Le terrorisme en Asie centrale… Les motifs et les parcours
Mohammad Ruchdy
Le phénomène du terrorisme représente l’un des problèmes
les plus graves que doit affronter l’Asie Centrale, qui comprend les
républiques de l’ex-Union soviétique (Turkménistan, Kazakhstan, Ouzbékistan,
Kirghizistan, Tadjikistan), au vu de la présence de l’organisation al-Qaïda en
Afghanistan, dont les frontières avec ces pays s’étendent sur plus de 1000
miles (1600 kms environ), et de l’aggravation du danger du terrorisme en Asie
Centrale suite à l’augmentation du nombre de ses citoyens dans les rangs de
Daech en Syrie et en Irak.
Le mouvement de l’opposition islamiste a une longue
histoire de luttes dans cette région, qui remonte à la période de la Russie
tsariste (1721-1917).
Et après la Première guerre mondiale, les mouvements de
résistance à la progression des forces de l’Union soviétique en Asie Centrale,
suite à la Révolution bolchévique de 1917, se sont renforcés, et l’apparition
de l’organisation Daech a constitué l’étape suivante du radicalisme dans la
région.
Les racines du mouvement radical en Asie Centrale
Après l’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique
en 1979, l’opposition politique islamiste dans la région est passée de la
résistance à l’occupation soviétique à la formation de groupes radicaux après
s’être rattachée à l’organisation al-Qaïda, qui ouvrit la voie au djihad aux
quatre coins du monde, et c’est ainsi que de nombreux combattants d’Asie
Centrale rejoignirent l’organisation pour combattre les forces soviétiques.
Après le retrait soviétique en 1989, suivi de
l’effondrement de l’Union soviétique, la formation de brigades islamistes pour
combattre les forces soviétiques d’occupation de l’Afghanistan encouragea les
combattants d’Asie Centrale à revenir sur la scène en reproduisant le modèle du
djihad afghan à l’intérieur de leurs pays.
Le concept de djihad chez les groupes islamistes
Dans tous les pays d’Asie centrale, le danger du
terrorisme est lié à un groupe de mouvements islamistes qui ont des visions de
l’islam contradictoires et des explications différentes du concept de djihad et
du lien entre islam et modernité. Ainsi, certains groupes islamistes voient le
djihad d’un point de vue purement militaire, et la violence comme un moyen
légitime d’influencer la politique.
Les islamistes considèrent ainsi qu’il est nécessaire de
revenir à l’époque du Prophète, car ils pensent que c’est seulement à cette
époque que l’islam existait véritablement, et que c’est la dégradation de la
religion, des mœurs et de la politique qui est à l’origine de l’éloignement de
l’application de la loi islamique et du modèle de société existant à l’époque
du Prophète. C’est pourquoi, selon eux, il faut revenir à l’islamisation des
sociétés, et créer des Etats d’Asie Centrale islamistes.
Les groupes extrémistes les plus connus
Le Groupe Adolat ou mouvement de « la Justice »
est l’un des premiers mouvements radicaux. Il est apparu dans la république
d’Ouzbékistan, dans une région surpeuplée connue sous le nom de « Vallée
de Farghana », et partagée, d’un point de vue politique, entre
l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizistan, et qui est devenue un foyer fertile
pour les courants extrémistes en Asie Centrale.
Motifs de la naissance des organisations islamistes
Les mouvements radicaux en Asie Centrale sont apparus
pour diverses raisons qui ont fourni un environnement favorable à la montée des
mouvements islamistes extrémistes, et alimenté l’action djihadiste contre les
régimes politiques. Citons parmi elles :
-
La proximité géographique de Kaboul,
lieu de naissance de l’organisation al-Qaïda, et la participation de nombre de
citoyens des pays d’Asie centrale aux opérations terroristes exécutées par
al-Qaïda contre l’occupation soviétique, ce qui eut pour conséquence qu’un
nombre non négligeable de combattants expérimentés rentrèrent dans leurs pays
d’origine avec un programme contraire aux intérêts russes dans ces pays, et la
volonté d’appliquer un modèle islamique antagoniste du courant laïc dominant le
pouvoir.
-
Le vide idéologique islamique qui suivit
l’effondrement de l’idéologie communiste, poussa les gens à s’intéresser à leur
patrimoine spirituel et religieux, à un moment où la détérioration de la
situation sociale et économique et les politiques de plus en plus répressives
des régimes en place alimentèrent l’extrémisme religieux.
-
Les opinions critiquant les régimes
politiques en considérant que le retour aux premiers siècles de l’islam était
la seule solution pour sortir des crises économiques, et appelant à
l’islamisation des sociétés.
Daech en Asie
Centrale
Après l’apparition de
l’organisation Daech en Syrie et en Irak, les organisations terroristes en
Afghanistan et au Pakistan ont commencé à prêter allégeance à Abou Bakr
al-Baghdadi, chef de l’organisation, et cette dernière a été soucieuse de
recruter ses combattants partout dans le monde et en particulier dans l’Asie
centrale proche, et de fait, l’organisation attira nombre de volontaires pour
le combat en Syrie et en Irak.
Et aujourd’hui, après la défaite
de Daech en Syrie et en Irak, les craintes se focalisent surtout sur le retour
des combattants d’Asie Centrale dans leurs pays d’origine, pour élargir les
opérations terroristes contre les gouvernements locaux. Et Daech a intensifié
l’inquiétude de ces pays après sa proclamation de ce qu’elle a appelé
« Wilaya du Khorassan » en 2015, qui a prêté allégeance au chef de
l’organisation Abou Bakr al-Baghdadi.