Pour avoir renié le système califal, le Cheikh 'Ali 'Abd al-Razeq accusé d'hérésie
lundi 16/juillet/2018 - 01:45
Hana Kandil
Non seulement il est l’un des milliers de personnes qui ont eu la chance et l’honneur d’étudier à Al-Azhar, mais aussi il figure parmi les illustres érudits qui ont laissé leurs empreintes à travers leurs écrits et pensée. En effet, ceux-ci ont servi de fenêtres lumineuses au monde azhari de par leur modération. L'auteur du livre « Islâm wa ussûl-ul-Hukm » (L'Islam et les fondements de la gouvernance), le cheikh Ahmed Mohammed 'Abd al-Razeq, est natif du Gouvernorat de Minya, en 1888.
Au cours de ses 79 ans, le cheikh s’abreuve dans le fleuve d’Al-Azhar en tant qu’étudiant jusqu'à son obtention de la Licence en 1912, après quoi il se rend à l'Université d'Oxford (Grande-Bretagne) pour suivre ses études en sciences économiques et politiques.
Il fait son retour en Égypte, après le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Il intègre donc le Service de la Juridiction islamique, avant d’être élu député, puis nommé ministre des Waqfs (Biens religieux) et par la suite membre de l’Académie des Lettres.
La vie de ce merveilleux érudit (âlim) est couronnée de vaste impulsion littéraire et intellectuelle, pendant laquelle il publie trois (03) livres d’influence grandiose et de nombreux chroniques et recherches.
Son œuvre « L'Islam et les fondements de la gouvernance » (Islâm wa ussûl-ul-Hukm) s’illustre parmi les livres les plus importants jamais publiés par ce dynamique homme de lettres. D’autant plus qu’il y traite l'idée du système califal, de ses conditions politiques et des circonstances dans lesquelles il est adopté. Il finit par tirer une conclusion que le Califat n’était qu’un système de gouvernance qui peut être remplacé sans pour autant nuire aux fondements de la religion islamique.
Le cheikh 'Ali 'Abd al-Razeq est catégorique dans œuvre quant à son refus de lier le califat à l’Islam. C’est d’ailleurs pourquoi l’homme a été l’objet d’une affreuse vilipende de la part des extrémistes.
La publication de « L'Islam et les fondements de la gouvernance » coïncide avec la chute de l'Empire ottoman et l'annulation de Mustafa Kemal Atatürk du soi-disant califat, ainsi que la transformation de l'Empire ottoman islamique à une Turquie plutôt laïque. Cela conduit donc à l’effervescence de la situation dans les pays à majorité musulmane. (En Egypte,) la situation était allée même au-delà par le rejet pur et simple du contenu dudit livre par le Conseil des Grands érudits d'Al-Azhar.
En dépit de cette situation historique, l'homme ne bouge pas d’un iota pour désavouer son œuvre. Il maintient son avis qui lui a valu d’acerbes critiques. L’attaque et l’escalade azharies lui ont valu un procès public, où sept chefs d’accusation sont retenus contre le Cheikh et son livre. Le plus dangereux de tous était l'accusation « d’hérésie ». Le Conseil des Grands érudits d'Al-Azhar d’alors qualifie le livre d’apostasiant, en conséquence de quoi le cheikh est radié dudit Conseil et du Service de la Juridiction islamique, tout comme sa Licence lui est retiré.
Tous les courroux des journaux lui sont alors tombés dessus jusqu'à le qualifier d'athée, d’hérétique et de trompette de la politique kémaliste en Turquie.
Bien que les trois œuvres du cheikh 'Ali 'Abd al-Razeq: « Les espoirs rhétoriques d'Ali 'Abd al-Razeq » (Amâlî 'Ali 'Abd al-Razeq fî ilm Al-Bayan), « L'Islam et les fondements de la gouvernance » (Islâm wa ussûl-ul-Hukm) et « Le consensus dans la Charia » (Al-ijmâe fî ash-Sharî’a), aient connu des critiques exacerbées relatives aux opinions scientifiques et jurisprudentielles qu’elles discutent, notamment la question controversée du Califat, le reste de ses écrits (papiers de conférences, recherches, chroniques et notes personnelles) ont en revanche été bien accueillis au sein de la communauté estudiantine de scientifique.