Blessées, meurtries, violentées… les femmes se battent pour un nouveau Soudan
Umit
Bektas a photographié douze de ces militantes présentes lors du massacre
perpétré par l'armée le 3 juin 2019. Lena Masri de l'agence Reuters a recueilli leurs
témoignages.
Mai Atya, une
musicienne de 27 ans, été battue lors de l'intervention des services de
sécurité. "J'étais dans la zone de sit-in pendant l'opération militaire.
J'ai entendu des coups de feu et je me suis enfuie, mais alors que j’étais en
train de sauter par-dessus une barrière, un soldat de la Force de soutien
rapide (RSF) nous a attrapés. (…) Ils ont continué de nous frapper encore et
encore... Ils pensent que les femmes devraient rester à la maison." Elle
ajoute : "Aujourd'hui, je souhaite qu'il y ait un véritable changement et
qu'il ira dans la bonne direction
Samra
Siralkhatim, une étudiante de 21 ans, s'est cachée pendant cinq jours dans les
foyers de l'armée. "Les Soudanais sont presque comme des réfugiés dans
leur propre pays. Lors de la nuit de l'attaque, nous avons cherché protection
auprès de l’armée, comme nous l'avions fait lors des attaques précédentes.
Cette fois, ils nous ont laissés nous rendre au ministère de la Défense. Mais
les portes sont restées fermées. Les forces de sécurité riaient et un membre de
l'armée derrière les grilles nous a déclaré que l'armée… prenait des vacances
Manal Farah, 49
ans, femme au foyer. Elle perdu son fils, 22 ans, étudiant à l'université, dans
les violences qui ont suivi l'assaut. "L'objectif du gouvernement est de
convaincre les mères des contestataires d'empêcher leurs fils de se joindre à
la révolution, mais peu importe ce que nous leur disons, ils ne s'arrêteront
jamais avant d'atteindre leurs objectifs", a déclaré
Farah. "Quand mon fils a démarré l'université, il a commencé à
demander pourquoi il y avait de la corruption au Soudan. Il pensait que cela
devait changer, faire émerger un nouveau Soudan... Je prie pour que les
rêves de mon fils se réalisent
Awadiya Mahmoud
Koko Ahmed, 60 ans, est responsable du Syndicat des commerces alimentaires et
de thé. "Je suis allée dans la zone du sit-in pour voir ce qu'il s'y
passait. Je leur ai offert du thé (avec l'argent que ma fille m'avait donné).
Nous avons créé une cuisine de campagne avec un groupe de manifestants. Nous
préparions la nourriture tous les jours. Tous les gens étaient gentils. Ils m'appelaient
maman. Quand j'étais en Amérique, j'ai vu que même les animaux avaient des
droits. Si j'étais président, je veillerais à ce que la justice règne, je
traiterais tout le monde sur un pied d'égalité, je garantirais les droits des
femmes et des enfants. Nous avons besoin d'une meilleure éducation pour nos
enfants. Sans éducation, il n'y aura pas de paix
Nahid Gabralla,
53 ans, militante des droits humains, a déclaré avoir été battue avec des
bâtons et menacée de viol. "Le Soudan peut être meilleur. Ma fille mérite
de vivre dans un pays agréable... Nous nous battrons pour un Soudan
démocratique, pour un réel changement et pour nos droits."
Amel Tajeldin,
41 ans, femme au foyer et mère de quatre enfants, a les deux bras bandés suite
aux violences. "Alors que c'était à son tour (son mari) de s'occuper des
enfants, j'ai pris part aux manifestations. (…) Nous avons couru. Nous étions
encerclés par des soldats et des policiers. Ils nous frappaient. Pour me
protéger la tête, j'ai mis mes mains. C'est pourquoi mes deux bras sont cassés.
Ceux qui, comme nous, ont été battus par la police ont été chanceux, parce que
ceux frappés par des membres de RSF ont été grièvement blessés
Khadija Saleh,
41 ans, militante politique et bloggeuse. Après six ans à l'étranger, Saleh est
retournée dans son pays d'origine pour participer à la contestation. "Je
suis revenue de là où j’étais en sécurité parce que je veux un meilleur avenir
pour ce pays."
Hadia
Hasaballah, 42 ans, conseillère et militante politique, travaille pour une ONG
et s'occupe des victimes du 3 juin. Elle et son équipe soutiennent plus de 100
victimes. "Ce régime pense de manière traditionnelle, a-t-elle
déclaré. Ils savent que s'ils humilient les femmes, ils humilieront le peuple
tout entier... Aucune Soudanaise ne dira officiellement qu'elle a été violée à
cause de la stigmatisation
Mahi Aba-Yazid,
35 ans, au chômage. "J'avais déjà une balle dans le bras. Je saignais,
pourtant ils ont continué à me battre."
Duha Mohmed, 23
ans, étudiante, s'est échappée du sit-in et est revenue plus tard pour aider
les blessés. "Je ne veux pas porter le foulard, ça n'est pas mon choix. Je
veux avoir le droit de porter ce que je veux
Nagda Mansour,
39 ans, traductrice, a été emprisonnée pendant 75 jours après avoir assisté à
une manifestation en décembre. Elle a déclaré qu'il était difficile pour
beaucoup d'entre elles d'accepter l'idée de négocier avec les militaires, en
raison de l'implication de leurs dirigeants dans la guerre au Darfour. Ils sont
accusés d'avoir commis des atrocités. "La finalisation d'un accord avec le
conseil militaire reste un commencement et non une fin. (…) En tant que
défenseurs des droits humains, nous voulons avoir une garantie pour une justice
de transition au Soudan
Shems Osman, 32 ans, employée
dans une entreprise internationale, a étudié la psychologie au
Canada. Elle a la citoyenneté canadienne, mais elle a choisi de rentrer au
pays. "Au Soudan, la manière dont les femmes se comportent et dont
elles sont traitées est nettement différente (du Canada), et je pense que cela
tient davantage à notre culture africaine qu'à notre culture arabe. Les
Soudanaises sont naturellement fortes. Elles sont donc en première ligne et
participent à la révolution