Le documentaire à voir: Iran-Irak, la guerre par l’image, mentir pour cacher l’horreur
Le Figaro sélectionne le documentaire qu’il ne faut pas manquer. Diffusé ce mardi sur Arte à 22h25, ce film révèle comment le régime de Khomeyni a usé d’une pernicieuse désinformation lors de son conflit avec Bagdad (1980-1988) pour faire oublier les cadavres qui s’entassaient.
«Je dormais parfois sous des cadavres pour me protéger du froid»
Sayed Sadeghi, ancien
photographe du régime de Khomeyni
«Un cauchemar sans fin» qui
hante encore ses nuits. Quarante après, Sayed Sadeghi est retourné sur les
fronts de la sanglante guerre Iran-Irak, avec son
appareil photo en bandoulière, mais aussi ses remords et sa mauvaise
conscience. Le photographe iranien est parti à la recherche d’anciens
combattants dont il avait immortalisé le calvaire. Le documentaire d’Arte Iran-Irak, la guerre par l’image réalisé par Myriam
Ebrahimi retrace ce retour à Khorramchahr ou à Bandar Abbas. Diffusé mardi à
22h25 sur la chaîne, il est également disponible sur YouTube et sur le site d’Arte,
jusqu’au 8 novembre. Un documentaire qu’il ne faut pas manquer pour Le Figaro.
Le 22 septembre 1980, Saddam Hussein, dans la foulée de sa prise du
pouvoir à Bagdad, déclare la guerre à son voisin l’Iran. Six mois plus tôt, la
République islamique est née. Le chah, allié des Occidentaux, est évincé du
pouvoir. De Washington à Paris en passant par Riyad, l’Iran islamique et
révolutionnaire de l’imam Khomeyni fait peur aux Occidentaux qui soutiennent le
dictateur irakien sunnite, vu comme un rempart contre l’expansionnisme chiite
iranien.
«Martyr», maître-mot de la propagande iranienne
Téhéran dépêche le jeune
photographe sur les lignes de front. Il vivra avec la mort comme compagne
durant les huit longues années que ce conflit durera. «Je vois encore les
soldats se faire massacrer», raconte Sayed Sadeghi. Ses images envoyées aux
journaux de la jeune République islamique malmenée sur le front par l’Irak sont
exploitées pour le recrutement de très jeunes combattants. «J’ai très bien
réussi à planter la graine de la propagande», reconnaît-il.
Les clichés de ces ados
transformés en chair à canon défilent dans ce documentaire sérieux mais un peu
convenu. Comme ces deux adolescents, âgés de 14 et 16 ans, heureux de
partir à la guerre. Sayed Sadeghi en a retrouvé un qui revient sur la mort de
ses camarades et ses visites ensuite au cimetière des martyrs de sa ville.
Martyr, c’est le maître-mot utilisé par l’Iran pour galvaniser les candidats à
une guerre qui fera près d’un million de morts côté iranien et 300.000 chez les
Irakiens. Sur les photos de Sadeghi, on voit les mères éplorées brandir les
portraits de leurs enfants. Mais dans la culture chiite, le martyr renvoie
immanquablement à l’imam Hussein, qui résista 67 jours durant aux assauts
de ses ennemis sunnites avant de mourir en 680 dans la ville sainte irakienne
de Kerbala. Kerbala est bien sûr convoquée sur les clichés de Sadeghi.
Dormir sous des cadavres
Dans les tranchées, le long de la frontière avec l’Irak, la mort est partout. «Je dormais parfois sous des cadavres pour me protéger du froid», raconte le photographe. Partout mais aussi nulle part. «Il n’y avait rien sous le nom de mort, il n’y avait qu’une nouvelle vie sous le nom de martyr. Notre joie face à ces pertes était notre victoire face à notre ennemie», se souvient Sadeghi, qui lui aussi y croyait à l’époque. Du moins au début de ce terrible carnage. Car la guerre va durer. L’Occident livre à son ami Saddam ses meilleures armes pour contrer l’exportation de la révolution islamique. Et celle-ci, de son côté, exploite le conflit pour y gagner une légitimité populaire et faire taire les dissidents, relève le photographe.
La guerre Iran-Irak se terminera
sans qu’aucun des deux belligérants ne la remporte. Khomeiny acceptera de
«boire le poison» de l’arrêt des hostilités. À l’heure où des bruits de botte se font de nouveau entendre
dans le détroit d’Ormuz, le documentaire nous rappelle le poids des
images dans les conflits et l’instrumentalisation qui en est faite. Et pas
uniquement par l’Iran.