Publié par CEMO Centre - Paris
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Le documentaire à voir: Iran-Irak, la guerre par l’image, mentir pour cacher l’horreur

mercredi 11/septembre/2019 - 12:33
La Reference
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Le Figaro sélectionne le documentaire qu’il ne faut pas manquer. Diffusé ce mardi sur Arte à 22h25, ce film révèle comment le régime de Khomeyni a usé d’une pernicieuse désinformation lors de son conflit avec Bagdad (1980-1988) pour faire oublier les cadavres qui s’entassaient.

«Je dormais parfois sous des cadavres pour me protéger du froid»

Sayed Sadeghi, ancien photographe du régime de Khomeyni

«Un cauchemar sans fin» qui hante encore ses nuits. Quarante après, Sayed Sadeghi est retourné sur les fronts de la sanglante guerre Iran-Irak, avec son appareil photo en bandoulière, mais aussi ses remords et sa mauvaise conscience. Le photographe iranien est parti à la recherche d’anciens combattants dont il avait immortalisé le calvaire. Le documentaire d’Arte Iran-Irak, la guerre par l’image réalisé par Myriam Ebrahimi retrace ce retour à Khorramchahr ou à Bandar Abbas. Diffusé mardi à 22h25 sur la chaîne, il est également disponible sur YouTube et sur le site d’Arte, jusqu’au 8 novembre. Un documentaire qu’il ne faut pas manquer pour Le Figaro.

Le 22 septembre 1980, Saddam Hussein, dans la foulée de sa prise du pouvoir à Bagdad, déclare la guerre à son voisin l’Iran. Six mois plus tôt, la République islamique est née. Le chah, allié des Occidentaux, est évincé du pouvoir. De Washington à Paris en passant par Riyad, l’Iran islamique et révolutionnaire de l’imam Khomeyni fait peur aux Occidentaux qui soutiennent le dictateur irakien sunnite, vu comme un rempart contre l’expansionnisme chiite iranien.

«Martyr», maître-mot de la propagande iranienne

 

Téhéran dépêche le jeune photographe sur les lignes de front. Il vivra avec la mort comme compagne durant les huit longues années que ce conflit durera. «Je vois encore les soldats se faire massacrer», raconte Sayed Sadeghi. Ses images envoyées aux journaux de la jeune République islamique malmenée sur le front par l’Irak sont exploitées pour le recrutement de très jeunes combattants. «J’ai très bien réussi à planter la graine de la propagande», reconnaît-il.

Les clichés de ces ados transformés en chair à canon défilent dans ce documentaire sérieux mais un peu convenu. Comme ces deux adolescents, âgés de 14 et 16 ans, heureux de partir à la guerre. Sayed Sadeghi en a retrouvé un qui revient sur la mort de ses camarades et ses visites ensuite au cimetière des martyrs de sa ville. Martyr, c’est le maître-mot utilisé par l’Iran pour galvaniser les candidats à une guerre qui fera près d’un million de morts côté iranien et 300.000 chez les Irakiens. Sur les photos de Sadeghi, on voit les mères éplorées brandir les portraits de leurs enfants. Mais dans la culture chiite, le martyr renvoie immanquablement à l’imam Hussein, qui résista 67 jours durant aux assauts de ses ennemis sunnites avant de mourir en 680 dans la ville sainte irakienne de Kerbala. Kerbala est bien sûr convoquée sur les clichés de Sadeghi.

Dormir sous des cadavres

Dans les tranchées, le long de la frontière avec l’Irak, la mort est partout. «Je dormais parfois sous des cadavres pour me protéger du froid», raconte le photographe. Partout mais aussi nulle part. «Il n’y avait rien sous le nom de mort, il n’y avait qu’une nouvelle vie sous le nom de martyr. Notre joie face à ces pertes était notre victoire face à notre ennemie», se souvient Sadeghi, qui lui aussi y croyait à l’époque. Du moins au début de ce terrible carnage. Car la guerre va durer. L’Occident livre à son ami Saddam ses meilleures armes pour contrer l’exportation de la révolution islamique. Et celle-ci, de son côté, exploite le conflit pour y gagner une légitimité populaire et faire taire les dissidents, relève le photographe.

La guerre Iran-Irak se terminera sans qu’aucun des deux belligérants ne la remporte. Khomeiny acceptera de «boire le poison» de l’arrêt des hostilités. À l’heure où des bruits de botte se font de nouveau entendre dans le détroit d’Ormuz, le documentaire nous rappelle le poids des images dans les conflits et l’instrumentalisation qui en est faite. Et pas uniquement par l’Iran.

           


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