Publié par CEMO Centre - Paris
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Les nouveaux Ottomans et les islamistes arabes.. effroyables profils menaçant l'Europe

lundi 16/juillet/2018 - 01:54
La Reference
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Hicham Al-Nagar 

 

 

 

 Une étude publiée avant "le printemps arabe" avait conseillé  aux cercles de prise de décision en Occident la nécessité d'intégrer les islamistes à condition, cependant, qu'ils acceptent en contrepartie l'alternative au pouvoir avec les laïcs, ce qui a demandé de les former à accepter les règles de la démocratie, le respect des droits de l'Homme et des libertés, la diversification des sources de la législation, le respect des droits de la femme et des minorités religieuses, ainsi qu'à leur faire renoncer à l'usage de la violence.

 Les Occidentaux ont alors eu besoin d'une force islamiste pouvant accomplir cette mission, devenant un pont de communication entre l'Orient et l'Occident, avec l'objectif d'éliminer l'extrémisme et le terrorisme, garantir des relations islamo-occidentales apaisées, imposer la stabilité au Moyen-Orient et réaliser les intérêts occidentaux aux différentes échelles.

 C'est ainsi que la confiance de l'Occident a été placée en Erdogan pour prendre les devants, lui qui prétendait être le plus apte à dompter les Frères musulmans, vu qu'il s'était présenté au début de son ascension politique comme un partenaire islamiste fort reflétant un esprit de modernité démocratique dans un accoutrement islamiste.

 Aujourd'hui,presque deux décennies après le lancement de cette voie, son bilan reflète de vraies anomalies tant dans les estimations que dans les choix ainsi qu'un déficit de connaissance quant à la nature des courants religieux en Orient. Au lieu que la Turquie soit - conformément aux espoirs - un facteur d'absorption du malheur islamique sur l'Occident, Erdogan et ses alliés de l'islam politique l'ont transformée en un facteur de transfert de crises. Pire, nous constatons qu'un Califat religieux se profile à l'horizon basé sur les nouveaux Ottomans et les islamistes arabes, et qui constitue une menace pour les pays d'Europe.

 Le courant de l'islam politique sous le leadership d'Erdogan est en train actuellement d'aiguiser et de raviver la haine et l'extrémisme contre l'Occident, contrairement à ce qu'on espérait, en plus du changement extrême de la Turquie contre les intérêts occidentaux en s'alliant aux concurrents de l'OTAN et des Etats-Unis tels que la Russie et l'Iran.

 La Turquie d'Erdogan a parcouru un long chemin d'escalade vis-à-vis de l'Occident. Elle exploite la crise des migrants et parraine l'entrée des terroristes en Europe en vue de réaliser ses objectifs, ce qui est, d'une part, une gifle de vengeance, et une expression de nationalisme à l'égard de l'Europe, et d'autre part, une tentative de sortir du gouffre où s'est fracassé le projet d'islam politique dans la région arabe.

 

 

Erdogan, nouveau conquérant ottoman

 

Erdogan - en compagnie des islamistes turcs et arabes - a fait l'apologie d'une vision favorable au passé ottoman, croyant que les musulmans se trouvant géographiquement dans l'ancien empire ottoman et les Balkans partagent avec eux leur fou désir du leadership islamique de la Turquie, dans le but de ressusciter la gloire de l'islam et débarrasser le monde islamique de la dépendance à l'Occident.

 Erdogan a donc exploité ses alliances avec les organisations de l'islam politique et djihadiste pour régler ses comptes avec l'Europe qu'il a d'ailleurs accusée d'avoir participé à la tentative de coup d'Etat contre lui  et de soutenir Fethullah Gülen.

 Il a estimé que l'Europe constitue une menace directe pour la sécurité de la Turquie, ce qui s'est reflété sur les convictions de ses concitoyens. D'après une étude effectuée par un centre de recherche, 87.6% des Turcs se disent d'accord avec le concept selon lequel "les pays européens veulent diviser la Turquie, exactement comme ils avaient fait dans le passé avec l'empire ottoman".

 Erdogan a en outre propagé l'idée d'un complot contre l'islam fomenté par l'Europe, et d'un scénario occidental visant à mettre fin à l'unité du monde islamique et à l'avenir de son existence.

 En révisant les discours d'Erdogan prononcés à différentes occasions,  il s'est avéré son insistance à exciter les sentiments religieux du monde islamique et sa persistance sur les conflits historiques entre l'Etat ottoman et les Etats européens. Tout comme il prétend représenter le monde islamique face à un danger occidental présumé, et prétend présenter un modèle d'unité islamique derrière son leadership en tant que seul garant capable de sauver l'identité islamique d'un complot international.

Et voici un modèle de ces discours-là : " Un sale scénario est en cours pour détruire l'unité du monde islamique, son avenir, son esprit du vivre ensemble et la richesse qu'il possède", lance-t-il, accusant le monde occidental "d'exporter toutes ses maladies historiques vers le monde islamique, afin de garantir son avenir".

 Erdogan considérait la victoire de son parti aux législatives comme la victoire des musulmans à travers le monde, en disant : "La victoire d'Istanbul est tout autant celle de Sarajevo. La victoire d'Izmir est aussi la victoire de Beyrouth, la victoire d'Ankara est tout autant celle de Damas, la victoire de Diyarbakir est aussi celle de Ramallah, de Naplouse, de Jénine de Cisjordanie, d'Al-Qods et de Gaza. Et la victoire de la Turquie est autant la victoire du Moyen-Orient, du Caucase, des Balkans et de l'Europe".

 

 

    Le référentiel idéologique du Califat d'Erdogan

 

 

   Le choix d'Erdogan s'est porté sur l'idéologie des Frères musulmans, vu que leur programme idéologique répond à son projet du point de vue de sa nature soi-disant "universelle".

  Le Califat d'Erdogan se fonde sur deux principaux piliers idéologiques dont le premier est  lié  au penchant de Hassan Al-Banna le fondateur de la Confrérie à vocation universelle des Frères musulmans, et qui a fondé son Groupe en 1928 comme réaction à l'effondrement du Sultanat ottoman, et hissé le slogan de "l'Universalisme" incluant comme objectif le retour du Califat qui est une expression de la vision universelle de la pensée des Frères.

 Le second pilier est la pensée de Sayed Qotb consistant à taxer d'apostasie les sociétés contemporaines y compris les sociétés islamiques en prétendant leur retour aux polythéismes de l'anté-Islam, et consistant à qualifier d'illicite toute action politique au sein des gouvernements en place, ou toute participation au pouvoir avec ces derniers, ainsi qu'à l'obligation du djihad contre eux. Ce qui confère à Erdogan le référentiel religieux de faire tomber les régimes arabes et les remplacer par un Califat islamique sous son leadership.

 Ce projet d'Erdogan est fondé sur quelques axes :

 

 Premièrement : Recomposition du peuple turc à l'échelle identitaire, de sorte à semer de nouveau "l'héritage ottoman" dans la mémoire collective turque, et à enraciner de nouveaux principes identitaires à travers une révolution interne aboutissant à un Etat autoritaire religieux pouvant accomplir les missions et les rôles d'un Empire expansionniste.

 Deuxièmement : L'exploitation des islamistes arabes.

 L'échec des partis politiques islamistes dans les pays arabes, a fait d'eux l'otage de la Turquie et de la situation régionale. Erdogan a ainsi  profité de la dépression et de la déception des Frères musulmans et de leurs alliés de l'islam politique, suite à l'effondrement de leur projet politique que l'Occident et les Etats-Unis soutenaient et appelaient "L'islam modéré" ou "L'islam démocratique".

 Troisièmement : Les djihadistes, outil de répression du Califat d'Erdogan.

 Le gouvernement d'Erdogan tient à ne pas perdre la carte des organisations takfiristes et djihadistes armées " Daech et Al-Qaïda" et trouve que l'occasion est actuellement plus propice que n'importe quel  autre moment - compte tenu du regrès des organisations sunnites concurrentes - pour réaliser le leadership islamique dont il rêve tant.

 

 

  Conclusion et recommandations :

 

 

     La Turquie - à côté du Qatar - est responsable de l'instabilité de la situation sécuritaire en Europe, et ce en interpellant les courants de l'islam politique à un projet hors des frontières de leur pays, après que les pays arabes eurent tenté de les contenir en leur donnant l'occasion de prendre part à l'action partisane dans un contexte d'expérience locale et patriotique au sein du monde arabe après le "printemps arabe".

 Evidemment certains milieux politiques et idéologiques en Occident ne sont pas à épargner de cette responsabilité, puisque ce bilan et cette effroyable alliance idéologique ne sont que le résultat d'une compréhension occidentale erronée de la nature de l'islam politique, en particulier les Frères musulmans, et de la réalité de leurs programmes et leurs objectifs.

 C'est pourquoi, il est nécessaire de prendre en compte ce qui suit :

 1 - Reconsidérer le traitement de l'ensemble des courants de l'islam politique et djihadiste, ainsi que de leurs financeurs et leurs parrains. La menace du danger ne se limite plus au Moyen-Orient, elle a plutôt atteint le stade de "renverser" l'Europe.

  2 - Etudier comment éloigner les Frères musulmans de l'influence de leurs parrains. Les pays arabes ont entravé le projet turc, en y écartant les Frères, mandataires d'Ankara, ce qui a été la plus forte démarche arabe ayant privé Erdogan de sa plus importante carte. Ces pays, après l'exclusion des Frères, sont dans une position plus forte face aux plans expansionnistes ottomans d'Erdogan.

  3 -  La nécessité de soutenir les efforts des pays arabes de la part des pays d'Europe et des Etats-Unis. Le fait que les principaux pays arabes s'unissent à bannir le groupe des Frères, à interdire leurs activités et à les exclure de la scène politique arabe, constitue le facteur essentiel qui a renforcé la position arabe.

   4 - La nécessité de montrer du respect qu'il faut tant pour les intérêts arabes que pour leur organisation régionale "la Ligue arabe". Elle est le partenaire convenable pour consolider la stabilité et la sécurité dans le monde.

   5 -  Enrayer le terrorisme, ne se réalisera qu'en oeuvrant à démonter l'alliance idéologique Iran-Turquie-Qatar et à démonter de même l'alliance entre les islamistes arabes et les nouveaux ottomans, alliance qui vise la sécurité nationale arabe et qui menace la sécurité et la stabilité de l'Europe.

"