Affaire des écoutes : Nicolas Sarkozy sera jugé pour corruption
La justice a définitivement validé le renvoi devant le tribunal correctionnel de l’ex-président Nicolas
Sarkozy, poursuivi notamment
pour la « corruption » d’un haut magistrat de la
Cour de cassation dans cette affaire révélée par des écoutes téléphoniques, a
appris Le Monde mercredi 19 juin, confirmant une information
de l’Agence France-Presse.
La Cour de cassation a en effet rejeté
mardi les derniers recours formés par l’ancien chef de l’Etat, son avocat
Thierry Herzog et l’ex-haut magistrat Gilbert Azibert pour éviter un procès
pour « corruption » et « trafic
d’influence ». MM. Herzog et Azibert seront également
jugés pour « violation du secret professionnel ».
Ce procès, qui s’annonce comme une première
pour Nicolas Sarkozy, par ailleurs menacé par l’affaire Bygmalion, devrait se
tenir à Paris dans les prochains mois. Il s’agira du premier procès d’un ancien
président de la République pour corruption.
Pour une avocate de Nicolas Sarkozy, Me Jacqueline
Laffont, la Cour de cassation n’aurait toutefois « pas écarté les
moyens de droit »soulevés par la défense mais laissé au tribunal « le
soin de les trancher ». Selon elle, « ces questions de
droit restent donc d’actualité, notamment celle relative à
l’interdiction faite par la Cour européenne des droits de l’homme d’utiliser
contre un justiciable des retranscriptions d’écoutes téléphoniques avec son
avocat ».
Le téléphone secret de « Paul
Bismuth »
Dans son entourage, on ne se faisait plus
guère d’illusions sur l’issue de cette procédure depuis que le Parquet national
financier (PNF), en octobre 2017, avait rendu son réquisitoire. Dans un
document d’une grande sévérité pour les trois protagonistes de ce scandale, les
magistrats du PNF assuraient que l’enquête des juges avait « mis
en évidence des charges lourdes et concordantes à l’encontre de MM.Azibert,
Herzog et Sarkozy », allant jusqu’à comparer les méthodes utilisées
par l’ex-président et son avocat à celles de « délinquants
chevronnés » – notamment le recours, pour communiquer
confidentiellement, à la fausse identité de « Paul Bismuth »…
Comme l’avait indiqué Le
Monde en révélant l’affaire, le 7 mars 2014, les juges chargés de l’enquête sur un possible
financement illégal de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy
par le régime de Mouammar Kadhafi avaient découvert, en surveillant leurs
conversations sur la ligne officielle de M. Sarkozy, que ce dernier et son
avocat se parlaient aussi sur des téléphones portables « secrets »,
qui furent à leur tour placés sur écoute par les enquêteurs.
« Lors de leurs communications sur
cette ligne, synthétisait le PNF dans son
réquisitoire, certains de bénéficier de la clandestinité qu’elle devait
leur procurer, Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog ont abordé ensemble les moyens
d’obtenir des informations privilégiées sur une instance en cours devant la
Cour de cassation, portant, dans le cadre de l’affaire dite Bettencourt
instruite à Bordeaux, sur la validité de la saisie des agendas appartenant à
Nicolas Sarkozy. Ils ont régulièrement évoqué les moyens de tirer avantage de
la présence au sein même de la Cour de cassation d’un haut magistrat qui leur
était dévoué, rapidement identifié comme étant Gilbert Azibert, premier avocat
général à la deuxième chambre civile de la Cour. »
Selon les enquêteurs, en contrepartie d’informations
confidentielles qu’il se faisait fort d’obtenir au sein de la Cour de
cassation, M. Azibert espérait, grâce à l’appui de M. Sarkozy,
décrocher un poste de choix en principauté de Monaco – qu’il n’obtiendra
finalement pas.