes minoritaires se sont joints à eux. De son côté, le bloc Fatah, pro-iranien et proche des milices chiites, crie à la manœuvre étrangère visant la fraternité entre l’Iran et l’Irak.

Loin de ces intérêts géopolitiques, les manifestants restent campés sur leurs revendications initiales : «Nous voulons une révolution, ici et maintenant !» s’exclame Mohammed al-Issawi, originaire de Najaf, à 160 km au sud de Bagdad, et qui arbore une pancarte à l’effigie d’Abdel-Wahab al-Saadi. Cet ancien chef du Service de contre-terrorisme a gagné les cœurs de centaines de milliers d’Irakiens depuis son rôle clé dans la bataille contre l’Etat islamique à Mossoul.

Avec son discours rassembleur et patriotique, il incarne cet Irak libéré des clivages communautaires qui le caractérisent depuis toujours. En luttant contre la corruption au sein de son institution, Abdel-Wahab al-Saadi s’est fait des ennemis, et a fini par être limogé. Ce fut l’affront de trop pour le peuple. «Ils ont peur de lui parce qu’il est aimé des Irakiens. Nous ne voulons pas de Parlement, nous ne voulons pas de gouvernement, nous voulons qu’Al-Saadi soit le gouvernement !» conclut Mohammed al-Issawi.




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