Les criminels reconvertis au terrorisme, une arme d’intimidation pour les groupes terroristes

Par Ali Bakr

L'opération militaire globale "Sinaï 2018", visant à éliminer les organisations terroristes en Egypte, a révélé l’orientation de ces organisations vers l’enrôlement des criminels pour bénéficier de leur expérience dans les activités terroristes.

En effet, l’armée et la police ont arrêté un grand nombre d’entre eux pendant ladite opération. Ce qui soulève d'importantes questions sur la dimension d’enrôlement des criminels par les organisations terroristes et sur les conséquences de leurs activités terroristes. Et ce, à la lumière notamment de la suspension du critère idéologique dans le recrutement qui est de plus en plus important et déterminant dans l’attraction des jeunes vers les organisations terroristes.

La cruauté extrême des éléments terroristes, notamment ceux appartenant à Daech, est mise en exergue, bien que certains d'entre eux soient originaires de pays européens censés respecter les droits de l'Homme, la loi, la justice et l'égalité. Cette extrême cruauté indique l’existence d’un facteur important dans la formation de la personnalité de ces terroristes, notamment leurs « antécédents criminels ».

En effet, certains d'entre eux possèdent un casier judiciaire entaché, en raison des activités criminelles qu’ils avaient commises au début de leur vie, notamment les vols, le trafic de drogue ou d'autres actes criminels, à cause desquels ils ont été emprisonnés, et qui leur ont procuré des caractéristiques criminelles.

I-             Exemples de terroristes ayant des antécédents criminels

Les attentats de Paris en novembre 2015 sont un exemple frappant du rôle des terroristes aux antécédents criminels au sein des organisations terroristes. Le cas de Salah Abdeslam, qui dirigeait un café, avant qu’il n'adopte les idées radicales est à noter. Bien qu’un verdict judiciaire l’ait sommé de le fermer. Arrêté en mars 2016, il a été l'un des assaillants grandement impliqués dans les attaques de Paris.

Il avait été arrêté en 2010 et incarcéré en Belgique pour vol, consommation et trafic de drogue. Tout comme il avait été impliqué dans le même procès avec son ami d'enfance Abdelhamid Abaaoud, qui est le cerveau des attentats de Paris et le trait d’union entre l'organisation et plusieurs de ses membres en Europe.

D’autres personnes ont fait partie de ces attaques, à l’instar de Khaled al-Bakrawi, qui avait déjà été condamné à cinq ans de prison pour vol et usage de la force. Ibrahim Abdeslam, le frère aîné de Salah Abdeslam est aussi à citer, parce qu’il était l'un des kamikazes qui ont perpétré les attentats de Paris. En effet, il avait déjà été emprisonné pendant trois mois en Belgique en 2015 pour vol.

Son compagnon kamikaze Omar Ismail Mostafawi avait aussi des antécédents criminels et un casier judiciaire plein. Il était connu de la police française.

Le journal allemand Süddeutsche Zeitung a révélé le 02 septembre 2015 les extraits d'une étude menée par l'Office fédéral de lutte contre la criminalité et le Centre d'information et de compétence contre l'extrémisme de l’Etat allemand de la Hesse. Selon cette étude, près de la moitié de 670 terroristes qui se sont rendus en Syrie, sont enregistrés auprès des autorités pour des accusations de crimes violents ou de trafic de drogue.

II-          Les répercussions de l'implication des criminels

  dans les organisations terroristes

Il est évident que les personnes ayant un casier judiciaire noirci sont souvent caractérisées par une violence excessive, qui à son tour se reflète directement dans les activités et la violence des organisations terroristes dans lesquelles elles sont impliquées, dont les plus importantes peuvent être identifiées dans les points suivants:

a.   La cruauté excessive:

Les terroristes qui ont les antécédents criminels sont caractérisés par la cruauté qui les anime naturellement par le fait qu’ils soient des criminels. Une criminalité qui se progresse pendant leur période d’incarcération, étant donné que la vie dans les centres pénitentiaires ressemble à celle menée dans la jungle, où « la raison du plus fort est toujours la meilleure ». Le taux de  violence augmente chez ces gens après avoir pris le chemin de la religiosité, où ils trouvent un moyen d’être plus violent, sous prétexte qu'ils le font pour servir la religion et le djihad. L'un des exemples frappants dans ce contexte est le célèbre terroriste Abou Moussab Al-Zarqawi, fondateur de Daech. Il a été le premier à ordonner l’égorgement et la décapitation au sein des organisations terroristes. Il était connu pour sa brutalité et sa cruauté depuis qu’il avait été emprisonné. En effet, son corps était d’ailleurs couvert de cicatrices causées par les criminels emprisonnés.

Avant qu’il ne devienne accroc à la mosquée et ne voyage en Afghanistan en 2000, Al-Zarqawi avait été emprisonné pendant sa jeunesse pour plusieurs crimes, notamment pour avoir poignardé quelqu’un, pour vol et consommation de la drogue. En Afghanistan, il a utilisé son expérience criminelle, sa cruauté et son agressivité, qu’il a développées en prison, dans les camps d'entraînement. C’est d’ailleurs ce qui a attiré l'attention d’Oussama Ben Laden, l'ancien chef d'al-Qaïda, qui croyait que l’expertise criminelle d’Al-Zarqawi pouvait servir les orientations de l'organisation.

Le point de vue de Ben Laden a été bon d’autant plus qu’Al Zarqawi était devenu un modèle dans le meurtre et l’égorgement. C’est ce qui pourrait d’ailleurs expliquer les opérations de meurtre cruelles telles que l’incinération, l’égorgement et la décapitation, qui ont été plus tard utilisées par Daech, qui considère Al-Zarqawi comme son « père spirituel ».

b.   L’audace et le courage:

Les terroristes qui ont les antécédents criminels sont incontestablement les plus courageux et les plus audacieux en comparaison avec d'autres éléments ordinaires, parce qu’ils avaient par le passé été criminels. Raison pour laquelle les organisations terroristes les exploitent dans la mise en œuvre des opérations terroristes non conventionnelles. L’exemple de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel (un Tunisien domicilié à Nice) est palpable. C’est lui qui a commis l'attentat au camion-bélier, qui s'est déroulé à Nice (Alpes-Maritimes, France) dans la soirée du 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais. Cette attaque a fait 84 morts. Le casier judiciaire de son auteur était fort de cinq crimes, dont l'un était lié à la violence armée, en plus du témoignage de son entourage selon lequel il était alcoolique.

Les frères Chérif et Saïd Kouachi, qui ont effectué l'attaque terroriste contre le journal Charlie Hebdo à Paris sont aussi un cas à citer. En effet, Chérif Kouachi a été emprisonné pour vente de drogue et plusieurs vols à main armée dans la banlieue parisienne, où il a fait connaissance de son partenaire dans l'attaque Amedy Coulibaly qui a également commis précédemment des vols à main armée à plusieurs reprises pour lesquels il a été condamné en 2002 à une peine d’emprisonnement ferme de six ans. C’est là où celui-ci a fait la connaissance de Chérif qui l'a convaincu des idées extrémistes.

c.    L'expansion du meurtre:

Il semble qu'exercer le crime pendant une période de temps rend l’Homme plus agressif et fait de lui un tueur cruel à cause naturellement des actes criminels qu’il a commis pendant longtemps. Prétextant que plus il est impitoyable, plus il craignait Dieu, à l’instar du terroriste britannique Aine Davis, connu pour les décapitations qu’il a exercées au sein de Daech. Avant qu’il s’y soit enrôlé, il avait été condamné à deux ans à Londres pour avoir dirigé des gangs de trafic de drogue dans la capitale britannique, après avoir été conducteur de métro. Son emprisonnement l’a rendu plus impitoyable et meurtrier. Cela s’est bien évidemment reflété sur son rôle au sein de l'organisation.

d.   La compétence organisationnelle:

Les personnes ayant des antécédents criminels ont souvent des compétences organisationnelles incomparables pour avoir exercé des activités criminelles pendant un certain temps. Ce qui leur a permis d’acquérir de l'expérience au fil du temps pour avoir maîtrisé les moyens de manipuler les services de sécurité. Cela les amène souvent à s'engager dans des opérations non traditionnelles, qui ont besoin d’une bonne planification, la précision et la rapidité de mise en œuvre. Les organisations terroristes saisissent cette opportunité pour bien les exploiter dans la planification des opérations criminelles.

En résumé l’on peut dire que le fait d’avoir les antécédents criminels donne plus de capacité au terroriste à exécuter les opérations qui nécessitent une grande habileté organisationnelle.

L'extrémisme et le radicalisme idéologique surdimensionné :

Les terroristes qui ont des antécédents criminels sont généralement plus extrémistes et radicaux que les autres terroristes ordinaires, parce que la plupart d'entre eux ont embrassé ces idées dans les prisons, où les transformations idéologiques et psychologiques sont souvent déséquilibrées. En effet, la personne a un sentiment de vouloir expier ses péchés par tous les moyens. Par conséquent, autant il est plus extrême et radical du point de vue idéologique, autant grandissent sa foi et sa piété, et son repentir est accepté, croient-ils. Surtout que ces individus ne sont pas dotés d’assez de culture islamique leur permettant d’organiser l’idéologie extrémiste qu'ils reçoivent dans les centres pénitentiaires.

Cet extrémisme idéologique qui caractérise ces individus pourrait avoir des explications criminelles. Notamment si on prend l’exemple de Selim ben Ghanem, qui est devenu l'un des leaders français les plus importants au sein de Daech. Il avait été en 2002 l’un des plus célèbres criminels au Centre pénitentiaire de Fresnes (située dans la banlieue sud de Paris), pour avoir tenté d'assassiner un dealer de drogue.

Résumé :

À la lumière de ce qui précède, diverses données indiquent que le terroriste qui a des antécédents criminels et pénaux est souvent plus violent et sanguinaire que les terroristes conventionnels. Et ce, parce que dans la plupart des cas il a acquis l’idéologie extrémiste pendant la période de son incarcération. Cela révèle le rôle joué par les foyers criminels dans les centres pénitentiaires dans la « formation » d’une nouvelle gamme de terroristes. Mais le plus important est le fait que soient révélées les raisons de l'enthousiasme qu’ont les organisations terroristes à enrôler le plus grand nombre possible de criminels. D’où la nécessité d'élaborer une bonne stratégie pour faire face à l’enrôlement des criminels qui sont devenus une ressource humaine importante pour les organisations terroristes, avant qu'ils ne deviennent trop dangereux et incontrôlables à l'avenir.

La nécessité d’isolement des criminels

Cette stratégie met l'accent sur la nécessité de séparer et d’isoler les criminels des extrémistes au sein de la prison, étant donné que la plupart des cas d’enrôlement ont lieu dans les centres pénitentiaires. D’où la nécessité d'y activer les maisons de la lecture et de la pensée ainsi que les bibliothèques dans les centres pénitentiaires en faveur des criminels. Parce que la lecture développe généralement la perception et les compétences de la pensée, tout comme elle jette la lumière sur les aspects importants ignorés par l’Homme. Cela va conséquemment limiter et à grande échelle la ruée vers l'extrémisme.

En outre, l'activation des rencontres culturelles en invitant non seulement les jurisconsultes islamiques, les littéraires et les poètes, mais aussi les sociologues et les politiciens pour animer les débats et discussions libres et sans restrictions, créera en eux un esprit ouvert difficilement influençable.

Le plus important de tout cela est surtout la nécessité d'activer dans les centres pénitentiaires le rôle des institutions religieuses officielles par le biais des hommes de religion distingués, pour créer une sorte d’« immunité intellectuelle » contre les idées extrémistes.

Bibliographie

1. Les terroristes appartenant à «Daech» ont été formés pour mener des attaques en Europe.  goo.gl/fGm7EY
2. Salah Abdeslam : L'histoire et la vie d'un terroriste. goo.gl/XtgeCQ
3. L’identification des auteurs des attentats de Bruxelles. goo.gl/wVe4yg
4. Les images des kamikazes qui ont perpétré les attentats de Paris.    goo.gl/gsg1oL
5. Etude sur la moitié des Allemands membres de Daech ont un casier judiciaire.   goo.gl/hdxMXu
6. Qui est Abou Moussab Al-Zarqawi?   goo.gl/N1oK21
7. L'histoire non contée sur le rôle d’Al-Zarqawi dans la formation de Daech.    goo.gl/UAR6eo
8. Des livres écrits par Al-Zarqawi: L'un d'entre eux parle de son passé d’alcoolique et l'autre le décrit de « fabrication » américaine.   goo.gl/67qQWC
9. Les différends entre Ben Laden, Al-Zarqawi et Al-Maqdisi.    goo.gl/RLQV2F
10. Des accusations de toxicomanie et de trafic sexuel… Des allégations de poursuite du père spirituel de Daech Abou Moussab al-Zarqawi     goo.gl/ENBGbG
11. L’avocat de l'exécuteur de l’attaque de Nice à CNN: Bouhlal était « alcoolique » et a des antécédents de violence domestique et potentiellement affecté par la religion.      goo.gl/7HHAj7
12. Les frères Kouachi, qui sont-ils? goo.gl/sswhms
13. La France, de la prison au Djihad goo.gl/jk3ykb
14. D'un vendeur de stupéfiants au décapiteur à Daech.    goo.gl/G7azAA
15. Salim Ben Ghalem, du coureur de jupons au geôlier de Daesh.     goo.gl/RCSQ8w