Exposition Toutânkhamon : pourquoi l'Egypte antique fascine autant ?
C'est l'exposition la plus visitée en
France. "Toutânkhamon, le trésor du Pharaon" a accueilli plus d'1,3
million de visiteurs. Mais les Français ne sont pas les seuls à être friands de
l'Egypte antique. Pourquoi un tel engouement mondial ? Entretien avec Aurélie
Clemente Ruiz, directrice du département des expositions à l'Institut du monde
arabe à Paris.
Lorsqu’on fait
une exposition sur l’Egypte ancienne, comme celle que l'on peut voir en ce
moment à Paris, le succès est-il garanti ?
Aurélie Clemente Ruiz
: Ce sont des sujets qui attirent énormement de
monde. Aujourd’hui, l’exposition qui a attiré le plus de visiteurs à l'Institut
du monde arabe c’est «
Pharaons » en 2004 avec 600 000 visiteurs. On a également fait
une exposition sur Osiris qui a remporté un franc succès. Cela fait partie des
meilleures fréquentations de nos expositions.
En fait, l'Égypte ancienne attire un public très large. Ce sont des expositions
qui peuvent se visiter en famille et qui attire aussi bien des personnes qui
s’intéressent à l’histoire, au patrimoine mais aussi celles moins
habituées aux musées qui nourrissent cette fascination pour l’Égypte.
Pourquoi l’Égypte ancienne
justement fascine-t-elle tant ?
C'est une civilisation ancienne, très riche mais qui a disparu. Et comme tout
ce qui disparait, elle intrigue, elle fascine.
Les découvertes faites au fil des siècles, notamment depuis la campagne de
Bonaparte en Égypte, ont façonné cette image d'une société mystérieuse,
particulièrement avec la momification. Les secrets levés aujourd'hui,
restaient très énigmatiques au début pour beaucoup de gens. Cela a créé un
mythe.
Il ne faut pas
oublier qu’avant l’apogée des civilisations grecques et romaines il y avait les
Egyptiens. Ce n’est pas pour rien que Rome a voulu mettre la main dessus.
D’abord pour des raisons économiques, l’Égypte a été pendant longtemps le grenier
à blé de l’Empire romain ; mais également parce que c'était un pays
passionnant. Si Cléôpatre a pu continuer a régner pendant quelques temps c’est
aussi parce qu’elle incarnait cette fascination. Le fait que ce soit une femme
qui a eu des amours tumultueuses... tout cela passionne
énormément.
Dans l’imaginaire collectif français mais plus largement dans les sociétés
occidentales, l’Égypte qui fascine c'est l’Égypte pharaonique. Parfois on
a l'impression que les gens oublient que ce pays existe encore et qu’il a une
histoire contemporaine. On reste bloqué sur cette époque pharaonique parce
qu'elle est liée à plein de mystères.
La France
n'est donc pas une exception ?
C’est assez mondial mais la France a un lien spécifique avec l’Égypte et ça se
ressent notamment avec le tourisme dans le pays. Aujourd’hui, les Français
représentent une grande part du tourisme culturel en Égypte.
C'est une sorte de saga sans fin. On a l’impression qu’il
y aura toujours quelque chose à découvrir sur cette civilisation.
Depuis quand
l'Egypte fascine-t-elle en France et ailleurs ?
Il y a toujours eu un public passionné par l'Égypte. Au XIXème siècle, c’était
réservé à des cercles plus restreints de lettrés et d’intellectuelles.
Aujourd’hui, avec la profusion de l’information cela séduit de plus en plus de
monde.
La fascination française est quand même liée à l'histoire de Napoléon et sa
campagne d’Egypte en 1798 qui a donné naissance à des fouilles archéologiques
quasi continues.
La campagne d’Egypte a notamment donné naissance à la mode de l’égyptomanie en
France. Il y a eu ensuite la découverte de Toutânkhamon par Howard Carter (en
1922, ndlr) avec sa fameuse malédiction. Agatha Christie a suivi son mari sur
les fouilles et a alimenté certains de ses romans de cet imaginaire autour de
l’Égypte. Et puis comme les archéologues font régulièrement des
découvertes, l'intérêt général est relancé. C'est une sorte de saga sans fin.
On a l’impression qu’il y aura toujours quelque chose à découvrir sur cette
civilisation.
L'Egypte ancienne a quelque
chose de très moderne aussi. Elle interroge des sujets qui nous concernent :
notre rapport à la vie, à la mort mais aussi la science, la religion, la
politique…
C'est une civilisation très élaborée avec un système politique, hiérachisé -
certes avec un pharaon à sa tête - qui révèle une société extrêmement
structurée. Moderne aussi car les femmes avaient une place très importante
dans cette société.
La religion fascine aussi. Tous ces dieux avec leur incarnation humaine ou
animale, cela donne une iconographie très riche.
Quant au rapport à la mort... Le sujet fascine depuis toujours. Les Egyptiens
ont apporté une réponse très claire avec la momification, cette croyance très
forte en la vie dans l’au-delà. Et le fait qu’on retrouve encore
aujourd’hui, au XXIème siècle, des momies datant de cette époque,
effectivement, c’est assez incroyable !
Comment se fait-il que
l'Egypte antique ait toujours autant de succès dans les sociétés modernes et
qu'elle fasse toujours l'objet de tant d'oeuvres artistiques ?
Toute cette histoire a nourri un imaginaire collectif occidental depuis
plusieurs siècles. Les enfants aujourd’hui connaissent encore les pyramides et
les pharaons qui n’ont pas encore révélé tous leurs mystères d'ailleurs !
Toute une culture populaire s’en est emparée parce qu'il y a, encore une fois,
cette aura mystérieuse qui fascine.
Quand on voit les films hollywoodiens où on imagine que les pyramides ont été
créées par les extraterrestres et toutes ces créations qui sont véhiculé des
théories complètement farfelues... Tout cela nourrit l’imaginaire et cette
fascination pour l’Égypte.
Le fait qu’il continue à y avoir des découvertes, nourrit ce goût pour
l’Égypte. Mais c'est aussi parce qu'il y a un goût pour l'Égypte qu'on continue
à vouloir faire des découvertes. Il existe plein d’autres civilisations
toutes aussi riches qui pourtant fascinent beaucoup moins.