C'était ce samedi, à 13h30, dans une
salle louée à Paris dont l'adresse est tenue secrète pour des questions de
sécurité. Preuve que cet islam progressiste n'est pas toléré auprès de
mouvements fondamentalistes. L'imame, Anne-Sophie Monsinay, a d'ailleurs fait
part d'attaques, « heureusement moins nombreuses que les encouragements ». «
Exceptionnellement, ce temps de prières a lieu un samedi car nous n'avons pas
pu l'organiser un vendredi pour des raisons logistiques. Tous les autres
rendez-vous, qui se tiendront une fois par mois dans d'autres lieux, se
dérouleront le vendredi soir selon le format traditionnel du culte », précise
Eva Janadin.
Pour la première fois en France, l’imam est une femme

Le temps est comme suspendu à cet instant précis. Dès les
premiers échos de l'appel à la prière, les 70 fidèles sont saisis par cette
voix éblouissante qui répète en arabe : « Dieu est le plus grand. » Une voix
qui, pour la première fois en France, est féminine. Une voix qui pose
définitivement ce moment historique que représente cette première prière mixte
dirigée par deux femmes imames, Anne-Sophie Monsinay et Eva Janadin, à la fois
« stressées et heureuses ».
Totale mixité
Dans un second temps, les deux imames
envisagent de trouver un lieu fixe qui deviendrait le premier lieu de culte
musulman dirigé par des femmes. S'il n'existe pas encore, il a déjà un nom : la
mosquée Simorgh, du nom d'un oiseau mythologique que l'on retrouve chez le
poète soufi iranien, Attar. Dans ses écrits, la quête de cet oiseau permettrait
de trouver son « moi » profond.
Cet islam progressiste est fondé sur
quatre grands principes : l'égalité entre les femmes et les hommes d'abord.
Toute femme qui le désire peut ainsi devenir imame, prêcher et prier avec les
hommes dans la même salle sans hiérarchie spatiale et dans une totale mixité.
Ce samedi, c'est bien le cas. Femmes et hommes prient les uns à côté des
autres, dans une quasi-parité. Second principe : la liberté de porter ou non le
voile « qui relève du choix personnel », insiste Eva Janadin. De fait, pour la
première, moins d'une dizaine de femmes ont choisi de se couvrir les cheveux.
Deux enseignantes converties à l'islam
La voix de l'adhan (appel à la prière),
c'est celle d'Anne-Sophie, 29 ans, professeure de musique. Avant elle, Eva, 30
ans, professeure d'histoire, a fait les salutations : « que la paix, la
miséricorde et les bénédictions de Dieu soient avec vous ». Converties depuis
une dizaine d'années, elles sont les fondatrices de l'association cultuelle,
née en 2018 : Voix d'un islam éclairé (VIE), qui compte actuellement 200
adhérents. C'est via ce réseau que les fidèles se sont déplacés en nombre pour
cette première rencontre. Faute de places, certains sont restés à la porte.
Ce n'est pas le cas de Mina, venue de
Lyon pour l'occasion. « J'attendais cela avec impatience. Nous sommes nombreux
à avoir cette conception-là de l'islam, témoigne cette femme de 43 ans. Pendant
longtemps, je ne percevais plus le sens du rite. C'était devenu des
automatismes. Je rentrais le soir, il fallait rattraper les cinq prières. J'ai
toujours été musulmane mais en découvrant Anne-Sophie et Eva, j'ai entamé une
démarche d'ouverture. Aujourd'hui, je suis bien avec mon islam qui laisse sa
place à ma propre réflexion. »