Sadek al-Mahdi, le leader de l'opposition au Soudan, a réclamé, vendredi 14 juin, une enquête internationale sur la répression meurtrière début juin d'un sit-in de milliers de manifestants à Khartoum, après le rejet par les militaires au pouvoir d'une telle investigation.
Côté américain, le secrétaire d'État adjoint chargé de l'Afrique, Tibor Nagy, a lui aussi appelé à une enquête. "Les États-Unis sont convaincus de la nécessité d'une enquête indépendante et crédible" pour établir les responsabilités de ces "événements monstrueux", a déclaré Tibor Nagy depuis la capitale éthiopienne Addis Abeba, à l'issue d'une visite de deux jours à Khartoum.
Samedi, lendemain de la requête, le porte-parole de la commission d'enquête militaire sur la dispersion du sit-in, Abderrahim Badreddine, a indiqué à la télévision d'Etat que son rapport n'était pas finalisé.
Il a toutefois révélé des conclusions préliminaires selon lesquelles "des officiers et des soldats sont entrés sur les lieux du sit-in sans l'ordre de leurs supérieurs". Ils "ne faisaient pas partie des troupes qui devaient mener l'opération à Colombia".
Quelque 120 personnes tuées depuis le 3 juin
Le Conseil militaire à la tête du pays depuis la destitution du président Omar el-Béchir le 11 avril, avait reconnu jeudi avoir ordonné la dispersion le 3 juin d'un sit-in de manifestants devant le QG de l'armée dans la capitale soudanaise.
Selon un comité de médecins proches de la contestation, quelque 120 personnes ont été tuées dans la répression depuis le 3 juin, la plupart dans la dispersion du sit-in. Les autorités ont parlé elles de 61 morts.
La répression a eu lieu après la suspension de négociations entre dirigeants militaires et meneurs de la contestation. Le Conseil militaire a dit regretter que "des erreurs se soient produites".
"Une enquête internationale indépendante devrait être lancée" sur la dispersion du sit-in, a déclaré à l'AFP Sadek al-Mahdi après avoir effectué la prière du vendredi dans une mosquée à Omdourman, ville voisine de Khartoum.
"Il est important que l'enquête soit impartiale et qu'elle n'affiche pas de parti pris en faveur des autorités", a ajouté l’ex-chef de gouvernement, renversé par Omar el-Béchir lors d'un coup d'État en 1989.
Le parti al-Oumma de Sadek al-Mahdi fait partie de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), regroupant les principales formations de la contestation qui réclament un transfert du pouvoir aux civils.
"Nous sommes un État souverain"
Les dirigeants militaires ont eux refusé une telle enquête. "Nous n'acceptons pas (l'idée) d'une commission d'enquête internationale. Nous sommes un État souverain", a déclaré jeudi à des journalistes le général Chamseddine Kabbachi, porte-parole du Conseil militaire.
Tout en regrettant les incidents du 3 juin, il a assuré que le plan était seulement de dégager une zone près du sit-in mais que des "excès" avaient eu lieu. Il a affirmé que les militaires menaient leur propre enquête, dont les résultats doivent être dévoilés samedi.
Sur le plan politique, les leaders de la contestation et les dirigeants militaires ont accepté de reprendre les pourparlers après une médiation menée par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.
Sadek al-Mahdi estime que cette médiation "peut avoir un impact positif". "À terme, le Conseil militaire ne peut pas gouverner, c'est clair, et les forces civiles ne peuvent pas parler d'un avenir excluant la participation du Conseil militaire", a-t-il estimé.