La guerre d’Irak était BIEN une guerre du pétrole (cette fois, c’est prouvé !)
On s’en doutait,
quelques-uns l’avaient affirmé, mais on n’avait pas vu encore la fumée sortie
du canon. C’est désormais chose faite, grâce au militant britannique Greg
Muttitt et à son livre d’enquêteFuel on The Fire, publié en avril.
L’accès au brut irakien
était bel et bien au coeur de la décision britannique de s’engager aux côtés
des Etats-Unis lors de l’invasion de l’Irak en 2003. C’est ce que prouvent
des documents confidentiels obtenus par M. Muttitt grâce à la loi britannique
sur la liberté d’information, et dont le quotidien The Independent s’est fait l’écho. [Je gardais sous le coude cette info, en attendant
de voir si elle allait faire scandale en Grande-Bretagne : loupé, à ma maigre
surprise.]
Cinq mois avant le
début de l’invasion lancée en mars 2003, la ministre du commerce britannique,
la baronne Elisabeth Symons, déclarait aux représentants des majors
britanniques qu’elle ferait en sorte que ces dernières aient accès aux réserves
d’hydrocarbures dans l’Irak d’après Saddam Hussein.
Le compte-rendu
d’une réunion avec BP, Shell et BG (British Gas) datée du 31 octobre 2002
indique : « La baronne Symons a reconnu qu’il serait difficile de
justifier que les compagnies britanniques puissent sortir perdantes en Irak (…)
si la Grande-Bretagne devait être un allié proéminent du gouvernement américain
durant la crise. » La ministre a alors promis « de rendre
compte aux compagnies avant Noël » du résultat de ses tractations
auprès de l’administration Bush à Washington.
Le ministère des
affaires étrangères britannique invitait BP le 6 novembre 2002 à parler des
opportunités en Irak « après le changement de régime ». Dans le
compte-rendu de la réunion, on peut lire : « L’Irak est la grande
opportunité du pétrole. BP est prêt à tout pour y aller, et s’inquiète que des
accords politiques ne la privent de cette opportunité. »
Après une autre
réunion, en octobre 2002, le directeur du Moyen Orient au Foreign
Office notait : « Shell et BP ne pourraient pas se permettre
de ne pas avoir leur part en [Irak], pour le bien de leurs futurs à long terme.
(…) Nous sommes déterminés à obtenir pour les compagnies britanniques une
part honnête de l’action dans l’Irak post-Saddam. »
Un mois avant
l’invasion de l’Irak, en février 2003, l’ex-premier ministre Tony Blair
qualifiait d’ « absolument absurde » l’idée que cette invasion
puisse être motivée par le pétrole. Le 12 mars 2003, le patron de BP de
l’époque, Lord Browne, déclarait : « De mon point de vue, et du point
de vue de BP, ce n’est pas une guerre du pétrole. »
Aux Etats-Unis,
l’administration Bush n’a, bien entendu, jamais reconnu le rôle joué par le
pétrole. Les mobiles, c’était les armes de destructions massives (inexistantes)
de Saddam Hussein et les liens (fictifs) de ce dernier avec l’organisation
terroriste Al-Qaida.
Quelques
personnalités liées à l’administration Bush ont pourtant pu révéler le secret
de Polichinelle, notamment Paul Wolfowitz (« La plus grosse différence entre la
Corée du Nord et l’Irak (…) : l’Irak nage dans une mer de pétrole ! ») et Alan Greenspan (« Je suis attristé qu’il soit
politiquement inconvenant de reconnaître ce que tout le monde sait : la guerre
d’Irak est largement une histoire de pétrole »).
Lors des réunions
de l’Energy Task Force assemblée par le vice-président Dick Cheney en 2001, dans les
premières semaines de l’administration Bush, une carte fut produite, faisant état d’un découpage possible de futures
concessions pétrolières en Irak. L’existence de cette carte fut révélée en 2002
par décision de la justice américaine.
Après avoir quitté
le gouvernement, Lady Symons, aujourd’hui âgée de 59 ans, est devenue
conseillère de la banque d’affaires MerchantBridge, qui a réalisé d’importants
profits dans des contrats de reconstruction dans l’Irak d’après-guerre, précise The Independent. En mars, Elisabeth Symons a rompu les contacts qu’elle entretenait avec
le Conseil de développement économique national libyen, auprès duquel elle
intervenait en tant que conseillère bénévole.
L’Irak détient 8,3
% des réserves mondiales de pétrole. C’est aujourd’hui le seul producteur
majeur dont les capacités de production semblent pouvoir être accrues de façon
substantielle, face à la perspective d’un déclin des extractions de
nombreux autres grands producteurs (voir aussi [oil man] ‘Peak Oil’ : LE DOSSIER).
Les intérêts
britanniques dans le pétrole irakien remontent à la veille de la première
guerre mondiale, à l’époque de la Turkish Petroleum Company. Ceux des
compagnies américaines remontent à la création de l’Iraq Petroleum Company, en 1929.