Nouvel appel pour rapatrier les enfants français de Syrie
Dans un avis rendu
public mercredi, la Commission nationale consultative des droits de l'homme
demande au gouvernement de ramener en France les enfants détenus dans des
camps du nord-est de la Syrie. Un rapatriement qualifié d'exigence
humanitaire et d'impératif de sécurité.
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Nouvel appel pour rapatrier les enfants français de Syrie
L’avis
de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) est
implacable. Il ne fait pas qu’appeler au rapatriement «dans les plus brefs délais» des enfants français et de leur mère détenus au
Kurdistan syrien. Il balaie aussi les arguments du gouvernement français qui a
opté pour des retours «au cas par cas». Environ 300 enfants, dont une majorité âgés de
moins de 5 ans, vivent aujourd’hui dans des camps du nord-est de la Syrie
où sont regroupées les familles de jihadistes de l’Etat islamique (EI). Seuls 17 enfants, pour la plupart orphelins, ont pour l’instant été renvoyés en France. «Le maintien d’un refus de rapatrier
l’ensemble des enfants de nationalité française retenus dans les camps du
Rojava caractériserait une violation manifeste des droits fondamentaux et une
atteinte grave portée aux valeurs de la République française», affirme la Commission.
La
majorité des enfants concernés vivent dans le camp d’al-Hol, à proximité de la
frontière irakienne. C’est là qu’ont été emmenées la plupart des familles de
jihadistes qui fuyaient les derniers territoires contrôlés par l’EI en début
d’année. Nul n’avait anticipé qu’elles seraient aussi nombreuses.
70 000 personnes sont détenues dans le camp. Les Syriens et les
Irakiens sont les plus nombreux. Les étrangers sont parqués dans une enceinte
grillagée à l’intérieur du camp, surnommée «l’annexe». Une cinquantaine de nationalités sont représentées.
Manque d’eau et de nourriture
Les
autorités kurdes, qui contrôlent la région, sont d’autant plus dépassées que
très peu d’ONG sont présentes. «Les conditions de vie sont particulièrement
dégradées, en raison d’un manque d’eau et de nourriture, de l’insuffisance des
structures sanitaires, au point d’avoir déjà provoqué le décès de plusieurs
enfants», note l’avis de la CNCDH. D’après l’ONG
International Rescue Commitee, 339 enfants ont péri à al-Hol entre
décembre et septembre, soit 80% du nombre total de décès. Selon nos
informations, une fillette française de 3 ans, malade, est morte cet été
après avoir été transférée trop tardivement à l’hôpital voisin d’Hassaké. Le
rapatriement des enfants est donc «une exigence d’ordre humanitaire», estime la CNCDH. «Ils se trouvent dans une situation
désastreuse, inacceptable au regard des principes fondamentaux du droit
international humanitaire.»
Le
retour se justifie aussi pour des motifs sécuritaires. Les camps du Nord-Est
syrien sont considérés comme des incubateurs d’une prochaine vague de
jihadisme, un «Etat islamique 3.0», selon
les termes de diplomates. Au milieu des tentes, les femmes les plus radicales s’en
prennent à celles qui le sont moins et à leurs enfants. Elles attaquent aussi
régulièrement les gardes kurdes, parfois à coups de couteau. «Le retour de ces enfants sur le territoire
français est d’autant plus urgent […] que les tentatives d’évasion des camps se
multiplient, parfois organisées par des sympathisants de l’EI désireux de
ramener à eux les personnes qui vivaient sous son joug, y compris les enfants», indique la CNCDH.
Levée de fonds
Le
constat est partagé par la plupart des analystes. Dans une note publiée lundi, le centre de recherches Institute for the Study of War affirme que l’EI se préparerait à faire s’évader
ses partisans des camps et des prisons où ils sont aujourd’hui enfermés. «L’EI est actif à al-Hol. Il organise des
levées de fonds via des canaux cryptés tel Telegram depuis au moins
juin 2019», expliquent les
auteurs de la note.
Le
gouvernement français refuse pourtant d’intervenir. Une attitude critiquée par
les autorités kurdes, qui n’ont pas les moyens de gérer autant de prisonniers
étrangers, et par plusieurs instances internationales, dont le
Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, l’Unicef et la commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Interpellé en mai et
en juillet par le président de la CNCDH, le Premier ministre, Edouard
Philippe, a rétorqué que les camps syriens ne relevaient pas de «la juridiction» de la France. Un argument rejeté mercredi par
l’instance qui note «l’existence d’un contrôle effectif des autorités
françaises sur ses ressortissants présents au sein des camps». Autrement dit, la juridiction de la France s’exerce
bien dans le Nord-Est syrien.