On parle de 400 milliards pour reconstruire la Syrie, mais combien pour reconstruire les vies?
8 ans de guerre, 8 ans d’un quotidien sans perspective d’avenir, 8 ans de tristesse, de désespoir. 8 ans d’une enfance, d’une adolescence, d’une jeunesse qu’ils n’ont pas vécues, un traumatisme qui pèse sur le quotidien de chacun. On avance le chiffre de 400 milliards de dollars pour espérer un jour reconstruire la Syrie. Mais combien, pour reconstruire les vies?
Sur place récemment, voici ma chronique d’une semaine “ordinaire” vécue à Alep auprès des équipes de terrain avec notre ONG Baroudeurs de l’espoir.
Lundi matin. Il manque un enfant à l’appel. Aya, 5 ans, n’est pas venue à l’école. La veille, un obus est tombé sur son immeuble, tuant et blessant gravement des membres d’une famille dans l’appartement du dessus. La peur s’est installée, ses parents ont appelé les institutrices pour leur dire qu’Aya ne parvient pas à sortir de chez elle, tétanisée par la peur. Une voiture est aussitôt envoyée pour aller la chercher et tenter de lui faire vivre une journée d’école, normale.
Mardi soir. Un dîner est organisé dans la cour de récréation. La musique bat son plein. Quand une chanson se termine, c’est une autre musique qui se joue, celle des obus, des tirs de mortier et de missiles, et l’aviation qui réplique. Puis, la musique reprend, les téléphones sonnent. Les familles s’inquiètent, le trajet n’est pas sûr. Chacun rentrera-t-il chez soi?
Mercredi. Le bus de l’école a décidé de prendre un nouvel itinéraire, pour des raisons de sécurité.
Jeudi. On hésite à annuler une compétition sportive réunissant des centaines d’adolescents: un obus est tombé la semaine précédente sur la maison d’un des responsables de l’événement, tout proche du lieu de la manifestation. Il est pourtant celui qui souhaite que la compétition soit maintenue. Il refuse de céder à la peur.
Vendredi soir. Je suis dans le petit jardin de la cour de l’école, une déflagration me fait bondir. Quelques minutes plus tard, le son des ambulances tout proche. Est-ce qu’on s’habitue, vraiment?
Samedi. Un mortier tombe à quelques dizaines de mètres de la compétition sportive accueillant les adolescents. Ce jour-là, le projectile s’abat dans un bac à sable, limitant les impacts.
Dimanche. Ne nous oubliez pas. Les armes ne prennent pas de jour de congé.
A Alep comme dans toutes les villes de Syrie, comme dans toutes les villes du monde, la jeunesse souhaite vivre, sortir, aimer, écouter de la musique et profiter du silence, respirer, rêver. Leurs rêves sont immenses, leur soif de vivre infini. Ne les oubliez pas. Ne les oubliez pas car ils se tiennent debout.