Ticad : le Japon se positionne comme un investisseur plus vertueux que la Chine en Afrique
La Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (Ticad) s'est achevée le 30 juillet 2019 sur une mise en garde du Japon contre le risque de surendettement des pays africains, une allusion à peine voilée aux gigantesques projets chinois. Washington avait déjà fait le même procès à Pékin.
"En apportant une assistance à l'Afrique, nous devons tenir compte du fardeau de la dette du pays qui reçoit cette aide et faire en sorte que ce fardeau ne devienne pas excessif", a déclaré le Premier ministre japonais Shinzo Abe au cours de la conférence de presse clôturant la Ticad, une rencontre à laquelle une quarantaine de dirigeants africains ont participé à Yokohama, dans la banlieue de la capitale nippone.
Dans une déclaration finale publiée plus tôt, les participants de ce sommet co-organisé avec l'ONU, la Banque mondiale et l'Union africaine avaient souligné l'importance d'investissements "abordables" et "de qualité".
Pékin, qui a emboîté le pas au Japon avec sa propre conférence sur le développement en Afrique, le dépasse à présent largement par les sommes qu'elle engage : 60 milliards de dollars en nouveaux financements sur trois ans promis au cours du sommet Chine-Afrique en 2018, le double exactement des engagements de la précédente Ticad qui s'est tenue en 2016.
La Chine, un investisseur "gênant" en Afrique
Le projet d'infrastructures des Nouvelles routes de la soie, lancé en 2013 par Pékin pour relier l'Asie, l'Europe et l'Afrique à la Chine, a été accusé de favoriser les entreprises et ouvriers chinois au détriment des économies locales, d'enferrer les pays hôtes dans la dette et de ne pas tenir compte des droits humains et de l'environnement.
"Si des pays partenaires sont profondément endettés, cela gêne les efforts de tout le monde pour entrer sur le marché", avait déjà déclaré Shinzo Abe le jeudi 29 juillet 2019 devant des dirigeants africains. Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Geng Shuang n'avait pas tardé à réagir vivement, qualifiant depuis Pékin ces propos de "spéculations déraisonnables".
Le président de la Banque africaine de développement (BAD) défend également l'investissement chinois en Afrique. "Je ne pense pas que la Chine ait délibérément l'intention d'endetter un pays. Je pense que la Chine joue un rôle très important, qui consiste à soutenir l'infrastructure", a confié le Nigérian Akinwumi Adesina à l'agence Reuters. "L'Afrique n'est pas en crise de dette", a-t-il par ailleurs ajouté en indiquant qu'il manquait entre 68 et 108 milliards de dollars au continent pour financer ses infrastructures énergétiques, ses ports, ses rails et ses aéroports.
Tokyo promeut des investissements de "qualité" et un développement "centré sur les êtres humains"
Pour le Premier ministre japonais, la Ticad a été ainsi l'occasion de faire la promotion de dispositifs de financement et d'assurance d'institutions japonaises soutenues par le gouvernement, lesquelles privilégient, selon lui, des investissements "de qualité". Dans les trois prochaines années, le Japon prévoit aussi de former, dans 30 pays africains, des experts à la gestion des risques financiers et de la dette publique.
Tokyo choisit de se différencier en affichant une volonté d'accompagner ses investissements d'un "développement des ressources humaines", selon les termes employés par un diplomate chargé de la Ticad qui n'avait pas hésité à citer nommément la Chine en comparaison.
Depuis la création de la Ticad en 1993, un rendez-vous qui réunit Tokyo et ses partenaires africains tous les trois ans désormais, le Japon "n'a cessé de soutenir un développement centré sur les êtres humains tout en respectant l'initiative africaine. L'idée que les ressources humaines sont au centre du développement, c'est l'expérience des Japonais", s'est vanté Shinzo Abe, en répondant à une question sur la particularité des investisseurs nippons par rapport à ceux de la Chine, d'Europe ou des Etats-Unis.
La septième édition de la Ticad, qui s'est déroulée sur trois jours, a mis l'accent sur les investissements du secteur privé plutôt que des financements publics au développement. Tokyo essaie aussi d'encourager le secteur privé nippon à davantage investir en Afrique : plus de 150 entreprises du pays étaient ainsi présentes en marge des rencontres officielles de ce sommet.