L'ONU a annoncé, lundi 23 septembre, la création d'un Comité constitutionnel pour la Syrie, prévu par la résolution 2254 du Conseil de sécurité qui appelle à un cessez-le-feu et à une transition politique en Syrie, et composé de représentants du régime du président Bachar al-Assad et de l'opposition tolérée par Damas.
Cette annonce a été saluée par Washington et le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, comme un premier pas vers un règlement politique d’un conflit qui a fait, depuis 2011,plus de 370 000 morts ainsi que des millions de réfugiés et déplacés. Mardi, devant l'Assemblée générale de l'ONU, le président français Emmanuel Macron l'a même qualifiée d'"avancée décisive".
Ce comité, qui comprend 150 personnes, doit se mettre au travail prochainement à Genève. Le pouvoir a choisi 50 de ses membres, autant que l'opposition (constitué notamment par le Comité des négociations syriennes qui représente les principaux groupes d'opposition), et enfin les 50 dernières personnes ont été sélectionnées par l'ONU qui a inclus dans sa liste des représentants de la société civile. Chargé de la rédaction de la constitution pour l'après-guerre en Syrie, ce comité doit ouvrir la voie à des élections dans le pays, alors que la dernière présidentielle, qui remonte à 2014, avait reconduit le président Bachar al-Assad avec une très large majorité. La prochaine présidentielle doit se tenir en 2021.
Fin 2015, lors de l’adoption à l’unanimité de la résolution 2254, le Conseil de sécurité avait indiqué qu’un processus politique dirigé par les Syriens et facilité par l’ONU, devait mettre en place, "dans les six mois", "une gouvernance crédible, inclusive et non sectaire", et arrêter un calendrier et les modalités d’une nouvelle constitution. En vertu de celle-ci, des élections "libres et régulières" devraient se tenir, "dans les 18 mois", sous la supervision de l’ONU.
L'idée de ce comité avait été agréée formellement en janvier 2018 sous l'impulsion de la Russie, alliée du président Bachar al-Assad. Mais ce dernier, en position de force après avoir repris le contrôle de la majeure partie du territoire syrien, n'a eu de cesse de traîner les pieds, retardant sa formation et sa mise en place. Les discussions entre l'ONU, l'opposition et Damas ont notamment longtemps achoppé sur les procédures de fonctionnement de cette instance et sa hiérarchie avant d'arriver à l'accord annoncé lundi.
Ces derniers mois, l'émissaire de l'ONU, Geir Pedersen, et le régime syrien ont notamment ferraillé sur certains noms de la liste onusienne incluant des représentants de la société civile. Cet été, selon des diplomates, le blocage ne perdurait plus que sur un seul nom.
Crainte de nouveaux blocages
Le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, a réitéré "l'engagement de la Syrie en faveur (...) du dialogue syro-syrien afin de parvenir à une solution politique (...) loin de toute intervention étrangère". Toutefois, des diplomates craignent déjà que la future mise en place du comité, dont est exclue l'administration kurde dans le nord-est de la Syrie, ne prenne encore des mois, alors que l’armée syrienne poursuit son offensive sur la province d'Idleb (nord-ouest), dernier bastion rebelle qui échappe à son contrôle.
Pour les Occidentaux, l'objectif du Comité doit être de parvenir à l'organisation de nouvelles élections qui soient inclusives et intègrent les millions de réfugiés, souvent hostiles au régime syrien, qui ont fui le pays et la guerre. Mais Bachar Al-Assad risque fort de s'opposer à toute révision constitutionnelle qui aille au-delà d'un toilettage de façade et a fortiori à tout élargissement du corps électoral qui lui soit défavorable.
"Il est en position de force, les Russes le sollicitent pour faire des gestes (comme sur le Comité constitutionnel), mais même-là il leur a résisté pendant des mois", explique à l'AFP l'ancien ambassadeur de France en Syrie, Michel Duclos, conseiller spécial à l'Institut Montaigne à Paris.
"Il garde la possibilité de bloquer la suite de la procédure. Entre-temps, il y aura eu des élections, il aura fait élire ses pions, se sera lui-même fait réélire en 2021 si rien ne change", poursuit-il.
Pour Julien Barnes-Dacey, expert à l'Europan Council on Foreign Relations (ECFR), des "questions énormes" se posent concernant ce Comité, alors que l'Europe et les États-Unis ont conditionné toute aide à la reconstruction de la Syrie à de réels progrès vers une solution politique.
"Le gouvernement syrien va sans aucun doute continuer à faire obstruction à ce processus. Il ne faut pas s'attendre à un règlement politique équitable ou à des réformes substantielles de sa part", dit-il à l'AFP. "Mais c'est aussi la seule voie, certes étroite, pour tenter toute forme de processus politique" et cela constitue une rare "ouverture", conclut-il.