Soudan: le Conseil militaire appelle la contestation à négocier "sans conditions"
Le chef du Conseil militaire de transition au pouvoir
au Soudan a
appelé mercredi les manifestants à des négociations "sans
conditions", espérant renouer un dialogue qui s'est révélé impossible
depuis la dispersion sanglante d'un sit-in début juin.
Après plusieurs mois de manifestations qui ont mené à la
destitution par l'armée du président Omar el-Béchir le 11 avril, le Soudan est toujours le
théâtre d'un bras de fer entre le Conseil militaire et les principales forces
de la contestation.
Les négociations entre les deux parties qui doivent
dessiner l'avenir du pays sont suspendues depuis le 20 mai, chaque
camp voulant prendre la tête d'une future instance de transition.
Mercredi, le chef du Conseil militaire, Abdel Fattah
al-Burhane, a appelé l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de
lance de la contestation, mais aussi "toutes les forces politiques" à
accepter des négociations "sans poser de conditions".
"La situation du pays ne permet pas de rester sans
gouvernement. Pour qu'il n'y ait pas de coup d'Etat, venez" négocier,
a-t-il poursuivi.
La tension est montée d'un cran le 3 juin,
quand des hommes armés en tenue militaire ont dispersé un sit-in devant le QG
de l'armée dans la capitale Khartoum.
Les manifestants y campaient depuis des semaines pour
faire pression sur les militaires et réclamer un transfert du pouvoir aux
civils.
Au moins 128 personnes ont été tuées dans
l'opération et la répression qui s'est poursuivie les jours suivants, selon des
médecins proches de la contestation. Les autorités ont évoqué un bilan
de 61 morts.
"Révolution
en danger"
Après plusieurs jours de violence et une campagne de
désobéissance civile très suivie, un représentant de la médiation éthiopienne a
annoncé le 11 juin que le Conseil militaire et la contestation
avaient accepté de revenir à la table des négociations. Aucune
date n'a toutefois été fixée.
Les meneurs de la contestation restent fermes sur
plusieurs points sur lesquels ils s'étaient déjà mis d'accord avec les généraux
au pouvoir avant l'interruption des négociations.
Parmi ces conditions, il y a notamment le fait que les
deux tiers du Parlement de transition doivent être réservés à l'ALC.
"Nous avons accepté la médiation éthiopienne et nous
avons posé un certain nombre de conditions avant la reprise des négociations,
en particulier le respect de ce qui a été convenu par le passé", a
souligné lundi un leader du mouvement de contestation, Mohammed Naji al-Assam,
lors d'une conférence de presse.
Militaires et contestataires s'étaient également accordés
sur une période de transition de trois ans, qui doit être suivie par le
transfert du pouvoir à une administration civile.
"C'est toujours le pouvoir des armes versus le
pouvoir de la rue", a estimé Alan Boswell, du centre de réflexion
International Crisis Group (ICG), interrogé par l'AFP. "La révolution est en grand danger. Mais elle est
loin d'être terminée".
Les meneurs de la contestation avaient encore appelé à
manifester mercredi en fin de soirée dans les zones résidentielles de la
capitale. Dans un quartier de Khartoum, des dizaines de personnes clamaient
"Le pouvoir aux civils ! Le pouvoir aux civils !", selon
des témoins interrogés par l'AFP.
"Reconstruire
la confiance"
La dispersion sanglante du sit-in a provoqué un tollé
international, poussant l'ONU, les Etats-Unis et les mouvements de la contestation à réclamer une
enquête indépendante.
"Le Conseil militaire a la responsabilité"
d'adopter les mesures nécessaires pour "reconstruire la confiance qui
ouvrirait la voie à une transition civile", a estimé l'ambassadeur de
Grande-Bretagne Irfan Siddiq, dans un entretien à l'AFP.
Les généraux ont regretté des "erreurs qui se sont
produites" lors de la dispersion, assurant ne pas l'avoir ordonnée et que
l'objectif de l'opération était tout autre.
La crise économique au Soudan et une décision
gouvernementale de tripler le prix du pain ont été à l'origine des premières
manifestations en décembre contre le régime de Béchir, destitué après trois
décennies au pouvoir.
Selon des experts, les Emirats, l'Egypte et l'Arabie
saoudite semblent soutenir les généraux tandis que Washington plaide pour une
transition menée par les civils.