Les migrants délaissent la Libye pour passer par la Tunisie
La part des Subsahariens parmi ceux qui franchissent la Méditerranée depuis la Tunisie est passée de 10 % en 2018 à 50 % au cours de l’été 2019 selon l’observatoire des migrations de l’ONG Forum tunisien des droits économiques et sociaux.
« Nous pensons qu’il y a de nouveaux itinéraires, non plus à partir de la Libye, mais de la Tunisie. » Dans une interview au quotidien italien La Stampa, Salvatore Vella, le procureur d’Agrigente (en Sicile), a qualifié de « voyages en classe business » les bateaux partis du sud de la Méditerranée qui arrivent à bon port sur les côtes italiennes sans avoir été secouru en mer ni interceptés par des garde-côtes. Selon lui, plus de 80 % des quelque 7 000 personnes qui ont débarqué en Italie depuis le début de l’année l’ont fait à bord d’embarcations plus sûres que les rafiots qui partaient de Libye et sont arrivées de manière autonome à Lampedusa ou en Sicile.
Or, ces migrants à bord de bateaux fantômes
qui arrivent en Italie ne feront pas partie des discussions entre les ministres
européens de l’intérieur qui se réunissent ce lundi 23 septembre à Malte
pour tenter de mettre sur pied un mécanisme de répartition des migrants sauvés
en mer.
Cette évolution des arrivées, l’observatoire méditerranéen des migrations au sein de l’ONG Forum tunisien des droits économiques et sociaux l’a finement observée. Il y a eu, ce dernier, 237 opérations d’interception en mer ou avant le départ sur le sol tunisien qui ont concerné 2 328 personnes de janvier à août 2019.
Un Soudanais tué en Libye
Si les Subsahariens représentaient 9 à
11 % des personnes interceptées en 2018, leur pourcentage est passé à près
de 28 % au premier semestre 2019 et a même grimpé à environ 50 % pour
les seuls mois de juillet et août, prouvant bien que la Tunisie n’est plus
seulement une terre de départ pour les Tunisiens mais aussi pour ceux qui
évitent de transiter par la trop dangereuse Libye voisine.
Un homme vient d’y perdre la vie, illustrant
la tragédie qui se déroule dans ce pays. Après avoir été intercepté en mer le
19 septembre, un Soudanais a été tué par balle par un garde-côte libyen à
Tripoli alors qu’il tentait de s’enfuir pour échapper à son renvoi en centre de
rétention. La majorité des bateaux qui prennent la mer sont dorénavant
interceptés par les garde-côtes libyens pour rapatrier leurs passagers.
« L’actuelle période électorale en Tunisie
est propice aux départs, souligne
Romdhane Ben Amor de l’observatoire des migrations. Rien que pendant le week-end du premier tour du scrutin
présidentiel, les 14 et 15 septembre, dix interceptions ont eu lieu en
deux jours concernant 192 personnes, nous déplorons aussi cinq morts et dix
disparus. C’est par définition sans faire état des bateaux qui sont partis avec
succès, les forces sécuritaires étant d’abord accaparées par la bonne tenue des
élections. »
Les Tunisiens sont les premiers à quitter la Tunisie depuis les villes de Sfax, Médenine ou Mahdia. Et ils sont aussi la première nationalité représentée parmi ceux qui arrivent en Italie, quel que soit le pays de départ, en totalisant 26 % des quelque 7 000 personnes qui ont gagné les côtes italiennes en 2019, devant les Pakistanais (16 %), les Algériens (10 %) et les Ivoiriens (10 %).