Soudan: les militaires appellent de nouveau les civils à la négociation
Depuis le 3 juin et le démantèlement dans le sang du
sit-in à Khartoum, le dialogue est totalement rompu au Soudan. Selon les
putschistes, les pourparlers peuvent reprendre. Mais les soldats restent
intransigeants sur certains points.
Le Conseil
militaire de transition (CMT) a fermement rejeté, jeudi lors d'une conférence
de presse, plusieurs exigences des civils pour une reprise du dialogue. Sur la
coupure d’internet, les soldats estiment que les réseaux sociaux véhiculent
trop de fausses informations, parfois dangereuses. Pas question de rétablir la
connexion.
L’enquête
internationale sur le massacre du 3 juin ? Le CMT juge le bureau du procureur
suffisamment compétent. Les conclusions sont attendues peut-être samedi.
Sur les
raisons du bain de sang, les putschistes présentent une version difficile à
croire : le démantèlement du quartier chaud de Colombia aurait dégénéré
car des militaires ont désobéi aux ordres ou se sont trompés d’endroit. Une
version contredite par de multiples témoignages et vidéos.
Autre
demande des civils : que les soldats et notamment la milice FSR (Forces de
soutien rapide) quittent les rues. Le Conseil militaire de transition répond
que la sécurité est sa prérogative. Il ne laissera personne interférer dans la
sécurité du pays.
Les
putschistes ont d’ailleurs évoqué des coups d’État. Deux tentatives auraient
selon eux été déjouées. Un groupe de cinq soldats et un autre d’une quinzaine
ont été mis aux arrêts. Ils étaient soit favorables à l’ancien régime, soit
favorables aux civils. Le CMT accuse même des politiques, parfois membres de
l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), d’être les commanditaires.
Malgré cette
intransigeance, les militaires tendent de nouveau la main. Selon eux, les
conditions minimales pour la reprise d’un dialogue direct sont bien là. La
communauté internationale pousse d’ailleurs en ce sens, notamment le secrétaire
d’État américain chargé de l’Afrique.
Les États-Unis pas vraiment entendus
Tibor Nagy
vient de passer 24 heures à Khartoum. Les demandes du diplomate américain
correspondent aux exigences préalables des civils pour reprendre un dialogue
direct. Le secrétaire d’État adjoint a demandé au Conseil militaire un arrêt
complet des attaques contre les civils, un retrait total des soldats encore dans
les rues, une enquête indépendante sur le massacre du 3 juin et la remise en
route d’internet.
L’appel n’a
donc visiblement pas ému le CMT si l'on en croit les déclarations des
militaires lors de la conférence de presse jeudi soir. « L’Amérique est un grand pays qui nous a donné des conseils »,
a simplement déclaré le général Chamseddine Kabbachi, porte-parole du Conseil
militaire.
Bref, les
États-Unis ne sont pas encore accueillis à bras ouverts à Khartoum, eux qui ont
maintenu le Soudan sous sanctions pendant 20 ans.
Pour
l’instant c’est la médiation éthiopienne qui semble faire des progrès. Selon le
CMT, Addis-Abeba a permis d’instaurer un minimum de confiance pour une reprise
du dialogue direct. Les putschistes demandent d’ailleurs au médiateur de lancer
un nouvel appel pour que les civils rejoignent la table des négociations. Les
militaires ajoutent que l’Éthiopie et l’envoyé spécial de l’Union africaine
travaillent ensemble et devraient faire des propositions la semaine prochaine.