L’émigration clandestine, l’autre face du terrorisme international
Dr Farid Khan
Expert en stratégie des affaires arabes et internationales
Le mouvement de l’émigration clandestine n’est pas à sens unique, à savoir
en direction des zones de combat en Syrie et en Irak en passant par la Turquie,
pour fournir des combattants à l’organisation terroriste Daech, et les groupes
terroristes ont œuvré à organiser des mouvements migratoires inverses pour
transférer leurs éléments vers l’Europe.
La communauté internationale reste perplexe sur la
réalité de la relation du terrorisme transcontinental et du crime organisé avec
le phénomène de l’émigration clandestine, et ses répercussions sur la sécurité
en Europe, hésitant entre la critique et l’approbation. Or, les choses se sont
compliquées après que ces organisations eurent exploité les questions
humanitaires en s’en servant comme couverture pour leurs activités et leurs
buts, ce qui a contraint l’Europe à changer de stratégie dans sa gestion du
dossier de l’émigration clandestine en le considérant comme un problème
politico-sécuritaire de première importance et non plus comme une question
« socio-économique ». Puis la situation s’est aggravée après les
tentatives de placer des éléments terroristes parmi les émigrés clandestins et
les réfugiés pour les implanter dans les pays européens, conformément à un plan
à long terme de l’organisation des Frères, qui vise à créer des groupes et des
centres de pression religieuse en Europe en y implantant ses éléments terroristes
qui acquièrent ainsi les nationalités européennes, et prennent le contrôle des
centres islamiques et des mosquées à travers les villes européennes.
Eu égard à ces menaces, l’émigration clandestine est le défi le plus
important auquel fait face le continent européen à l’heure actuelle, voire
certains experts le placent en tête des problèmes qui menacent l’existence même
de l’Union européenne, étant donné les divergences entre ses Etats membres sur
le dossier de l’émigration clandestine et de l’intégration des émigrés.
Celui qui étudie de près la situation sécuritaire dans le monde aujourd’hui
remarquera que le terrorisme cherche à s’implanter en Europe pour y réaliser
ses objectifs et ses programmes qui ne s’accordent pas avec le mode de vie de
l’individu dans ces pays et s’opposent aux droits de l’homme, outre sa
contribution indirecte à la promotion des intérêts de pays qui soutiennent ces
idées extrémistes comme la Turquie, le Qatar ainsi que l’organisation des
Frères en Afrique du Nord, et al-Qaïda dans les pays du Maghreb arabe.
Etant donné la diffusion de l’idée de « sécurité sociale » en
Europe, du fait de la relation de l’émigration clandestine avec le crime et le
terrorisme, ce papier va explorer l’enracinement du projet d’exportation du
terrorisme en Europe par le biais des flux migratoires clandestins que les
organisations terroristes sont arrivées à contrôler de manière directe ou
indirecte.
Les étapes de criminalisation de l’émigration clandestine en Europe
La nouvelle situation internationale, caractérisée par des blocs et des
alliances, subit aujourd’hui des changements divers à tous les niveaux, des
Etats aux individus en passant par les organisations, et peut-être le plus
visible de ces changements qui affectent les relations internationales et les
relations bilatérales en particulier est-il le terrorisme international et le
phénomène de l’émigration clandestine.
Cette dernière s’échelonne entre les années trente et soixante du siècle
dernier[i],
à un moment où le Vieux continent était à la recherche de main d’œuvre, c’est
pourquoi la criminalisation de l’émigration clandestine sur ses terres n’eut
pas lieu de manière claire et directe, et il faut attendre le début des années
soixante-dix pour que les pays européens réalisent la suffisance en
main-d’œuvre, ce qui les pousse à prendre des mesures juridiques visant à
limiter l’émigration clandestine. Ces mesures se renforcent avec le début de l’application
de l’accord Schengen en juin 1985.
C’est en 1988 que la
presse européenne mentionne la première victime de l’émigration clandestine,
noyée en Méditerranée, qui marque le début du problème de l’émigration
clandestine, avant que ne se succèdent les informations internationales
relatives aux drames successifs survenus sur la rive sud de l’Europe,
comprenant de grands pays industriels que l’on pensait être une forteresse
imprenable face à l’entrée des clandestins, après l’imposition de visas aux ressortissants
de pays maghrébins, africains et arabes.
Malgré les mesures prises
pour limiter le phénomène de l’émigration clandestine, elle augmenta à nouveau
après 1990, année qui vit l’élargissement de l’Union européenne.[ii]
Ces mesures eurent un
impact négatif et conduisirent à l’augmentation du flux migratoire clandestin
vers le continent européen et cela par la porte orientale de l’Europe :
Pologne, Russie, Ukraine, ou la porte des Balkans, pour en arriver à l’option
préférée chez nombre d’Africains, à savoir la porte hispano-marocaine par le
détroit de Gibraltar.
Le dossier de l’émigration
clandestine devint le centre d’intérêt des milieux décisionnaires d’Europe mais
les efforts d’élaboration d’une politique européenne unifiée ne se
manifestèrent que durant le Sommet de Salonique le 19 juin 2003[iii], qui se tint dans le
cadre des développements politiques et intégrationnistes au sein de l’Union
européenne, après l’approbation de la constitution unifiée et des nouvelles
structures de l’Union, et des droits relatifs à l’élargissement à l’est dans
l’avenir. Ce sommet tenta de déterminer des critères unifiés pour les pays de
l’Union, permettant de faire face à l’émigration clandestine et à soumettre
l’entrée dans l’Union à des conditions précises, mais il échoua en cela à cause
des divisions entre les Européens sur la question de l’évaluation du sujet de
l’émigration et de son importance pour les économies européennes.
Ce phénomène devint lié à
la sécurité européenne surtout après les événements du 11 septembre, où
l’émigration fut considérée comme une menace pour les pays européens et où l’on
commença à arrêter le flux croissant d’émigrés clandestins. Cette question fut
ainsi inscrite par la suite en tête des priorités politiques des Etats, et en
particulier de ceux de l’Union européenne, qui tentent de faire face aux menaces
par l’élaboration de nombreuses stratégies et de mécanismes sécuritaires,
politiques et économiques pour protéger leur sécurité.
Et du fait de
l’augmentation des dangers du lien des réseaux de migrants clandestins avec les
organisations terroristes, et en particulier Daech[iv],
l’Union européenne a lancé une opération militaire[v] sous le nom
« Sofia » pour combattre les bateaux transportant les immigrants, à
laquelle participent des navires de guerre européens dont le but est d’arrêter
les immigrants clandestins et de les fouiller pour s’assurer qu’il n’y a pas de
terroristes parmi eux.
Cette opération a été
lancée sur la base de rapports indiquant que Daech avait noué des relations
étroites avec les réseaux actifs dans le transport des migrants clandestins,
voire avait réussi à créer des réseaux d’émigration qui lui soient propres[vi], pour réaliser deux
buts : le premier étant lié à la recherche de sources de financement et le
second étant de permettre à ses éléments de s’infiltrer en Europe pour
perpétrer des attaques terroristes. En effet, avec l’encerclement croissant de
l’organisation en Irak et Syrie et la perte des territoires qu’elle contrôlait,
elle a recouru à l’exploitation de l’émigration clandestine pour compenser ses
pertes.
Les pays européens
craignent que Daech n’ait réussi jusqu’aujourd’hui à faire émigrer un groupe
d’individus susceptibles de menacer la sécurité des sociétés européennes et de
réaliser de nouvelles attaques, et cette hypothèse a été confortée par le fait
que les services de sécurité espagnols ont incarcéré le 23 novembre 2016 dans
la province de Galice deux Algériens de Daech, après avoir prouvé leur
implication dans ce trafic, et les enquêtes ont confirmé l’hypothèse selon
laquelle ils étaient responsables de l’émigration de certains individus qui
avaient exécuté la série d’attaques terroristes à Paris le 13 novembre 2015, en
particulier dans les 10e et 11e arrondissements,
au théâtre du Bataclan, et dans les rues Bichat, Alibert et de Charonne où
trois attaques suicides ont eu lieu, dans le périmètre du Stade de France à
Saint-Denis dans la banlieue nord de Paris, outre une autre attaque suicide et
une série de tueries collectives à l’arme à feu dans quatre endroits
différents.
L’Espagne affirme que des
exemples existent déjà du lien entre l’émigration clandestine et le terrorisme
et l’extrémisme en Europe.
Et avec la diffusion des
informations sur le retour des combattants étrangers dans leur pays d’origine,
les craintes des pays européens se sont renforcées, ce qui pose un défi plus
grand aux services de sécurité européen. En effet, le nombre de citoyens
européens étant allés combattre aux côtés de Daech est de 7000 environ[vii], mais tous ne rentrent
pas de façon légale, ce qui permettrait de les surveiller, et les craintes à
propos de ces gens sont relatives aux intentions de l’organisation, qui pense
pouvoir compenser ses pertes et la perte de « l’Etat » en s’orientant
progressivement vers la clandestinité et l’expansion horizontale, au niveau des
pays européens.
La Turquie, le Qatar et
l’organisation des Frères… un plan de transfert du terrorisme en Europe
Les organisations
terroristes, les groupes extrémistes et les Etats les parrainant ont adopté une
voie spécifique pour appliquer leurs politiques visant à imposer la pensée
unique refusant toute discussion, et considèrent qu’ils ne peuvent réaliser
leurs buts sans recourir à la violence et au terrorisme[viii], c’est pourquoi ils ont
élaboré une nouvelle stratégie, à savoir le transfert de leurs éléments
terroristes vers l’autre rive, à savoir l’Europe.
Ces organisations comme
Daech et al-Qaïda sont un sous-produit du groupe des Frères qui vise à dominer
les ports les plus importants pour permettre le départ des migrants clandestins
pour l’Europe, et c’est ainsi que nous trouvons les milices des Frères à
l’ouest de la Libye et le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan en Turquie, et
il ne fait pas de doute que l’instabilité sécuritaire à l’ouest de la Libye, où
le gouvernement d’entente nationale dirigé par Faiz as-Sarraj est au pouvoir, a
permis aux milices terroristes de dominer le trafic de transfert d’êtres
humains vers l’Europe à partir de l’Afrique, et de gagner ainsi des centaines
de millions de dollars, tout en introduisant des éléments terroristes parmi les
réfugiés pour les implanter en Europe, ce qui est un plan à long terme de
l’organisation des Frères révélé par des spécialistes du terrorisme lors d’un
colloque à Madrid ayant discuté les dangers du soutien du Qatar au terrorisme,
les Frères cherchant à créer des groupes de pression religieuse en Europe en y
implantant ses éléments terroristes qui obtiennent ainsi les nationalités
européennes et dominent les centres islamiques et les mosquées répandues dans
les villes européennes,[ix] et alors que les
autorités turques et les milices des Frères supervisent les transferts des
éléments terroristes en Europe, les Qataris se chargent de verser des millions
d’euros aux éléments des organisations terroristes en Europe, dont la plus grande
partie provient du commerce d'êtres humains et des sommes prélevées sur les
migrants clandestins.
Le mouvement des réfugiés
et des terroristes n’était pas à sens unique de la Turquie vers l’Europe, et
les groupes terroristes ont œuvré à exploiter les voies d’émigration
clandestine dans les deux sens, et ont pu organiser des migrations inverses qui
ont transféré des milliers de terroristes des pays européens vers les zones de
combat en Syrie et en Irak, et au milieu de tout cela, des instances turques
influentes ont élaboré un système d’émigration des réfugiés et des terroristes
en même temps, qui leur ont permis de soutenir les organisations terroristes
alliées et le Qatar avec des milliers de combattants, par l’organisation
directe de l’entrée en Syrie ou l’adoption de la politique des frontières
ouvertes.[x]
La Turquie est restée la
porte d’entrée et de sortie de dizaines de milliers de terroristes ayant
combattu dans les rangs de Daech, ainsi qu’un passage sûr pour le retour des
terroristes ayant exécuté ou planifié des attaques en Europe, comme
« Hayat Boumédienne », femme du terroriste Amédy Coulibaly, auteur de
l’attaque d’un magasin juif à Paris en 2015, accusée d’être impliquée dans deux
attaques terroristes à Paris, et qui est sortie de France en passant par la
Turquie, pour aller rejoindre les terroristes de Daech en Syrie.
Tout cela a amené l’Union
européenne à prendre conscience du rôle central de la Turquie dans les
mouvements migratoires des réfugiés et les déplacements des terroristes, et à
faire pression sur Erdogan pour qu’il mette fin à l’afflux d’immigrants en
Europe.
La Turquie reste, avec le
Qatar, le premier et plus important refuge pour les éléments des organisations
terroristes dans le monde, à travers lesquelles ils espèrent dominer les pays
arabes et musulmans et ébranler leur stabilité, appliquant ainsi l’idéologie
destructrice de l’organisation des Frères.
Et bien qu’Ankara ait
signé un accord limitant l’émigration clandestine entre l’Union européenne et
la Turquie, Erdogan a continué de menacer l’Europe d’ouvrir les portes de
l’émigration à ceux qui le souhaitent, alors que la présence des terroristes de
Daech, d’al-Qaïda, d’an-Nosra et des Frères en Turquie reste une bombe entre
les mains d’Erdogan, avec laquelle il menace en permanence les pays européens.[xi]
Et malgré la guerre menée
par la coalition internationale contre Daech, et la lutte de tous les pays de
la région contre les terroristes, de nombreux pays sont persuadés que des
instances influentes en Turquie et au Qatar aident les terroristes à sortir de
Syrie et d’Irak pour se rendre dans des zones exemptes de dangers. Ainsi, des
pays européens ont enregistré le retour de terroristes en passant par la
Turquie, après leur affiliation de longue durée à Daech, la Libye étant, selon
des rapports de renseignements, leur destination privilégiée après le retour de
Syrie et d’Irak. Ces rapports affirment que les autorités qataries ont facilité
leur sortie de ces pays vers de nouveaux foyers d’activité. Quant au
porte-parole des forces armées libyennes, le colonel Ahmad al-Mismari, il a
déclaré que Daech, les branches des Frères et les organisations dépendant
d’al-Qaïda s’étaient alliées en Libye pour répandre l’extrémisme, affirmant que
le Qatar transférait en Libye via la Turquie les combattants de Daech en Syrie
et en Irak. C’est aussi ce qu’a révélé le journal français Drouillet Info dans
un rapport du 31 décembre 2017, qui affirme que la Libye est devenue la
nouvelle destination de l’organisation Daech, avec l’aide du Qatar et de la
Turquie, et rapporte des déclarations du chef d’état-major russe Valéri
Guérassimov selon lesquelles un grand nombre d’éléments de Daech en Syrie et en
Irak avaient été déployés en Libye de manière visible, et que des membres de
l’organisation étaient effectivement arrivés par le biais d’un réseau
international dirigé par le Qatar qui a également facilité l’entrée des fonds
et des armes en Libye.[xii]
La cinquième colonne au
profit des organisations terroristes d’Europe
Après le retrait de Daech
de certaines zones, nous constatons que les migrants qui s’étaient transformés
en terroristes ou au moins avaient rejoint des organisations à activités
terroristes ont commencé à retourner dans leurs pays d’origine en Europe en
pensant qu’il s’agissait d’une émigration légale pour servir leur prétendu
« Etat », car ils n’ont pas laissé le pays du « califat »
comme ils l’appellent à cause d’une déception, mais dans le but de réaliser des
attaques dans leurs pays d’origine, et ils sont devenus ainsi une cinquième
colonne au profit de Daech en Occident.[xiii]
Des milliers de migrants
clandestins de Syrie, de Libye, d’Afghanistan, d’Irak, du Pakistan, du Nigéria
et d’ailleurs parviennent ainsi en Europe. Or, tous ces pays sont liés au
terrorisme et cela n’est pas un hasard, mais il y a une explication plus
pessimiste, à savoir celle de l’existence d’un plan turc et qatari par le biais
de leurs bras terroristes et à leur tête l’organisation des Frères qui cherche
à exploiter l’émigration clandestine pour qu’elle soit le « cheval de
Troie » dans la guerre menée par les organisations terroristes en Europe.[xiv]
Tout au long des deux
décennies précédentes, l’émigration clandestine a causé du souci aux pays de
l’Union européenne à cause de l’afflux de milliers de migrants souhaitant
parvenir à la rive nord de la Méditerranée, et elle était alors traitée d’un
point de vue purement humanitaire, étant donné les problèmes socio-économiques
et juridiques qu’elle suscitait à l’intérieur des pays européens, mais depuis
l’explosion de la situation en Syrie, et l’apparition de Daech, c’est l’aspect
sécuritaire qui a imposé la façon d’affronter l’émigration clandestine, et
l’anarchie qui a envahi la Libye a augmenté les craintes européennes, et les
milices des Frères et les combattants de Daech se sont emparés de la ville
littorale de Syrte située face aux côtes italiennes, et qui est le passage le
plus important utilisé par l’organisation pour faire émigrer les gens.
En effet, Syrte se trouve
sur une bande côtière d’environ 150 kms, et elle est considérée comme un passage
privilégié pour les candidats à l’émigration clandestine depuis les années 90
du siècle dernier, lorsqu’apparut ce phénomène dans les pays du sud de la
Méditerranée. Mais elle est devenue aujourd’hui l’un des éléments essentiels
dans le plan terroriste de Daech et des Frères, et la Libye l’un des points de
passages privilégiés des réseaux travaillant dans le domaine de l’émigration
clandestine[xv], par le biais de canaux
pneumatiques transportant des dizaines de migrants vers les côtes italiennes et
maltaises, ainsi que vers l’ouest de la Méditerranée en direction de l’Espagne
et l’est de la Turquie en direction de la Grèce.
Parallèlement aux
résultats, même partiels, réalisés par les forces irakiennes dans leurs
opérations contre Daech et leur dispersion des terroristes de l’organisation,
les Européens sont en proie à de nouvelles craintes concernant des scénarios
qui pourraient être plus dangereux encore que la concentration de
l’organisation dans son « Etat » autoproclamé en 2014. Et avec le
temps, l’hypothèse d’une transformation de cette concentration en expansion
selon les divers axes de menace terroriste est devenue un sujet de
préoccupation. Et ce qui confirme cette hypothèse, c’est que parmi les
personnes impliquées dans la plupart des opérations terroristes visant des pays
européens figuraient des étrangers étant partis combattre avec les
organisations terroristes ou ayant suivi des entraînements dans un asile sûr
pour terroristes. Et une estimation des deux tiers est un chiffre faible car
les terroristes multiplient les précautions pour dissimuler leurs liens, et
dans les derniers cas, on n’a découvert l’implication des terroristes qu’après
des semaines ou des mois d’enquêtes.
Et ces terroristes
expérimentés étaient suspectés, impliqués ou avaient incité aux dizaines
d’opérations terroristes qui avaient été déterminées. Et la moitié de ces cas
comprenaient des combattants étrangers revenus dans leur pays après avoir été
formés dans des camps d’entraînement dépendant des organisations terroristes
pour exécuter à leur tour des attaques.
C’est ainsi que l’Europe a
été témoin récemment d’une série d’attaques terroristes comme ce qui est arrivé
en France en 2015, ou en Allemagne en 2016. La première attaque fut exécutée
par un migrant afghan qui a poignardé cinq personnes à bord d’un train, et la
seconde par un migrant syrien qui s’est fait exploser, blessant 12 personnes.
Le Danemark fut également
touché en février 2015, lorsqu’un homme tira sur la foule lors d’une conférence
sur le thème de la liberté d’expression, à Copenhague, tuant une personne et
blessant trois policiers, avant d’attaquer une synagogue, tuant une personne et
blessant deux policiers.
Les enquêtes ont montré
que les auteurs de ces crimes étaient pour la plupart des migrants qui
s’étaient infiltrés en Europe durant la seconde moitié de 2014, soit après la
proclamation de « l’Etat islamique » (Daech). Avant cette date,
l’émigration clandestine était dirigée vers les zones de conflit comme la Syrie
et l’Irak, ce qui fut connu sous le nom de « moyens d’assistance à
l’organisation terroriste », et après la proclamation de
« l’Etat », on commença à planifier l’envoi d’éléments terroristes
dans les pays européens pour être utilisés comme moyens de pression par les
Etats qui financent le terrorisme et aussi pour diminuer la pression sur
l’organisation dans les zones de confrontation militaire. Il est également
apparu que des migrants résidant depuis longtemps en Europe figuraient parmi
les auteurs de ces opérations, ce qui indique que le problème réside dans
l’absence d’intégration des migrants légaux dans les sociétés européennes.
Egalement, si les émigrés
ne sont pas intégrés aux sociétés hôtes, il peut naître en eux un sentiment de
dépit et si à cela s’ajoute la colère, ils peuvent se retourner – ou en général
leurs fils – contre les sociétés d’accueil. Cela explique que nombre de
combattants étrangers en Europe sont en réalité des fils d’immigrés[xvi].
La probabilité qu’un réfugié d’Europe de l’ouest se transforme en extrémiste
est faible, mais il y a le danger que les émigrés résidant en Europe soient
utilisés de façon illégale, et enrôlés par des criminels, des terroristes ou
des « réseaux hybrides » composés de ces deux types de personnes, et
le dépit face à une société qui refuse de les accepter peut inciter certains
d’entre eux à se lancer dans des actes de violence politique.
Conséquences de
l’émigration clandestine sur la sécurité de l’Europe
Les menaces qui pèsent sur
la sécurité varient en général selon la période de temps, le lieu, le type de
menace et sa source. De nombreux chercheurs distinguent deux types principaux
de menaces pour la sécurité européenne, qui eux-mêmes se subdivisent en
d’autres types : tout d’abord, des menaces qui concernent l’aspect
interne, comme la diffusion du crime, l’augmentation des actes de violence et
de haine, la régression des capacités sécuritaires internes, les divergences
politiques entre pays de l’Union et les conflits sociaux, la sécurité des
informations, la guerre électronique, les crises économiques, la diminution du
nombre d’habitants et le déséquilibre de la pyramide sociale.
Ensuite, une menace
externe dont la plus visible récemment est peut-être la tentative des
organisations terroristes de transférer leurs opérations du côté européen par
le biais de l’émigration clandestine.
Le phénomène de l’immigration
clandestine et ses diverses conséquences sont liés aux problèmes de sécurité et
aux crises résultant du déséquilibre provoqué par le fait de ne pas l’avoir
traité ni cherché à le limiter. Car l’émigration clandestine a eu un impact sur
la stabilité de l’Europe, ce qui a entraîné une désorganisation de la sécurité
européenne.
Etant donné le lien entre
l’émigration et le crime et le terrorisme[xvii], l’Europe est consciente
qu’un changement a eu lieu dans le phénomène du crime organisé dans la région
méditerranéenne, du fait que le trafic d’êtres humains (émigration clandestine)
est plus rentable et plus sûre que le trafic de drogue. En effet, le succès de ce
dernier est lié à l’arrivée de la marchandise en Europe, tandis que pour le
trafic de migrants, ses organisateurs ne garantissent que le départ, et peu
leur importe si l’arrivée à lieu ou si le bateau fait naufrage.
C’est là que réside le
problème de l’Europe. Car si elle n’intervient pas, des migrants vont trouver
la mort à proximité de ses côtes, et si elle intervient, elle aura soutenu les
réseaux de trafiquants de migrants sur la rive sud de la Méditerranée qui
enverront davantage de canots de la mort.
D’autre part, la forme que
prend l’extension de l’organisation Daech en se rapprochant des frontières
européennes est un facteur supplémentaire faisant craindre que cela ne facilite
son contrôle sur la mer et son infiltration en Europe, ou le fait qu’elle
intercepte ses vaisseaux traversant la Méditerranée. C’est ce à quoi a fait
allusion l’ex-premier ministre français Manuel Valls en marge de la conférence
des socio-démocrates européens à Madrid le 22 février 2015, lorsqu’il a
dit : « Le terrorisme est arrivé aux portes de l’Europe, et la menace
est devenue grave et sérieuse ». Autre raison de crainte des
Européens : les documents découverts par des organisations internationales
dont l’organisation britannique Kwiliam de lutte contre l’extrémisme, qui révèlent
que l’organisation va se diriger vers l’Europe dans le but d’exécuter des
opérations sur son territoire, et cela en envoyant des djihadistes dans des
canots transportant des émigrés clandestins, surtout que la distance séparant
la Libye du littoral sud de l’Italie ne dépasse pas 350 kms.[xviii]
Conclusion
On qualifie notre siècle
de « siècle de la technologie », mais sans exagérer beaucoup, nous
pourrions le qualifier de siècle du terrorisme, et en s’approchant davantage de
la réalité, on pourrait le qualifier de siècle de l’émigration, et en général,
on pense à l’émigration comme le fait pour des gens de traverser des
frontières, mais en examinant de plus près l’émigration clandestine, on
constate qu’elle est exploitée par des organisations terroristes et des pays
qui les parrainent, tout cela pour transmettre leurs maux à l’autre rive et
terroriser les gens avec des opérations où la violence est pratiquée d’une
façon aveugle et horrible.
C’est pourquoi les pays
européens doivent surveiller les frontières pour empêcher l’entrée des
terroristes, ce qui est légitime. Mais l’efficacité de cette surveillance est
entravée par le fait que nombre de terroristes « locaux » ou
étrangers possèdent des permis de séjour légaux, de telle sorte que le
terrorisme est importé parfois non pas par des étrangers, mais par des citoyens
européens, qui deviennent plus extrémistes lorsqu’ils voyagent à l’étranger, ce
qui limite l’efficacité des opérations de régulation de l’émigration pour
empêcher le terrorisme. Malgré cela, le recours à ces opérations a augmenté
pour réguler l’émigration clandestine.
D’un autre côté, établir
un lien direct ou indirect, apparent ou caché, entre l’émigration clandestine
et le terrorisme provoque la colère et l’inquiétude chez les émigrés et attise
leurs sentiments hostiles à l’Etat. Dans ce cas, l’hostilité aux étrangers
augmente parallèlement à la probabilité de conflits entre les secteurs de la
société. C’est pourquoi établir un équilibre entre les droits de l’homme et la
sécurité n’est pas une mission facile pour les gouvernements qui cherchent à
renforcer la sécurité, et les émigrés n’ont pas en général une situation
favorable dans leurs pays d’origine, et les organisations terroristes
exploitent cet état de choses.
Il y a d’autres façons de
lutter contre le transfert du terrorisme par le biais de l’émigration
clandestine vers l’Europe, dont les dommages collatéraux sont bien moindres que
ceux des mesures légales et sécuritaires prises par l’Union européenne :
il s’agit de la lutte contre l’idéologie des organisations terroristes et leur
infrastructure, et du fait de traiter sévèrement les pays qui soutiennent
l’extrémisme et le terrorisme, et selon moi de tels choix sont plus prometteurs
que la surveillance des mouvements de tous les individus en espérant mettre la
main sur quelques terroristes parmi eux.
[i] Mohammad Azhari Saïd as-Sammak, Géographie du monde arabe
d’un point de vue contemporain, Dar al-Amal, Jordanie, 1ère éd.,
2000, p. 86.
[ii] Elali Hakima, Les paris sécuritaires en Méditerranée,
Revue algérienne de la sécurité et du développement, Alger, Université de
Batna, Faculté de droit et de sciences politiques, département de sciences
politiques, numéro 2, 2002, p. 42.
[iii] Conseil de l’Union européenne, Thessalonique, 19 et 20
juin 2003.
[iv] Bularas Bulam et Jababla Farid, le crime organisé et le
terrorisme international, revue de l’Armée, Alger, Organisme des publications
militaires, 2017, p. 23.
[v] Idem, p. 45.
[vi] Le continent européen va-t-il fermer ses frontières face
aux réfugiés ? Al-Arabiy al-Jadid, 4 mars 2016.
[vii] Hayel Abdel Mula Tachtuch, la sécurité nationale et les
éléments de la force de l’Etat dans le cadre du nouvel ordre international, Dar
al-Hamid pour la publication et la distribution, Omman, 1e éd.,
2017, p. 155.
[viii] Patrick Debuck, l’Union européenne, l’expérience et
les défis, colloque de l’Union européenne, Académie Nayef pour la sécurité,
Riyad, 6/6/2006, pp. 1-3.
[ix] Colloque de Madrid, le Qatar verse 125 millions d’euros
aux Frères d’Europe et aide le terrorisme, al-Arab al-Londoniya, 26 octobre
2017.
[x] Colloque de Madrid: source précédente.
[xi] Conférence “le Qatar et les coulisses des crises au
Moyen-Orient, CEMO, Paris, 6 octobre 2017.
[xii] Doha utilise Daech pour provoquer la sédition en Libye,
Revue émiratie al-Ittihad, 31 décembre 2017.
http://www.alittihad.ae/details.php?id=116&y=2018
[xiii] Hamzawi Guwayda, la conception sécuritaire européenne:
vers une structure sécuritaire complète et une identité stratégique en
Méditerranée, mémoire de Magistère en sciences politiques, Université de Batna,
Faculté de droit et de sciences politiques, 2016, p. 121.
[xiv] Abdel Fattah Abdel Kafi Ismaïl, le terrorisme et la façon
de le combattre dans le monde moderne, Dar Huma pour l’impression, la publication
et la distribution, Alger, 2016, p. 82.
[xv] La Libye, point de départ de l’émigration clandestine
vers l’Europe, al Quds al-Arabiy, 22 avril 2015.
[xvi] Hamzawi Guwayda, La conception sécuritaire européenne,
source précédente, p. 133.
[xvii] Linda Akroum, l’impact des nouvelles menaces sécuritaires
sur les relations entre les pays du nord et du sud de la Méditerranée,
Université de Biskra, Faculté de droit et de sciences politiques, département
de sciences politiques, 2010, p. 43.
[xviii] Le continent européen
va-t-il fermer ses frontières face aux réfugiés ? L’Arabe nouveau, 4 mars
2015. Sur le lien : http://www.alaraby.co.uk/politics/3/3/2015