Soudan : un premier pas vers un gouvernement civil
Les contestataires soudanais ont eu raison d'insister.
L'accord politique signé entre les militaires et les civils ouvre la voie à une
transition de trois ans, même si quelques points sont encore appelés à être
précisés.
Le Soudan fait un pas de plus dans les négociations. Mercredi
à Khartoum, les militaires et les représentants de la société civile ont
conjointement signé une « déclaration politique », le premier accord
entre les deux parties après la destitution d'Omar
el-Bechir, le 11 avril
dernier. Le numéro deux du Conseil militaire au pouvoir, Mohamed Hamdan Dogolo dit « Hemeitti », également commandant des redoutées Forces de soutien
rapide (RSF), a salué un moment « historique ». Pour le militaire,
c'est « une nouvelle ère prometteuse de collaboration » qui s'ouvre
« entre les forces armées, les RSF et les dirigeants de la glorieuse
révolution soudanaise ».
Les différentes parties se sont donc entendues sur
plusieurs points. Le premier : une période de transition de trois ans et
trois mois. Le second : la formation d'un Conseil souverain. Sa composition,
qui a beaucoup cristallisé les négociations, a également été actée, puisque
l'organe sera formé de cinq militaires et de six civils. Les militaires
présideront l'instance pendant les 21 premiers mois, les civils
prendront la relève pour les 18 mois restants.
L'immunité totale pour les militaires ?
Une nouvelle saluée par le médiateur de l'Union africaine
(UA), Mohamed El Hacen Lebatt. Le Conseil militaire et l'Alliance pour la
liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, « ont
conclu un accord très important qui constitue une étape cruciale vers une
réconciliation globale », a-t-il déclaré à l'issue de la signature. En
effet, depuis la destitution d'Omar el-Bechir, le partage du pouvoir soudanais ne se fait pas sans
difficulté. Si l'ALC et le Conseil militaire s'étaient accordés une
première fois le 5 juillet sur le principe, les détails de l'accord avaient
jusqu'ici toujours été repoussés.
Plusieurs points sont d'ailleurs encore à définir. Comme
la création d'un Parlement de transition, ainsi qu'une « déclaration
constitutionnelle », a fait savoir à l'AFP Ibrahim Al-Amin, un des meneurs de la contestation.
Mais le chapitre le plus sensible concerne le statut des membres de l'armée
nationale. Car les généraux du Conseil militaire insistent pour que leurs
représentants du futur Conseil souverain bénéficient d'une « immunité
totale » dans les affaires liées aux violences contre les manifestants.
Selon des médecins liés au mouvement de
contestation, 246 personnes ont été tuées depuis le début des
manifestations, dont 127 lors de la dispersion le 3 juin
d'un sit-in devant le QG de l'armée à Khartoum. Les autorités, quant à elles,
parlent de 71 morts. Les représentants de la contestation s'opposent
catégoriquement à cette demande des généraux. Ils ont évoqué simplement la
possibilité d'une « immunité temporaire » pour les militaires du
Conseil souverain, limitée au temps de leur mandat dans cette instance de
transition. La reprise des discussions, ce vendredi, tranchera.