Syrie: après les années de guerre, la longue reconstruction du verger de Damas
Sur son terrain
de la Ghouta orientale, près de Damas, Radwan Hazaa s'apprête à semer des
centaines de graines de grenadiers dans l'espoir de compenser la perte de plus
de 3.000 arbres, victimes des tirs d'obus ou de la sécheresse des années de
guerre.
Dans le village de Deir al-Asafir, cet agriculteur de 50 ans profite à la
fois du retour au calme et d'un hiver très pluvieux ayant généreusement
renfloué fleuves et nappes phréatiques.
Avant le déclenchement du conflit syrien en 2011, la Ghouta orientale était le
grenier alimentaire de la capitale Damas.
Mais cet ancien verger réputé pour ses champs, ses arbres fruitiers et ses
fermes a subi les retombées d'années de combats et de siège du régime.
Les pieds trempés, Radwan s'attèle à construire un nouveau canal
d'irrigation près d'un puits creusé il y a quelques semaines et d'où l'eau
jaillit à présent.
"Lorsque j'ai vu ma terre brûlée, je me suis agenouillé en pleurant,
j'ai compris qu'il faudrait tout reprendre de zéro", se rappelle ce
fermier de 54 ans qui a fui la Ghouta en 2012 avant d'y revenir l'an dernier.
Ancienne place forte de la rébellion contre le président Bachar al-Assad,
la région a été reconquise en avril 2018 par le régime, avec l'aide de Moscou,
au terme d'une offensive de grande ampleur. Elle a été suivie d'accords de
reddition négociés par les Russes, qui ont vu des dizaines de milliers de
combattants et de civils évacués vers d'autres régions.
Après la fin des combats, "j'ai emprunté une petite somme d'argent et
je me suis remis à planter (et à élever) deux vaches et quelques poules",
poursuit l'homme au crâne dégarni, keffieh rouge et blanc posé sur une épaule.
A l'instar de nombreux agriculteurs de sa région, ce fermier a perdu la
plupart de ses grenadiers, abricotiers et noyers.
Aujourd'hui, il mise sur l'excédent hydraulique pour contribuer à redonner
vit à ses terres. "Je n'ai jamais vu des précipitations aussi importantes
que celles" de l'hiver dernier, se réjouit-il.
Par le passé, "nous devions creuser jusqu'à 150 m de profondeur pour
extraire l'eau. Cette année il a fallu 40 m pour que celle-ci jaillisse en
abondance".
- Pertes irrémédiables -
Les pluies, qui se sont poursuivies jusqu'en mai, ont nourri le fleuve de
Barada, qui arrose la Ghouta orientale.
Une aubaine là aussi pour les éleveurs, dont Bassam al-Laz, qui s'est saisi
de l'occasion pour revigorer son élevage.
"C'est la première année que les vaches se nourrissent directement des
herbes du terrain au lieu du foin que je leur achetais", dit l'éleveur âgé
de 50 ans.
La Ghouta orientale était connue "pour sa production agricole et
animale abondante", raconte-t-il, tout en trainant derrière lui deux
vaches vers un grand récipient métallique rempli d'eau.
Qu'il s'agisse d'oeufs, de légumes ou de "labneh" (préparation
traditionnelle à base de yahourt, NDLR), cela suffisait pour nourrir toute la
capitale, clame fièrement le quinquagénaire.
Marqué par les années de guerre, son visage se déride à chaque jet d'eau
jaillissant du puits ou encore à la vue des tiges vertes qui poussent et des
bourgeons qui parsèment son terrain.
S'il avoue ressentir une "joie débordante", il note toutefois
regretter les "pertes irrémédiables" dues au conflit. "Nous
avons perdu des oliviers vieux de plus de 500 ans", dit-il.
- "Poumon de Damas" -
Et, malgré les promesses du printemps, le chemin pour renouer avec les
années fastes semble encore long.
Au siège de la municipalité de Deir al-Asafir, le maire Ahmad al-Hassan
reçoit les doléances d'agriculteurs.
Il leur promet que "leurs terres redeviendront comme avant",
avant de noter dans un cahier leurs besoins en matière d'équipements.
"Les gens étaient déprimés et tristes malgré la fin de la
guerre", mais les pluies diluviennes les ont incités à reprendre leurs
affaires, commente ce responsable, qui décrit la Ghouta comme le "poumon
de Damas".