Les nouveaux Ottomans et les islamistes arabes.. effroyables profils menaçant l'Europe
Une étude publiée avant "le printemps arabe" avait
conseillé aux cercles de prise de décision en Occident la nécessité
d'intégrer les islamistes à condition, cependant, qu'ils acceptent en
contrepartie l'alternative au pouvoir avec les laïcs, ce qui a demandé de les
former à accepter les règles de la démocratie, le respect des droits de l'Homme
et des libertés, la diversification des sources de la législation, le respect
des droits de la femme et des minorités religieuses, ainsi qu'à leur faire
renoncer à l'usage de la violence.
Les Occidentaux ont alors eu besoin d'une force islamiste pouvant
accomplir cette mission, devenant un pont de communication entre l'Orient et
l'Occident, avec l'objectif d'éliminer l'extrémisme et le terrorisme, garantir
des relations islamo-occidentales apaisées, imposer la stabilité au
Moyen-Orient et réaliser les intérêts occidentaux aux différentes échelles.
C'est ainsi que la confiance de l'Occident a été placée en Erdogan
pour prendre les devants, lui qui prétendait être le plus apte à dompter les
Frères musulmans, vu qu'il s'était présenté au début de son ascension politique
comme un partenaire islamiste fort reflétant un esprit de modernité
démocratique dans un accoutrement islamiste.
Aujourd'hui,presque deux décennies après le lancement de cette
voie, son bilan reflète de vraies anomalies tant dans les estimations que dans
les choix ainsi qu'un déficit de connaissance quant à la nature des courants
religieux en Orient. Au lieu que la Turquie soit - conformément aux espoirs -
un facteur d'absorption du malheur islamique sur l'Occident, Erdogan et ses
alliés de l'islam politique l'ont transformée en un facteur de transfert de
crises. Pire, nous constatons qu'un Califat religieux se profile à l'horizon
basé sur les nouveaux Ottomans et les islamistes arabes, et qui constitue une
menace pour les pays d'Europe.
Le courant de l'islam politique sous le leadership d'Erdogan est
en train actuellement d'aiguiser et de raviver la haine et l'extrémisme contre
l'Occident, contrairement à ce qu'on espérait, en plus du changement extrême de
la Turquie contre les intérêts occidentaux en s'alliant aux concurrents de
l'OTAN et des Etats-Unis tels que la Russie et l'Iran.
La Turquie d'Erdogan a parcouru un long chemin d'escalade
vis-à-vis de l'Occident. Elle exploite la crise des migrants et parraine
l'entrée des terroristes en Europe en vue de réaliser ses objectifs, ce qui
est, d'une part, une gifle de vengeance, et une expression de nationalisme à
l'égard de l'Europe, et d'autre part, une tentative de sortir du gouffre où
s'est fracassé le projet d'islam politique dans la région arabe.
Erdogan, nouveau conquérant ottoman
Erdogan - en compagnie des islamistes turcs et arabes - a fait
l'apologie d'une vision favorable au passé ottoman, croyant que les musulmans
se trouvant géographiquement dans l'ancien empire ottoman et les Balkans
partagent avec eux leur fou désir du leadership islamique de la Turquie, dans
le but de ressusciter la gloire de l'islam et débarrasser le monde islamique de
la dépendance à l'Occident.
Erdogan a donc exploité ses alliances avec les organisations de
l'islam politique et djihadiste pour régler ses comptes avec l'Europe qu'il a
d'ailleurs accusée d'avoir participé à la tentative de coup d'Etat contre
lui et de soutenir Fethullah Gülen.
Il a estimé que l'Europe constitue une menace directe pour la
sécurité de la Turquie, ce qui s'est reflété sur les convictions de ses
concitoyens. D'après une étude effectuée par un centre de recherche, 87.6% des
Turcs se disent d'accord avec le concept selon lequel "les pays européens
veulent diviser la Turquie, exactement comme ils avaient fait dans le passé
avec l'empire ottoman".
Erdogan a en outre propagé l'idée d'un complot contre l'islam
fomenté par l'Europe, et d'un scénario occidental visant à mettre fin à l'unité
du monde islamique et à l'avenir de son existence.
En révisant les discours d'Erdogan prononcés à différentes
occasions, il s'est avéré son insistance à exciter les sentiments
religieux du monde islamique et sa persistance sur les conflits historiques
entre l'Etat ottoman et les Etats européens. Tout comme il prétend représenter
le monde islamique face à un danger occidental présumé, et prétend présenter un
modèle d'unité islamique derrière son leadership en tant que seul garant
capable de sauver l'identité islamique d'un complot international.
Et voici un modèle de ces discours-là : " Un sale scénario est en
cours pour détruire l'unité du monde islamique, son avenir, son esprit du vivre
ensemble et la richesse qu'il possède", lance-t-il, accusant le monde
occidental "d'exporter toutes ses maladies historiques vers le monde
islamique, afin de garantir son avenir".
Erdogan considérait la victoire de son parti aux législatives
comme la victoire des musulmans à travers le monde, en disant : "La
victoire d'Istanbul est tout autant celle de Sarajevo. La victoire d'Izmir est
aussi la victoire de Beyrouth, la victoire d'Ankara est tout autant celle de
Damas, la victoire de Diyarbakir est aussi celle de Ramallah, de Naplouse, de
Jénine de Cisjordanie, d'Al-Qods et de Gaza. Et la victoire de la Turquie est
autant la victoire du Moyen-Orient, du Caucase, des Balkans et de
l'Europe".
Le référentiel idéologique du Califat d'Erdogan
Le choix d'Erdogan s'est porté sur l'idéologie des Frères
musulmans, vu que leur programme idéologique répond à son projet du point de
vue de sa nature soi-disant "universelle".
Le Califat d'Erdogan se fonde sur deux principaux piliers
idéologiques dont le premier est lié au penchant de Hassan Al-Banna
le fondateur de la Confrérie à vocation universelle des Frères musulmans, et
qui a fondé son Groupe en 1928 comme réaction à l'effondrement du Sultanat
ottoman, et hissé le slogan de "l'Universalisme" incluant comme
objectif le retour du Califat qui est une expression de la vision universelle
de la pensée des Frères.
Le second pilier est la pensée de Sayed Qotb consistant à taxer
d'apostasie les sociétés contemporaines y compris les sociétés islamiques en
prétendant leur retour aux polythéismes de l'anté-Islam, et consistant à
qualifier d'illicite toute action politique au sein des gouvernements en place,
ou toute participation au pouvoir avec ces derniers, ainsi qu'à l'obligation du
djihad contre eux. Ce qui confère à Erdogan le référentiel religieux de faire
tomber les régimes arabes et les remplacer par un Califat islamique sous son
leadership.
Ce projet d'Erdogan est fondé sur quelques axes :
Premièrement : Recomposition du peuple turc à l'échelle
identitaire, de sorte à semer de nouveau "l'héritage ottoman" dans la
mémoire collective turque, et à enraciner de nouveaux principes identitaires à
travers une révolution interne aboutissant à un Etat autoritaire religieux
pouvant accomplir les missions et les rôles d'un Empire expansionniste.
Deuxièmement : L'exploitation des islamistes arabes.
L'échec des partis politiques islamistes dans les pays arabes, a
fait d'eux l'otage de la Turquie et de la situation régionale. Erdogan a
ainsi profité de la dépression et de la déception des Frères musulmans et
de leurs alliés de l'islam politique, suite à l'effondrement de leur projet
politique que l'Occident et les Etats-Unis soutenaient et appelaient
"L'islam modéré" ou "L'islam démocratique".
Troisièmement : Les djihadistes, outil de répression du Califat
d'Erdogan.
Le gouvernement d'Erdogan tient à ne pas perdre la carte des
organisations takfiristes et djihadistes armées " Daech et Al-Qaïda"
et trouve que l'occasion est actuellement plus propice que n'importe quel
autre moment - compte tenu du regrès des organisations sunnites concurrentes -
pour réaliser le leadership islamique dont il rêve tant.
Conclusion et recommandations :
La Turquie - à côté du Qatar - est responsable de l'instabilité de la situation
sécuritaire en Europe, et ce en interpellant les courants de l'islam politique
à un projet hors des frontières de leur pays, après que les pays arabes eurent
tenté de les contenir en leur donnant l'occasion de prendre part à l'action
partisane dans un contexte d'expérience locale et patriotique au sein du monde
arabe après le "printemps arabe".
Evidemment certains milieux politiques et idéologiques en Occident
ne sont pas à épargner de cette responsabilité, puisque ce bilan et cette
effroyable alliance idéologique ne sont que le résultat d'une compréhension
occidentale erronée de la nature de l'islam politique, en particulier les
Frères musulmans, et de la réalité de leurs programmes et leurs objectifs.
C'est pourquoi, il est nécessaire de prendre en compte ce qui suit
:
1 - Reconsidérer le traitement de l'ensemble des courants de
l'islam politique et djihadiste, ainsi que de leurs financeurs et leurs
parrains. La menace du danger ne se limite plus au Moyen-Orient, elle a plutôt
atteint le stade de "renverser" l'Europe.
2 - Etudier comment éloigner les Frères musulmans de l'influence
de leurs parrains. Les pays arabes ont entravé le projet turc, en y écartant
les Frères, mandataires d'Ankara, ce qui a été la plus forte démarche arabe
ayant privé Erdogan de sa plus importante carte. Ces pays, après l'exclusion
des Frères, sont dans une position plus forte face aux plans expansionnistes
ottomans d'Erdogan.
3 - La nécessité de soutenir les efforts des pays arabes de
la part des pays d'Europe et des Etats-Unis. Le fait que les principaux pays
arabes s'unissent à bannir le groupe des Frères, à interdire leurs activités et
à les exclure de la scène politique arabe, constitue le facteur essentiel qui a
renforcé la position arabe.
4 - La nécessité de montrer du respect qu'il faut tant pour
les intérêts arabes que pour leur organisation régionale "la Ligue
arabe". Elle est le partenaire convenable pour consolider la stabilité et
la sécurité dans le monde.
5 - Enrayer le terrorisme, ne se réalisera qu'en
oeuvrant à démonter l'alliance idéologique Iran-Turquie-Qatar et à démonter de
même l'alliance entre les islamistes arabes et les nouveaux ottomans, alliance
qui vise la sécurité nationale arabe et qui menace la sécurité et la stabilité
de l'Europe.