Publié par CEMO Centre - Paris
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« Un homme intègre » : en Iran, la morale à l’épreuve

mercredi 07/août/2019 - 12:55
La Reference
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C’est un film d’après l’été, lorsque les jours raccourcissent jusqu’à ce qu’on doute de l’existence du soleil. Un homme intègre suit son héros, Reza, jusqu’au fond de l’hiver. Tourné sans l’aval des autorités, puis interdit, le septième long-métrage de Mohammad Rasoulof ne laisse entrer que peu de lumière, que ce soit à l’image ou dans la vie de son protagoniste. Comment le pourrait-il ? Avec une admirable obstination et une espèce de colère froide, au mépris des risques qu’il encourt, le cinéaste continue de mettre en scène le système qui ­régit son pays, l’Iran.

Si Un homme intègre est avant tout une œuvre politique proche du désespoir, sa noirceur est aussi celle d’un genre cinématographique. Comme les personnages de Wilder ou de Duvivier, Reza est pris dans un piège dont chacun de ses mouvements resserre les mailles. Mais à la différence de ces antihéros occidentaux prisonniers de leurs désirs et de leurs pulsions, cet homme solitaire et intègre n’obéit qu’à une règle : refuser le mal.

Mohammad Rasoulof a de plus intégré certaines ­règles usuelles du cinéma iranien qui font d’Un homme intègre une variante inédite du film noir. Conspirations criminelles et explosions de violence abondent, mais restent hors champ, perceptibles uniquement par leurs causes et leurs effets, exacerbant encore la sensation d’enfermement. Rarement la combinaison des contraintes d’un système de censure et de l’ingéniosité d’un ­cinéaste pour les contourner aura produit des effets aussi puissants.

Hiérarchie sociale rigide

Quelque part en Iran, loin au nord de Téhéran, Reza (Reza Akhlaghirad) élève des poissons rouges dans les bassins qui entourent sa maison. Ancien professeur, chassé de l’enseignement pour avoir dit ce qu’il ne fallait pas au mauvais moment, il vit avec sa femme, Hadis (Soudabeh Beizaee), principale du collège de leur petite ville, et leur petit garçon.

Les longues scènes d’exposition posent la rigueur morale de Reza, comme celle où il refuse de soudoyer le directeur de la banque locale pour obtenir une rallonge de crédit. Reza est comme ces fermiers des westerns qui résistent aux barons du Far West. Mais aucun justicier ne viendra à son secours. A chaque fois qu’il décide de livrer bataille, le terrain, le moment lui sont défavorables.

Mohammad Rasoulof décrit Reza (à qui son interprète prête une colère constante qui gomme les nuances du personnage) et ­Hadis comme un couple aimant, sensuel, ce qui n’est pas facile si l’on respecte les règles du jeu du ­cinéma iranien. Le jeune homme aime à siroter l’alcool de pastèque qu’il fabrique à l’insu des gardiens de la révolution locaux en se baignant dans une source d’eau chaude, ouvrant alors le film sur une dimension intime, assez mystérieuse. A ce désir de vivre s’oppose un système qui n’est pas tant fait pour la préservation de l’ordre religieux que pour celle d’une hiérarchie sociale rigide.

Insensiblement d’abord, puis avec une énergie de plus en plus évidente, Rasoulof accélère le rythme de son film pour amener Reza au bord d’un choix aussi inévitable que cruel : restera-t-il un homme intègre, affrontera-t-il ses ennemis sur leur terrain ? Dans la forme, la réponse qu’apporte le scénario de Rasoulof est d’une ­habileté étourdissante. Sur le fond, elle n’incite guère à l’optimisme.

 


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