L'Irak suspend une TV financée par Washington après la diffusion d'un documentaire
Bagdad
a suspendu lundi pour trois mois les activités d'Al-Hurra, chaîne arabophone
financée par le Congrès américain, après la diffusion d'un documentaire sur la
corruption de dignitaires religieux qui a provoqué une levée de boucliers en
Irak.
Ce
film de 25 minutes intitulé «La corruption religieuse en Irak» dénonce des
faits présumés de corruption au sein des puissantes autorités chiites et
sunnites, les accusant notamment de détournements de fonds publics et de liens
avec des groupes armés. Des groupes politiques et armés pro-Iran en Irak
avaient multiplié les appels du pied aux autorités pour qu'elles sanctionnent
la diffusion samedi du documentaire, sur fond de craintes que les tensions
entre l'Iran et les Etats-Unis, deux alliés de l'Irak, ne débordent dans ce
pays.
Lundi,
la commission gouvernementale des médias et de la communication a estimé dans
un communiqué que le film manquait aux «règles du professionnalisme journalistique»
et a ordonné «la suspension de la licence d'Al-Hurra Irak durant trois mois».
La commission a également décidé de «l'arrêt des activités (de la chaîne)
jusqu'à ce qu'elle corrige sa position» et «diffuse des excuses officielles».
Les bureaux de la chaîne en Irak sont de fait fermés, ce qui n'empêche pas la
diffusion de ses programmes. Ces sanctions constituent «un dernier
avertissement» et «une mesure plus radicale sera prise si une telle violation
se reproduit», a encore prévenu la commission.
Depuis
samedi, plusieurs responsables irakiens, notamment proches des milices chiites
pro-iraniennes, se sont indignés de la diffusion du documentaire. Le Hachd
al-Chaabi, coalition paramilitaire dominée par les milices chiites pro-Iran
désormais placée sous le contrôle de l'État, a dénoncé une «ligne éditoriale
hostile». Qaïs al-Khazali, puissant chef de la faction Assaïb Ahl al-Haq au
sein du Hachd, y a vu «une indication dangereuse de la politique extérieure
américaine».
Les
défenseurs de la liberté de la presse se sont eux étonnés de la rapidité et de
la sévérité de la décision à l'encontre d'Al-Hurra. «C'est la première fois en
cinq ans qu'une mesure est prise avec cette vitesse à l'encontre d'un média»,
s'est alarmé auprès de l'AFP Ziad al-Ajili, de l'Observatoire irakien de la
liberté de la presse. «C'est illégal, la Commission peut donner son avis sur la
qualité journalistique d'un documentaire, mais c'est aux juges de prendre une
telle décision», a-t-il ajouté. La corruption des responsables est une question
majeure en Irak, où des manifestants dénoncent régulièrement politiciens véreux
et gabegie de l'État. Mais s'attaquer aux dignitaires religieux est toutefois
un tabou dans ce pays, majoritairement musulman.