Chef de guerre.D’où vient l’argent de Haftar, l’homme fort de l’Est libyen ?
Pour couvrir ses dépenses de guerre et divers frais de fonctionnement, le
maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est libyen, a plus d’une corde à son
arc. Contrebande pétrolière, saisie de biens ou encore exportation
de ferraille.
NOS SERVICES
La
propriété de bord de mer est située juste à l’ouest de la deuxième plus grande
ville libyenne, Benghazi. C’est un petit joyau en matière de développement,
tout au bord de la Méditerranée, qui pourrait être source de richesse lorsque
ce pays d’Afrique du Nord aura résolu ses nombreux problèmes. Mais un beau jour
de 2017, son propriétaire est convoqué par un officier de l’Armée nationale
libyenne (ANL), dirigée par le chef de guerre Khalifa Haftar, pour s’entendre
dire qu’une autorité financière obscure du nom de Comité militaire d’investissement
et de travaux publics [CMITP] avait besoin de son bien.
Par
peur pour sa propre sécurité et de crainte de ne plus pouvoir assurer sa
subsistance, le propriétaire a rapidement accepté l’offre de vente à un prix
dérisoire. De fait, de nombreux dissidents libyens ayant croisé le chemin de
l’ANL ont disparu ou ont été forcés de fuir pour échapper à la mort. “Ils
n’ont pas besoin de faire grand-chose, explique un chercheur, qui
s’est entretenu avec l’ancien propriétaire à l’occasion d’un voyage en
Libye. Ils peuvent proférer une menace directe ou
vous prier de vous rendre dans un certain bureau où on vous rappellera les
règles du jeu, ou encore ils peuvent envoyer un groupe armé à la propriété pour
s’en emparer de facto.”
Khalifa
Haftar, le controversé militaire et homme fort qui dirige actuellement le siège
de la capitale, Tripoli, bénéficie de l’appui militaire des Émirats arabes
unis, de l’Arabie Saoudite et de l’Égypte, et du soutien politique de la Russie
et de la France dans sa tentative depuis cinq ans de conquérir ce pays riche en
pétrole. Cependant, pour financer l’effort de guerre, payer des dépenses comme
celles d’un lobbyiste auprès de Washington et satisfaire les appétits de ses
officiers, il se serait mis lui aussi à pratiquer ce que les critiques
appellent des “activités commerciales prédatrices”, la plupart du temps par
l’entremise du Comité militaire d’investissement et de travaux publics, un
organe quasi légal qui permet l’expropriation de biens immobiliers ou leur
rachat à bas prix, ainsi que la vente de matières premières à l’étranger.
Un patrimoine d’au moins 1 milliard
de dollars
Il
s’avère difficile de mesurer exactement la valeur des biens et revenus du
CMITP. Un chercheur estime cependant qu’il pourrait contrôler des actifs d’une
valeur de 5 à 10 milliards de dinars libyens [entre 3,21 et
6,42 milliards d’euros], et indique qu’il pourrait disposer d’un
patrimoine total d’au moins 1 milliard de dollars [9 milliards
d’euros] générant des revenus annuels de plusieurs dizaines de millions de dollars.
Ses mécanismes de financement supposés couvrent un large éventail d’activités.
Des biens immobiliers ont été saisis sous prétexte qu’ils étaient nécessaires
pour garantir la sécurité nationale.