Syrie: HRW met en garde contre le détournement de l'aide humanitaire
Le régime syrien
s'approprie les aides humanitaires et les fonds destinés à la reconstruction, a
averti ce 28 juin, Human Rights Watch (HRW), mettant en garde les donateurs
contre le risque de complicité avec les auteurs d'abus contre les droits
humains.
« Human
Rights Watch [HRW] a examiné la manière dont
le gouvernement syrien a manipulé l'énorme quantité d'aide humanitaire fournie
au pays et, franchement, il s'agit de l'opération la plus sophistiquée que nous
ayons jamais vue, a déclaré le directeur général de l'ONG, Kenneth
Roth. L'aide est détournée vers les loyalistes du
gouvernement, loin des personnes les plus démunies, qui sont souvent celles qui
ont vécu dans des zones contrôlées par l'opposition ».
Huit ans après le début
de la guerre en Syrie, le régime du président Bachar al-Assad contrôle environ
60% de la Syrie et cherche à reconstruire un pays dévasté par les combats et
les bombardements. L'ONG HRW a exhorté investisseurs, ONG et agences de l'ONU
oeuvrant de pair avec le gouvernement de Damas à veiller à ce que leurs
programmes d'aide ne consolident pas les politiques répressives du régime
syrien et ne contribuent pas ainsi indirectement à de graves violations des
droits humains.
Punir
les opposants
« Bien
que bénignes en apparence, les politiques d'aide et de reconstruction du
gouvernement syrien sont conçues pour punir les opposants présumés et
récompenser ses partisans, a avertit Lama Fakih, directrice adjointe
de HRW pour le Moyen-Orient. Les
donateurs doivent veiller à ne pas devenir complices des violations des droits
humains ».
Car « le
système d’autorisation et de contrôle des programmes d’aides est très
sophistiqué et il permet au gouvernement syrien de faire ce que bon lui semble,
résume Sara Kayyali, auteure du rapport publié par l'organisation. HRW
a enquêté sur des cas où l’argent est allé à des milices violentes ou dans les
poches de personnalités sous le coup de sanctions ou encore à des ministères
connus pour leur brutalité. On arrive à des situations où les gens ne reçoivent
tout simplement pas l’aide qui leur était destinée. »
Dans d'autres cas, l'aide
arrive mais elle est distribuée de façon très inégale en fonction des régions,
détaille Sara Kayyali. « Par exemple, il y a deux
zones dans la région de la Ghouta orientale : dans l’une il y a clairement
besoin de plus d’aide mais elle reçoit moins, parce que cette zone est
considérée comme proche de l’opposition. Et on se retrouve même avec des zones
où le gouvernement continue
d’interdire l’accès et où aucune aide ne parvient ».
Le rapport de 94 pages
intitulé « Rigging the System » explique comment les ONG humanitaires
se conforment souvent aux conditions imposées par Damas pour garantir la
pérennité de leurs activités. Afin de faire changer les choses et s'assurer que
ces aides ne sont pas détournées, le rapport de HRW fait plusieurs
recommandations.
« L’une
de nos principales recommandations est d'inciter les donneurs et les
organisations humanitaires à se réunir pour discuter des défis auxquels ils
font face, souligne
Sara Kayyali. Il faut montrer un front uni pour
résister à ces agissements du gouvernement syrien. Ça leur donnerait un levier
supplémentaire. Mais pour y parvenir, les donateurs doivent revoir leur
approche de non-intervention et exercer une surveillance plus approfondie de
ces opérations. »