Publié par CEMO Centre - Paris
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Karim Khan (ONU): «Il faut juger Daesh avec un tribunal à l'image de Nuremberg»

samedi 03/août/2019 - 02:50
La Reference
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Un procès de l'organisation État islamique à l'image de celui de Nuremberg au sortir de la Seconde Guerre Mondiale en 1945: selon le responsable de l'enquête des Nations unies sur les crimes djihadistes c'est la seule manière de démystifier l'idéologie de l'organisation EI et de donner la parole aux victimes. Une conviction nourrie par deux ans de travail de terrain en Irak. Depuis Bagdad, Karim Khan, contacté par RFI, est revenu sur cette question.

RFIKarim Khan, vous travaillez depuis deux ans en Irak sur les crimes de l’organisation État islamique. En quoi consiste votre mission ?

Karim Khan: Notre mission est avant tout de rassembler des preuves, mais je suis convaincu que nous ne sommes pas là uniquement pour constituer des archives. L'Irak et l'humanité toute entière ont besoin d'un processus similaire à celui de Nuremberg. Ce procès a été un outil pour séparer les Allemands du poison fasciste et de la criminalité qui ont déferlé sur l'Europe et le monde. Ça a donc permis de différencier les nazis, des Allemands. Nous avons besoin d'un processus de ce genre afin de faire valoir le droit des survivants à la justice. Que ceux qui sont tenus pour responsables le soient sur la base de preuves solides et non pas sur des spéculations et des commérages. Mais il y a aussi un besoin de séparer Daesh et ses coupables du reste de la population, de la communauté sunnite. Car si l'on ne met pas fin à cette responsabilité collective, on continue ce cycle de violence qui ne terminera jamais.

Au cœur de ce cycle de violence, nombre d'ONG dénoncent les exactions menées par les forces irakiennes contre les populations sunnites accusées de collaboration. Elles affirment également que plusieurs milliers de civils ont été tués par les bombardements de la coalition. Est-ce que ce processus de justice que vous conseillez de mettre en place reviendrait sur les actions de chaque acteur ?

Contrairement à d'autres acteurs, l'organisation État Islamique représente une menace pour la paix et la sécurité internationale du point de vue du Conseil de sécurité des Nations unies. Cela n'octroie pas d'immunité à d'autres groupes. Mais notre équipe se concentre uniquement et indubitablement sur Daesh. C'est ce que le Conseil [de sécurité] m'a demandé très clairement et c'est ce sur quoi nous allons nous concentrer.

Mais alors concrètement comment organiser ce procès autour des crimes commis par l'organisation État islamique?

Un processus tel que Nuremberg peut prendre des formes diverses. Ce que j'entends avant tout par-là, c'est la victoire de l'État de droit, le droit de chaque communauté visée de voir les crimes commis contre eux punis. C'est aussi l'idée que certains crimes sont tellement monstrueux qu'ils sont imprescriptibles. Il ne faut pas que le flou des conflits empêche la loi d'être appliquée de manière claire et selon les règles internationales. C'est pourquoi nous nous tournons vers tous les tribunaux disponibles.

Malheureusement certains pays, comme la France, refusent ne serait-ce que de rapatrier les enfants de jihadistes français. Il est donc difficile de les imaginer s'investir dans un tel processus ? 

Nous travaillons sur la base de la souveraineté de chaque État, de l'Irak comme des autres. Les États doivent décider comment gérer le problème. Je ne représente pas le Conseil de sécurité. Ce n'est pas moi qui ai créé ma mission. Notre travail est de constituer des dossiers solides qui permettront à chaque tribunal qui coopère avec nous d'analyser ces preuves en accord avec les normes internationales et de déterminer la culpabilité ou l'innocence d'individus. Mais nous avons besoin d'un effort collectif pour que les preuves ne restent pas dans la poussière et soient utilisées dans des procès. L'État de droit est la base de la stabilité de toute société et il doit être défendu correctement. C'est sur cela que mon équipe travaille. Elle travaille dur et avec ses propres ressources.

            
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