Soudan : généraux et contestataires au chevet des zones en conflit
Longtemps exclues du jeu
politique sous Omar el-Béchir, les zones en conflit comme le Darfour,
le Kordofan-Sud et le Nil bleu réclament aussi le partage du pouvoir. À
Juba, depuis samedi, généraux et contestataires tentent d'inclure les groupes
rebelles dans le futur accord.
Pendant que le pays continue de panser ses
plaies, les généraux au pouvoir et les meneurs de la contestation sont à Juba,
la capitale du Sud-Soudan, pour parler de
« paix » après la signature d'un accord dont le peuple attend la mise
en œuvre. En effet, avec le président sud-soudanais Salva Kiir comme médiateur, la délégation doit « discuter
avec des groupes d'opposition (...) pour voir comment mettre en œuvre le récent
accord de paix signé à Khartoum », a déclaré à la presse le général
Mohamed Hamdan Dagalo, numéro deux du Conseil militaire de transition
soudanais, à son arrivée à l'aéroport de la capitale sud-soudanaise.
Malgré la chute
d'el-Béchir, les conflits persistent au Darfour et dans le Nil bleu
Concrètement, après l'éviction d'Omar el-Béchir, le président
sud-soudanais a renouvelé son offre d'aider au règlement du conflit armé dans
les États du Nil bleu et du Kordofan méridional, situés à la frontière entre
les deux pays. Salva Kiir avait
précédemment déclaré que la paix et la stabilité dans les deux Soudan ne
pouvaient être atteintes sans mettre fin au conflit dans les deux régions.
Les groupes rebelles dont il est question ont
affronté durant des années les forces de l'ex-président soudanais au Darfour,
dans le Nil bleu et dans le Kordofan-Sud. Des dizaines de milliers de personnes
ont été tuées dans ces trois conflits, des millions déplacées et des centaines
de milliers vivent toujours dans des camps. Dès qu'un accord de paix sera
finalisé pour ces zones de conflit, les groupes rebelles souhaitent avoir des
représentants au sein du futur gouvernement de transition. Mais surtout ces
groupes réclament l'extradition par le Soudan des personnes accusées de crimes
par la Cour pénale internationale (CPI), notamment Omar el-Béchir, ce que les généraux au pouvoir refusent.
Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemetti, est
accompagné par deux autres généraux et deux hauts responsables du mouvement de
contestation soudanais, informe l'agence de presse soudanaise, Suna.
Le 17 juillet, les chefs de la contestation et le Conseil militaire
qui a succédé au président déchu Omar el-Béchir étaient parvenus à Khartoum à
un accord sur le partage du pouvoir, premier pas vers un gouvernement civil, la
principale revendication des manifestants.
Mais des groupes rebelles faisant partie du
mouvement de contestation avaient exprimé des réserves concernant cet accord,
estimant que des questions-clés, comme la nécessité d'amener la paix dans les
zones de conflit (Darfour, Kordofan-Sud et Nil Bleu) et de venir en aide aux
« populations vulnérables », n'avaient pas été traitées.
Vers une
intégration des zones en conflit dans l'accord politique
Tard dans la
nuit, l'agence de presse officielle Suna a annoncé que le vice-président du TMC, Mohamed Hamdan Dalago
était convenu avec le Mouvement
populaire de libération du Soudan-Nord de libérer les prisonniers
politiques, d'annuler la peine de mort prononcée à l'encontre de Malik Agar, chef de la faction du groupe rebelle SPLM-N dans
l'État du Nil bleu, et d'ouvrir des couloirs humanitaires pour
permettre le transit en toute sécurité de l'aide aux civils dans les zones de
conflit. « Il s'agissait de discussions préliminaires qui
mèneront à des décisions concrètes dans le futur », a déclaré Malik Agar à
la presse, à l'issue de la rencontre, assurant que plusieurs accords de
principe ont été conclus, notamment sur un engagement « renouvelé »
de cesser les hostilités dans cette région où aucun combat n'a été rapporté
récemment. Un accord a par ailleurs été trouvé sur l'ouverture de
« couloirs humanitaires dans les zones affectées par la guerre ». La délégation emmenée par Mohamed Hamdan Dagalo
a ensuite rencontré des représentants du SPLM-N au Kordofan-Sud.
Pendant ce temps, la
commission d'enquête soudanaise sur la dispersion
violente du campement de l'opposition devant le ministère de la Défense à
Khartoum, le 3 juin, a avancé samedi 27 juilet le chiffre
de 87 morts et 168 blessés. Le
chef de cette commission, Farah al-Rahman Saïd, a précisé
que 17 personnes avaient été tuées sur la place où les opposants
étaient rassemblés pour demander le transfert du pouvoir aux civils et
que 48 autres présentaient des blessures par balle. Il a accusé
les forces de sécurité d'avoir ouvert le feu sur les protestataires et trois
officiers d'avoir outrepassé les ordres en demandant à leurs troupes d'attaquer
le sit-in pour le disperser.
Une nouvelle journée de mobilisation à
Khartoum
Aussitôt, le
porte-parole du FFC, Ismail Altaj, a rappelé que le procureur général avait été
consulté par le conseil militaire avant l'attaque, affirmant que « le
bureau du procureur général est soupçonné d'avoir participé au massacre
du 3 juin ». « Ce
rapport confirme la nécessité impérieuse de réformer les institutions
judiciaires au Soudan, y compris le bureau du procureur général ». » Les organes judiciaires sont toujours
sous le contrôle du Parti du Congrès national » du président déchu Omer
el-Béchir. Les Soudanais sont descendus dans les rues de la capitale,
dans plusieurs quartiers, pour exprimer leur rejet du rapport sur l'attaque. La
police a utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants qui ont
reconstruit les barricades dans les rues, comme ils le faisaient pendant les
mois du soulèvement.