Soudan: des paramilitaires impliqués dans la dispersion du sit-in selon une enquête
Une enquête officielle sur la répression
brutale d'un sit-in de manifestants en juin à Khartoum a conclu samedi à
l'implication des paramilitaires d'une force redoutée au Soudan dans ce drame
qui avait fait des dizaines de morts et provoqué un tollé international.
Ce sit-in, installé devant le QG de l'armée
depuis le 6 avril, a été l'épicentre du mouvement de protestation déclenché en
décembre 2018 au Soudan, initialement contre le triplement du prix du pain,
avant de se transformer en contestation contre le régime d'Omar el-Béchir déchu
et arrêté par l'armée le 11 avril.
Le 3 juin, des hommes armés en tenue
militaire ont lancé un raid contre ce campement de la contestation qui
réclamait un pouvoir civil, frappant et tirant sur les manifestants. 127
manifestants ont été tués et des centaines blessés selon un comité de médecins
proche de la contestation. Les autorités ont donné des bilans différents et
bien moins élevés.
Manifestants et ONG ont accusé les Forces
de soutien rapide (RSF). Mais le numéro deux du Conseil militaire au pouvoir,
Mohammed Hamdan Daglo, également commandant des RSF, a nié toute responsabilité
de ses forces considérées comme un avatar des milices arabes Janjawid qui
avaient terrorisé le Darfour (ouest) en conflit. Une commission d'enquête sur la
dispersion du sit-in a été ensuite annoncée par le Conseil militaire de
transition, qui a succédé à Omar el-Béchir.
Lors d'une conférence de presse samedi,
Farah al-Rahmane Saïd, à la tête de cette commission, a affirmé que le Conseil
militaire avait ordonné aux RSF d'évacuer un secteur appelé «Colombia», situé
non loin du sit-in. Mais, a-t-il ajouté, un général des RSF a ordonné à un
colonel de disperser le sit-in: «ils ont désobéi». Ils ont demandé aux membres
des RSF de se rendre «jusqu'au sit-in et leur ont donné l'ordre de descendre de
leurs véhicules et de chasser les manifestants».
Farah al-Rahmane Saïd a identifié le
général et le colonel respectivement par leurs initiales, A.S.A et A.A.M. «Il
est clair pour la commission que le général a ordonné au colonel d'envoyer des
forces anti-émeutes des RSF» contre le sit-in, a-t-il poursuivi. Le Conseil
militaire avait affirmé avoir seulement demandé aux forces de sécurité
d'intervenir à «Colombia» pour chasser des éléments «criminels». Selon lui, des
forces «ont désobéi aux ordres et pénétré la zone du sit-in». «Elles ont enlevé
les barricades, fait usage de gaz lacrymogène et tiré à l'aveuglette, faisant
des morts et des blessés parmi les manifestants et brûlant des tentes», a-t-il
souligné, en faisant état de «17 morts» ce jour-là, un chiffre très inférieur à
celui du comité des médecins.
L'Association des professionnels soudanais
(SPA), un des principaux membres du mouvement de contestation, a rejeté les
résultats de l'enquête. «Nous voulions une enquête indépendante. Nous refusons
les résultats de l'enquête» officielle, a dit Ismaïl al-Taj de SPA. En soirée,
des manifestants ont brûlé des pneus à Khartoum pour protester surtout contre
le bilan donné par Farah al-Rahmane Saïd, ont indiqué des témoins en faisant
état de tirs de gaz lacrymogènes dans un quartier contre des manifestants.