Syrie : pourquoi Daech refait surface
Cinq mois seulement après
l'annonce de la défaite du groupe terroriste, un rapport du Pentagone alerte
sur la « résurgence » du groupe État islamique.
Son califat a beau être tombé, l'État islamique poursuit
néanmoins ses activités. C'est ce qu'affirme un nouveau document publié mardi par
le département américain de la Défense. Même si le pouvoir de nuisance du groupe djihadiste
a diminué après la perte de son autorité territoriale, ses actions n'ont jamais
véritablement cessé après la chute en mars dernier de Baghouz, son dernier bastion
dans le nord-est de la Syrie.
Couvrant la période allant du 1er avril
au 30 juin 2019, le rapport constate que l'État islamique a « renforcé ses
capacités insurrectionnelles en Irak et a repris ses activités en Syrie ». Le
groupe conduit des « assassinats, attentats-suicides, enlèvements et
incendies de récoltes », poursuit le document. « Il ne s'agit pas d'une résurgence, mais
d'une persistance », relève Michel Duclos*, ancien ambassadeur de France en Syrie et conseiller spécial à l'Institut
Montaigne.
L'auteur du rapport, Glen Fine, un inspecteur général du
Pentagone, note que ces attaques sont perpétrées dans des zones dépendantes de
la surveillance des Forces démocratiques syriennes (FDS). C'est sur cette
alliance arabo-kurde, formée en 2015, que la coalition internationale dirigée
par les États-Unis s'est appuyée au sol pour combattre Daech dans le
nord-est de la Syrie. Malgré la victoire sur l'État islamique, le contrôle des
FDS sur cette zone, majoritairement peuplée de populations arabes, reste
pourtant fragile, car cette force est composée en grande partie de Kurdes
appartenant aux Unités de protection du peuple (YPG).
Les forces de la coalition se sont « contentées de
combattre par la force, à travers l'aspect territorial sans proposer une
stratégie politique pour la population », estime Salam Kawakibi, directeur
du centre arabe de recherche et d'études politiques. « En l'absence d'un
plan politique qui pourrait protéger la population, certains pourraient être
tentés par le pire, par désespoir », ajoute le chercheur, tout en
rappelant que « les Syriens n'ont jamais accepté l'État islamique ».
Stratégie
de guérilla
La mission de stabilisation des FDS est d'autant plus
difficile que ces forces sont désormais seules après le retrait d'une grande
partie des 2 000 soldats américains présents en Syrie, que Donald Trump a ordonné en décembre 2018. Or, selon le rapport,
le départ définitif des troupes américaines intervient alors que les forces
locales « requièrent encore plus d'entrainements et d'équipements que
durant les opérations pour vaincre l'EI territorialement ». Daech a
toujours à sa disposition entre 14 000 et 18 000 membres en
Syrie et en Irak, dont 3 000 étrangers, estime le document du
Pentagone.
Des chiffres insuffisants pour que l'organisation reparte
à la conquête de territoires, mais néanmoins assez significatifs pour absorber
de nouvelles recrues et poursuivre sa mue vers la clandestinité. À l'avenir, le
groupe pourrait accentuer ses opérations mobiles et ciblées. « L'État
islamique va abandonner les conquêtes territoriales et tôt ou tard, adopter la
stratégie de la guérilla », pointe Salam Kawakibi. Les membres de l'EI pourraient
donc se disperser sur le territoire syrien et conserver leur capacité de
nuisance sous d'autres formes, toujours aussi violentes et bien moins
prévisibles. Et le spécialiste d'avertir : « On peut craindre la
naissance de nouvelles cellules ultraviolentes émergeant de Daech. »