Syrie : les forces américaines commencent à se retirer des abords de la frontière turque
Les troupes
américaines stationnées en Syrie sont en train de se retirer de la frontière
entre la Turquie et la Syrie, en vue d'une opération militaire turque.
Les
troupes américaines déployées dans le nord de la Syrie ont entamé lundi leur
retrait de secteurs proches de la frontière turque, ouvrant la voie à une
offensive militaire turque contre les forces kurdes pourtant des alliées de
Washington dans la lutte antidjihadiste.
Après
s'être opposés longtemps à une telle offensive, les États-Unis ont opéré un
revirement en annonçant dimanche leur retrait de régions où se trouvent des
forces kurdes syriennes ciblées par la Turquie. Ils ont également annoncé pour
"bientôt" l'opération turque dans le nord de la Syrie. La
Maison-Blanche a en effet diffusé un communiqué rendant compte d'une
conversation téléphonique entre Donald Trump et son homologue turc Recep Tayyip
Erdogan. «Les forces américaines ne vont pas soutenir ou être impliquées dans
l'opération et les forces américaines, qui ont vaincu le califat territorial de
l'Etat islamique, ne seront plus à proximité immédiate», a précisé la
Maison-Blanche.
«Les
Etats-Unis étaient censés rester 30 jours en Syrie, c'était il y a quelques
années déjà. Nous sommes restés et nous nous sommes impliqués de plus en plus
dans la bataille sans avoir aucun objectif. Quand je suis arrivé à Washington,
l'État islamique, s'étendait partout dans la zone. Nous avons rapidement vaincu
100% du califat», a déclaré lundi Donald Trump sur Twitter. «Le moment est venu
de nous retirer de ces guerres interminables, souvent tribales, et de rapatrier
nos soldats. NOUS COMBATTRONS LÀ OÙ SE SITUE NOTRE INTÉRÊT. La Turquie,
l'Europe, la Syrie, l'Iran, l'Irak la Russie et les Kurdes vont devoir à présent
trouver des solutions et déterminer ce qu'ils veulent faire des combattants de
l'État islamique qui ont été capturés», a-t-il expliqué.
Et
d'ajouter : «Les Kurdes ont combattu avec nous mais ils ont reçu énormément
d'argent et de matériel pour le faire. Cela fait des décennies qu'ils
combattent la Turquie. Je me suis tenu à l'écart de ce conflit pendant presque
trois ans, mais il est temps pour nous de sortir de ces guerres ridicules et
sans fin, dont beaucoup sont tribales».
La
création d'une zone de sécurité
L'ONU
a déclaré ce lundi «se préparer au pire», craignant une crise humanitaire alors
que le conflit en Syrie a fait des millions de déplacés et de réfugiés et coûté
la vie à plus de 370.000 personnes depuis 2011. «Nous ne savons pas ce qui va
se passer», a déclaré le coordinateur humanitaire de l'ONU pour la Syrie, Panos
Moumtzis, lors d'une conférence de presse à Genève. Mais il a affirmé
clairement que son bureau n'avait pas été prévenu de la décision de Washington
d'abandonner ses anciens alliés kurdes dans la lutte contre les djihadistes de
l'Etat islamique en Syrie.
La
Maison-Blanche n'a donné aucun détail sur cette opération turque. Mais le
président turc avait affirmé mardi que la Turquie arrivait à bout de sa
patience vis-à-vis des États-Unis au sujet de la création d'une zone de
sécurité dans le nord de la Syrie, menaçant de l'imminence d'une opération
militaire. «À ce stade, nous n'avons d'autre choix que de poursuivre sur notre
propre voie», avait déclaré le chef de l'État turc lors d'un discours télévisé.
Cette
zone tampon doit être créée entre la frontière turque et les zones syriennes
contrôlées par la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG),
soutenue par les États-Unis et sur laquelle Washington s'est appuyée pour
combattre le groupe État islamique (EI). Ankara considère cette milice comme
une organisation «terroriste». Outre éloigner les YPG de sa frontière, Erdogan
espère pouvoir utiliser cette "zone de sécurité" pour y renvoyer
jusqu'à deux millions de réfugiés syriens.
La
présidence turque a également rendu compte de l'appel téléphonique entre Donald
Trump et Recep Tayyip Erdogan. Mais elle s'est limitée à indiquer que les deux
dirigeants se rencontreraient le mois prochain à Washington pour discuter de la
mise en place de cette zone de sécurité dans le Nord de la Syrie.
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Recep
Erdogan a exprimé à Donald Trump «sa frustration concernant l'absence de mise
en oeuvre par l'armée et les services de sécurité américains de l'accord»
conclu en août avec Washington sur la création de cette zone, qui doit séparer
la frontière turque des territoires kurdes syriens, a-t-elle déclaré dans un
communiqué. C'est Donald Trump qui a invité son homologue turc à Washington,
a-t-elle précisé.
Résurgence de Daech
Les
Kurdes syriens ont averti pour leur part ce lundi qu'une invasion militaire turque
entraînerait une résurgence majeure du groupe djihadiste. Les chefs de l'EI
encore en vie pourraient sortir de «leur cachette», notamment dans le désert.
Une offensive menacerait aussi les prisons et les camps gérés par les Forces
démocratiques syriennes (FDS), alliance de combattants kurdes et arabes, et qui
abritent de nombreux djihadistes et leurs familles. Cela annulerait des années
de combats fructueux des FDS contre l'EI.
«Si
ce plan», qui ouvre la voie à une offensive militaire turque contre les Kurdes,
«est appliqué, j'introduirai une résolution au Sénat demandant à ce que l'on
revienne sur cette décision. Je m'attends à ce qu'elle soit largement soutenue
par les deux partis», a averti lundi Lindsey Graham, un des sénateurs
républicains les plus proches de Donald Trump.