Libye : 42 morts dans un raid aérien contre une ville du Sud
Au moins 42 personnes ont été tuées et des dizaines blessées dans un raid aérien, dimanche soir, contre la ville de Morzouk, dans le sud de la Libye, a indiqué lundi 5 août le responsable local Ibrahim Omar. Le gouvernement d’union nationale (GNA), basé à Tripoli et reconnu par l’Organisation des Nations unies, a confirmé, dans un communiqué publié sur sa page Facebook, un raid aérien à Morzouk, qui a fait « des dizaines de morts et de blessés parmi les civils ». Le GNA a accusé les forces rivales du maréchal Khalifa Haftar d’avoir mené cette frappe.
Le GNA « condamne avec force la frappe aérienne menée par les milices de Haftar contre le quartier résidentiel d’Al-Qalaa à Morzouk », indique le communiqué. Il y a eu « 42 morts et plus de 60 blessés, dont 30 dans un état grave », a précisé le responsable municipal à l’Agence France-Presse. Selon Ibrahim Omar, la cible de l’attaque était « un bâtiment gouvernemental où étaient réunies plus de 200 personnes, des notables et doyens de la ville, pour régler des différends sociaux ». Il a expliqué qu’« il n’y avait pas de personnes armées ou recherchées parmi celles réunies, contrairement à ce que certains médias ont prétendu. Haftar a bombardé des civils sans armes ».
Conflits sanglants
Avec ses 50 000 habitants majoritairement de la communauté touboue et sa forteresse construite il y a plus de sept siècles, Morzouk est une oasis du sud-ouest de la Libye située à près de 900 kilomètres au sud de Tripoli. En janvier, l’Armée nationale libyenne (ANL) autoproclamée du maréchal Haftar avait mené dans le sud-ouest du pays une opération militaire visant, selon elle, à y éliminer les « groupes terroristes et criminels ». Elle s’était alors emparée sans combats de la ville de Sebha et d’importants champs pétroliers.
Le mois suivant, les combattants pro-Haftar sont entrés à Morzouk qui, avec les villes de Sebha et d’Oubari, se trouve dans une région marginalisée et marquée, depuis 2011, par des conflits sanglants entre les communautés touboue, touareg et des tribus arabes. Une partie des habitants de Morzouk était hostile à l’opération de l’ANL, redoutant des actes de vengeance de leurs rivaux arabes ayant pour la plupart rallié l’ANL. Certains membres de la communauté touboue avaient dénoncé une tentative de « nettoyage ethnique ».
Le raid sanglant de dimanche a eu lieu alors que des combats sont toujours en cours entre les forces du GNA et l’ANL, qui a lancé une offensive le 4 avril pour conquérir Tripoli. Après presque quatre mois, les pro-Haftar stagnent aux abords de la capitale, freinés par les pro-GNA. Illustrant l’insécurité dans ce pays, un avion de ligne libyen qui s’apprêtait à atterrir à l’aéroport de Mitiga, le seul fonctionnel de la capitale libyenne, a échappé de justesse dimanche soir à une frappe visant l’aéroport, selon une source locale. Le trafic aérien a été suspendu pendant quelques heures.
« Attaques aveugles »
L’ANL, qui a mené plusieurs fois des frappes contre Mitiga, accuse le GNA d’utiliser cet aéroport « à des fins militaires », d’où décollent, selon elle, des drones turcs qui visent ses forces. La semaine dernière, l’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, a exhorté les belligérants à faire une trêve et s’est inquiété de l’escalade des combats. Le président français, Emmanuel Macron, a discuté dimanche avec le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, de la Libye « avec pour objectif de soutenir le plan des Nations unies en vue d’un cessez-le-feu à brève échéance et d’une reprise du dialogue ».
Lundi, l’Union européenne a appelé de son côté « tous les Libyens à soutenir les efforts de l’émissaire de l’ONU en Libye pour relancer les négociations politiques et installer une trêve ». Elle a aussi dénoncé « les attaques aveugles contre des zones résidentielles densément peuplées », des crimes de guerre dont les auteurs « doivent être traduits devant la justice », selon un communiqué de Maja Kocijancic, porte-parole de la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini.