Syrie : comment Téhéran a berné Londres
Après la publication samedi d’images satellites montrant le pétrolier iranien Adrian Darya 1 accoster au port syrien de Tartous, Londres a haussé le ton mardi, accusant l’Iran d’avoir «enfreint ses assurances» et qualifiant de «violation inacceptable des normes internationales» la livraison de pétrole «au régime meurtrier d’Al-Assad». La boucle se referme sur le feuilleton naval à rebondissements de l’été.
L’odyssée du navire alors dénommé Grace 1 commence le 4 juillet au large de Gibraltar. Des commandos de marine britanniques arraisonnent le tanker iranien battant pavillon panaméen, qui transportait 2,1 millions de barils de pétrole. La cargaison du tanker est soupçonnée d’être destinée à la Syrie, en violation des sanctions imposées par l’UE au régime de Bachar al-Assad. Téhéran nie l’accusation et dénonce un acte de «piraterie». La polémique s’envenime, d’autant que les Etats-Unis appuient la saisie du bateau pour violation de leurs sanctions unilatérales contre les exportations de pétrole iranien.
Quinze jours plus tard, un pétrolier britannique est «confisqué» avec ses 23 marins dans le détroit d’Ormuz par les pasdarans iraniens, qui nient tout lien entre le cas du Stena Impero et la saisie par le Royaume-Uni du Grace 1. Une négociation diplomatico-juridique s’engage. Puis, le 15 août, la Cour suprême de Gibraltar autorise le pétrolier iranien à repartir après que Téhéran eut assuré que la cargaison ne serait pas livrée à la Syrie. Le Grace 1, désormais rebaptisé Adrian Darya 1, est libéré le 16 août.
Après plusieurs péripéties, un responsable russe annonce depuis Téhéran le 6 septembre que des marins du pétrolier britannique ont été libérés par l’Iran. Deux jours plus tard, les photos par satellite de l’Adrian Darya 1 au large de la Syrie sont diffusées. Mais des informations contradictoires circulent sur le débarquement du contenu du tanker. Les sources du renseignement britannique assurent que des barils de pétrole ont été déchargés sur des embarcations pouvant accoster en Syrie. De son côté, le site spécialisé TankerTrackers.com continuait d’affirmer mercredi, sur la base d’images satellites, que le pétrolier contenait encore la totalité de sa cargaison.
En attendant, l’Iran a laissé entendre dimanche qu’il pourrait libérer «dans les prochains jours» le pétrolier britannique Stena Impero. Une affaire sans lien avec le pétrolier désormais au large de la Syrie ? Téhéran comme Damas, étranglés par les sanctions, ont trouvé semble-t-il le moyen de les contourner. Mais au prix de quels marchandages et avec quelles complicités ?