Yémen : «L'arrêt des ventes d'armes constituerait une pression politique»
Dans un rapport
présenté ce mardi, une ONG yéménite dénonce les exactions commises par
l'ensemble des belligérants sur le terrain ainsi que le soutien que leur
apportent les pays occidentaux, dont la France.
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Yémen : «L'arrêt des ventes d'armes constituerait une pression
politique»
Dimanche 8 avril 2018, à 9h30, un raid
aérien de la coalition a frappé une famille rassemblée devant sa maison dans la
province de Taez faisant 12 morts, dont cinq enfants et quatre femmes. Samedi
29 décembre 2018, 16h30, l’explosion d’une mine antipersonnel, posée par les
Ansarullah (forces houthies au Yémen) dans un champ dans la région de Hodeidah,
a tué trois fillettes de 9, 12 et 16 ans.
Ces faits figurent parmi des dizaines
d’autres détaillés et documentés dans le rapport annuel de l’ONG yéménite
Mwatana for Human Rights sur les violations des droits humains au Yémen en
guerre depuis cinq ans. Présenté ce mardi à Paris par sa présidente Radhya
Almutawakel, dans les locaux de la Fédération internationale des droits de
l’homme (FIDH), le rapport souligne la responsabilité de l’ensemble des
belligérants dans les attaques faisant des victimes civiles.
Les
équipes de terrain de l’ONG ont interrogé au cours de l’année 2018 plus de
2 000 témoins dans vingt gouvernorats du Yémen pour dresser leur rapport
qui ne mentionne que les faits clairement établis. Outre les raids aériens ou
les attaques terrestres meurtrières, le rapport de l’ONG yéménite met en avant
le recrutement d’enfants soldats par toutes les parties. 1 117 cas d’enfants
recrutés ou utilisés à des fins militaires en 2018 sont répertoriés dans le
rapport de Mwatana, dont «72% par les forces Ansarullah (Houthis)», y compris des filles. Mais tous les groupes
combattants s’en rendent responsables, souligne l’ONG qui attribue 17% de ces
cas aux forces de la coalition et 11% aux forces loyales au président yéménite.
La France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni «s’opposent à
une enquête sérieuse»
Le
rapport énumère les différents «crimes de guerre» dont se sont rendues coupables tant la coalition
arabe menée par l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis (EAU) que les
milices houthies ou d’autres forces locales. A propos des exactions sur le terrain,
l'ONG a souvent cité les milices locales financées par les Emirats sur
l’ensemble du territoire morcelé du Yémen. Le présidente
de Mwatana affirme qu’il est trop tôt pour évaluer la réalité et les
conséquences du retrait annoncé la semaine dernière par les EAU, tout en
soulignant que les groupes armés qu’ils entretiennent restent sur place et sont
même renforcés.
L’ONG
souligne l’urgence de créer une Commission d’enquête internationale par le
Conseil des droits de l’homme de l’ONU en septembre. La présidente de Mwatana
dénonce les pays qui soutiennent les EAU et l’Arabie saoudite comme la France,
les Etats-Unis et le Royaume-Uni qui «s’opposent à une enquête sérieuse». Elle reconnaît que les monarchies du Golfe
disposent de stocks d’armes pour poursuivre leur guerre encore longtemps. «Mais c’est le message politique que
contiendrait l’arrêt des ventes d’armes aux pays de la coalition qui
constituerait un moyen de pression de la part des grandes puissances.» C’est d’ailleurs pour cette raison que Mwatana a
choisi Paris pour présenter son rapport.