Transition politique.Soudan : les militaires admettent avoir ordonné la répression sanglante des manifestants
Alors que les discussions ont repris jeudi pour fixer le cadre d’une transition démocratique durable et pacifique, les généraux au pouvoir ont finalement admis avoir ordonné, début juin, la dispersion sanglante d’un sit-in de manifestants.
Middle East Eye rappelle que “plus de 100 manifestants ont été tués dans l’opération, et que des
témoins ont raconté avoir vu, pendant l’attaque, des corps jetés dans le Nil.
Des cas de viols ont également été rapportés”.
Selon le site, le porte-parole du Conseil
militaire de transition – au pouvoir depuis la destitution du président Omar
Al-Bachir, en avril – a déclaré : “Nous exprimons à nouveau nos regrets
pour ce qui s’est passé. Il y a eu des erreurs dans le plan des responsables
militaires, et des fautes graves ont été commises.”
Le porte-parole, Chamseddine Kabbachi, “a également exprimé sa compassion à l’égard des manifestants tués,
les qualifiant de ‘martyrs de la révolution’ ”, précise Middle East Eye.
Jeudi toujours, le parquet soudanais a
annoncé avoir terminé son instruction sur les malversations financières d’Omar
Al-Bachir et l’a inculpé pour corruption, rapporte Al-Jazira. L’ancien président,
emprisonné depuis sa destitution et déjà poursuivi pour meurtre, n’est
cependant pas près d’être jugé, “car il pourrait désigner chaque membre
du Conseil militaire et énumérer ses crimes”, estime un expert
interrogé par la chaîne qatarie.
“Si Al-Bachir a été inculpé pour corruption,
c’est parce que le Conseil militaire de transition essaie de détourner
l’attention de sa propre corruption”, assure Eric Reeves, chercheur spécialisé dans le Soudan à
l’université de Cambridge. “Plus ils peuvent charger Al-Bachir et
déclarer qu’ils incarnent la relève, plus ils peuvent s’imaginer installer un
pouvoir militaire permanent.”
En
finir avec la violence
Ces développements surviennent alors que les discussions sur la transition démocratique ont repris, pilotées par l’Union africaine (UA) et l’émissaire américain Donald Booth. Militaires et manifestants ne se parlent plus depuis le 20 mai, mais les diplomates négocient avec chaque partie séparément.
À en croire
l’agence de presse soudanaise Suna, les discussions menées par l’UA“avancent bien”. Devant la presse, l’émissaire de
l’organisation, Mohamed Al-Hassan Labbat, s’est même déclaré “raisonnablement optimiste”.
La pomme de discorde entre le Conseil
militaire et l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, reste la
répartition du pouvoir dans les futures instances. L’ALC réclame un pouvoir civil dans les plus brefs délais – à l’unisson
des États-Unis – tandis que les militaires veulent continuer à piloter
la transition.
Selon
le Sudan Tribune, “le Conseil militaire est déterminé à ce que la présidence du
Conseil souverain (le futur exécutif de la période de transition) revienne aux
militaires et non aux civils”, jugeant que “la situation sécuritaire du pays l’exige”.
Dans une colonne d’opinion publiée dans le Washington
Post, le journaliste Reem Abbas estime que la priorité est
d’en finir avec la violence qui ravage le pays.
“Nous ne pourrons pas commencer à panser les plaies
de décennies de conflits si les milices sont encore dans les rues et que nous
sommes sous la coupe d’un pouvoir autoritaire, écrit-il. Le
Darfour c’est Khartoum et Khartoum c’est le Darfour, et tout le Soudan doit
maintenant s’unir contre la violence qui nous frappe – que ce soit avec nos
stylos, nos barricades, nos voix, nos smartphones ou tout autre moyen pacifique
à notre disposition.”