Publié par CEMO Centre - Paris
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Boko Haram. Pourquoi la lutte contre ce mouvement terroriste stagne, dix ans après sa création

dimanche 01/septembre/2019 - 12:19
La Reference
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Dix ans après la création du mouvement Boko Haram, et trois après la division de ce groupe djihadiste, le Nigéria est toujours dans une impasse et les populations continuent d’être terrorisées. Décryptage avec Vincent Foucher, spécialiste de la politique en Afrique de l’ouest.

Le mouvement terroriste Boko Haram a vu le jour à l’été 2009 au Nigéria. Dix ans plus tard, cette organisation, désormais divisée en deux courants, continue de semer la terreur dans la région, en faisant régulièrement couler le sang. Comment interpréter cette longévité ? Entretien avec Vincent Foucher, chercheur au laboratoire « Les Afriques dans le Monde », Centre nationale de la recherche scientifique, Sciences Po Bordeaux.

Qu’est-ce qui divise Boko Haram ?

Le mouvement djihadiste, Boko Haram, est divisé depuis 2016 en deux factions principales. La première est dirigée par Abubakar Shekau, le leader du mouvement depuis la mort de son fondateur Mohamed Yusuf en 2009.La seconde a conservé la reconnaissance de l’État islamique obtenue par Shekau en 2015 et opère sous le nom de « Province de l’État islamique en Afrique de l’ouest ». Cette faction a adopté une stratégie de guérilla très efficace contre les militaires du Nigeria et des pays voisins du Lac Tchad et une posture moins sectaire à l’égard des civils. Elle a remporté des succès grâce à cela, mais ce nouveau modèle de djihad n’est pas sans contradictions internes.

 

Comment se financent ces groupes ?

La faction pro-EI est dans une situation plus forte que celle de Shekau. Elle contrôle le Lac Tchad et ses abords, une zone favorable à l’élevage, à l’agriculture et à la pêche. Elle a mis en place dans la zone un proto-État et taxe les flux commerciaux. Elle bénéficie d’un certain soutien de l’EI, sans doute surtout au plan de la formation. Elle tire le gros de son armement des bases militaires qu’elle capture, surtout au Nigeria.

Le groupe Shekau est centré sur les bastions anciens du mouvement, dans le sud et l’est de l’État de Borno, un État de la fédération nigériane où le mouvement est né : la forêt de la Sambisa et les collines de Gwoza. Ce groupe semble fonctionner beaucoup au pillage et à la capture.

Pourquoi est-ce que le gouvernement a échoué à contenir ces mouvements djihadistes ?

Les autorités nigérianes ont la main lourde, et les brutalités des forces de sécurité ont beaucoup fait pour durcir les positions des uns et des autres. Je connais des gens qui ont combattu un temps avec Boko Haram simplement parce qu’ils avaient été arrêtés à tort, détenus dans des conditions atroces et se sentaient plus en sûreté avec les djihadistes qu’avec l’État.

Par ailleurs, le Nigeria a mis longtemps avant de commencer à coordonner ses efforts avec les pays voisins. De plus, l’État et l’armée du Nigeria connaissent des problèmes de gouvernance considérables. Les soldats au front se sentent mal soutenus, et ont souvent un moral faible. Enfin, Boko Haram était un véritable mouvement de masse avant son entrée en guerre, pas simplement un petit réseau d’avant-garde, et il a encore une vraie base. Les succès des djihadistes ont suscité des critiques contre l’Armée de terre et contre le président nigérien, Muhammadu Buhari, donc on doit s’attendre à une réaction militaire.

 


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