Le G7 de Biarritz a montré que le pronostic vital du multilatéralisme est engagé
Le G7 de Biarritz à montré que le multilatéralisme est encore vivant, mais que son pronostic vital reste incertain. La dynamique a été cette fois renforcée, par les initiatives innovantes, par les invités surprises mais aussi par le relationnel apaisant installé par Emmanuel Macron. Mais néanmoins les contestations restent vives.
Le retour de l’unilatéralisme
Le jeu solitaire du Président américain n’est pas innocent de certaines crispations. La méthode Trump, même si, à Biarritz, il a cherché à l’adoucir, reste une déclinaison quotidienne de ce qu’est une politique unilatérale, intégrale. Le tweet étant le véhicule idéal de la pensée unilatérale. Pas de place pour le dialogue, pour la complexité, mais au contraire de l’espace pour l’humeur voire l’improvisation.
L’Amérique n’est pas seule dans cette démarche, le retour des États Puissances aux méthodes autoritaires favorise cette approche où la volonté s’impose au droit, ne laissant pas de place au débat.
Ce retour à la légitimité du plus fort s’appuie, notamment en période de crises, de désordres ou d’incertitudes, sur le discours de la puissance, de l’efficacité mais aussi du nationalisme.
Le multilatéralisme a vieilli
L’Unilatéralisme a beau jeu de souligner les faiblesses des organisations multilatérales. Le conseil de sécurité de l’ONU est incapable de se réformer, représentant un monde qui n’est plus celui d’aujourd’hui, depuis notamment l’émergence de l’Asie et de l’Afrique. L’OMC semble dans l’impossibilité de surmonter ses blocages, l’UNESCO doit surmonter le départ de nations majeures comme les États-Unis, les multiples sommets de dirigeants partout dans le monde semblent de plus en plus en décalage avec les préoccupations des opinions publiques.
Le multilatéralisme est aujourd’hui dans une mauvaise passe. À 75 ans, il fait son âge.
Le dialogue pour la paix
Pourtant il est absurde et surtout dangereux dans les périodes de tensions, de déserter les lieux de coopération et d’abandonner les canaux de dialogue.
Les nations sont aujourd’hui tellement interdépendantes, à la fois clientes et fournisseurs, alliés et adversaires, solidaires et rivales, les unes des autres, suivant les dossiers, que la coopération est une exigence quotidienne.
La Chine, nouvel acteur
La puissance montante, la Chine, montre en chaque circonstance son attachement au multilatéralisme.
XI Jinping a déclaré à plusieurs reprises que “la coopération est le chemin de la Paix”, qu’ “aucune nation ne peut réussir seule” et que “l’établissement de nouvelles normes est la condition de l’harmonie mondiale”. Ainsi il dénonce les excès des nationalismes, le retour du protectionnisme et les pratiques unilatérales. Évidemment la guerre commerciale déclarée par les États-Unis d’Amérique contre la Chine a un impact sur toutes les économies du monde entier, ce qui diffuse une inquiétude très largement partagée. Aujourd’hui la croissance est un bien collectif, plus ou moins bien mais partagé.
Ainsi un mouvement pour la coopération internationale se dessine malgré tout, mais une question reste posée: quelle forme peut prendre le multilatéralisme de demain?
Beaucoup sont aujourd’hui inquiets de ce que pourrait être un multilatéralisme à la chinoise. Le grand projet des routes de la soie (BRI) avec ses moyens mais aussi ses outils comme la Banque Asiatique des Infrastructures et des Investissements (AIIB) peut en effet devenir la structure porteuse de nouvelles normes, de nouvelles règles. “Belt and Road Initiative” peut-elle devenir la colonne vertébrale de la nouvelle mondialisation? Les propos des dirigeants chinois appelant au dialogue et à la coopération ne suffisent pas toujours à rassurer.
L’innovation s’impose
Cette situation a conduit la Fondation pour la Prospective et l’Innovation à organiser son 13ème forum annuel du Futuroscope sur le thème, “Avec la Chine quel multilatéralisme?” Pour qui refuse l’unilatéralisme, tout en mesurant les faiblesses de l’actuel multilatéralisme, une seule perspective est ouverte, inventer un nouveau multilatéralisme. Pour cette réflexion, FPI a réuni les meilleurs experts, ambassadeurs, élus, grands reporters, gouvernants, responsables d’organisation internationale... La question est de savoir si l’action internationale de la Chine va dans cette direction, celle du dialogue et de la coopération? La rencontre entre Emmanuel Macron, XI Jinping, Angela Merkel et Jean-Claude Juncker en avril dernier au palais de L’Élysée, lors de la visite d’Etat du Président chinois en France, a apporté une réponse positive à cette question en proposant, sur le sujet, un travail collectif.
De nombreuses organisations telles que “Leaders pour la Paix” ont choisi de partager ce projet notamment en réfléchissant à la dimension régionale de la coopération internationale. C’est le sujet du rapport 2019 de Pierre Vimont.
Encore faut-il rendre fertile, par des réflexions, propositions, ou initiatives, ce chemin de Paix. Encore faut-il qu’un dialogue international s’installe et mobilise les différentes organisations traditionnelles (ONU, OMC, G7, UNESCO, OIF...) ou modernes (ASEAN, BRICS, Organisation de Shangaï,...) pour inventer le multilatéralisme du XXIème siècle. C’est l’exigeant travail de Paix.