Migrants disparus au large de la Libye : « la pire tragédie de l'année »
Des survivants sous le choc, visages apeurés,
regards hagards et perdus : ce sont les tristes images prises par le Haut
Comité aux réfugiés des quelques centaines de migrants sauvés d'un terrible naufrage retrouvés sur
une côte à une centaine de kilomètres à l'est de Tripoli, en Libye, jeudi. « Plus de 600 personnes ont
maintenant perdu la vie sur la mer Méditerranée cette année », a déclaré le porte-parole du Haut Commissariat
des Nations unies pour les réfugiés, Charlie Yaxley. « Si
les tendances actuelles se maintiennent, nous risquons de voir plus d'un
millier de personnes perdre la vie sur la Méditerranée pour la sixième année
consécutive, ce qui est une sombre perspective pour nous. » Ce
naufrage est le plus meurtrier depuis le début de l'année. Il s'ajoute
aux 426 personnes déjà disparues en mer depuis le mois de janvier.
Au-delà d'une guerre régulière des chiffres, c'est sur la gestion de l'après
que s'interrogent nombre d'ONG.
Trop tôt pour savoir ce qu'il
s'est passé...
L'Organisation
internationale pour les migrations et la marine libyenne ont fourni des
chiffres différents sur le nombre de migrants disparus et secourus par les
gardes-côtes d'un pays plongé depuis 2011 dans le chaos avec des
luttes de pouvoir et des milices qui font la loi. Safa Msehli, chargée de la
communication au bureau de l'OIM en Libye, a déclaré à l'AFP que 145 migrants avaient été secourus et
ramenés vers Khoms, à 120 km à l'est de la capitale libyenne Tripoli.
Certains survivants ont raconté que leur bateau avait coulé et qu'il y avait
encore à bord quelque 150 migrants, a-t-elle ajouté.
Selon le
décompte du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), près de 150 personnes se sont noyées après
le naufrage de leur bateau au large des côtes libyennes. Au départ, ils étaient
environ 300 personnes à s'être embarquées dans la dangereuse
traversée par la mer depuis la ville portuaire d'Al-Khums, à 80 km à
l'est de Tripoli, a déclaré le porte-parole. Les migrants secourus doivent être
placés, d'après la marine libyenne, dans des centres de détention dont les
conditions sont souvent dénoncées par les ONG.
Derrière
la bataille des chiffres, des gardes-côtes formés uniquement pour freiner
l'arrivée des migrants ?
Julien Raickman,
basé à Tunis et joint au téléphone par l'AFP, a dit que les naufragés étaient
partis mercredi « possiblement à bord de trois bateaux arrimés les uns aux
autres, ce qui expliquerait leur désintégration ». « Les gens étaient
extrêmement choqués, un homme tiré de l'eau alors qu'il se noyait a vu disparaître
toute sa famille », a-t-il ajouté.
L'Union européenne apporte un soutien aux gardes-côtes libyens pour
qu'ils freinent les arrivées sur les côtes italiennes, distantes de
quelque 300 km des côtes libyennes. En 2017, elle a validé un accord
conclu entre l'Italie et Tripoli pour
former les gardes-côtes libyens et depuis le nombre d'arrivées en Europe via la Méditerranée a
fortement chuté. « Les réfugiés et les migrants en Libye sont extrêmement
vulnérables et ont droit à une protection au titre du droit international
humanitaire », a indiqué Thomas Garofalo, directeur du bureau libyen de
l'International Rescue Committee. Il est « urgent » que les missions
de recherche et de sauvetage des ONG soient « dépénalisées » et que
l'opération Sophia soit rétablie.