L'étonnante rencontre chiite entre l’Irakien Moqtada Sadr et Ali Khamenei
L’influent leader chiite irakien Moqtada
Sadr a rencontré mardi 10 septembre en Iran le Guide suprême de la République
islamique Ali Khamenei, deux hommes qui se sont souvent opposés. Une entrevue
rare dans un contexte de divisions entre leaders chiites en Irak, où Téhéran
joue un rôle.
La République islamique d’Iran reste, avec
les États-Unis, l’un des deux pays les plus
influents en Irak, notamment via Ghassem
Soleimani, le général chargé des opérations extérieures des Gardiens de la
révolution. Celui-ci se rend régulièrement en Irak et a notamment joué un rôle
majeur dans la lutte contre le groupe État islamique (EI).
En rencontrant l’ayatollah Khamenei, mais
également le chef de la justice iranienne Ebrahim Raïssi et d'autres officiels
lors d'une cérémonie mardi, Moqtada Sadr a suscité la polémique dans son pays,
alors que des millions de chiites effectuaient un pèlerinage à Kerbala, en
Irak, pour le jour d’Achoura, l’une des plus importantes commémorations
chiites.
Dans les médias locaux et sur les réseaux
sociaux, certains estimaient que l'Iran avait « convoqué » le
turbulent leader chiite. Il y a deux ans, celui-ci s'était rendu en Arabie
saoudite, grand rival régional de Téhéran, et avait refusé de s'allier avec le
camp le plus pro-Iran pour former un gouvernement après les législatives de mai
2018.
Un signe de changement de position de
Téhéran ?
Pour d'autres en revanche, cette visite et
ces rencontres au sommet étaient le signe que Téhéran avait choisi d'appuyer
Moqtada Sadr plutôt que le camp du Fatah. Cette alliance est formée par des
anciens combattants anti-EI, majoritairement issus des rangs des milices
chiites pro-Iran.
Car, il y a une semaine, Moqtada Sadr,
devenu héraut des manifestations anticorruptions et dont les tweets sont
suivis de près en Irak, a lancé sur ce réseau social une campagne contre la
ligne la plus dure de cette alliance, les accusant de vouloir mettre à bas
« l'État de droit »
pour créer un « État
voyou ».
Il s'est même dit prêt à retirer, comme il
l'a déjà fait par le passé avec d'autres cabinets, sa confiance au
gouvernement.
Une visite qui n'est « pas une surprise »
Au-delà, Moqtada Sadr entretient des liens
étroits avec les Iraniens, ainsi que familiaux, explique Myriam Benraad,
chercheuse associée à Institut de recherches et d'études sur les mondes arabes
et musulmans (Iremam) à Aix-en-Provence : « Cette visite peut être perçue comme surprenante, dans
la mesure où Moqtada Sadr a chronologiquement, depuis notamment la guerre de
2003, entretenu des rapports très tendus avec l’Iran et son régime, puisqu’il a
des positions qui parfois ont été ouvertement anti-iraniennes, a
expliqué la spécialiste de l’Irak. Mais
cela étant, ce n’est pas la première fois qu’il se rend en Iran. »