Au Soudan, les généraux au pouvoir admettent avoir ordonné la dispersion du sit-in
Le Conseil militaire de transition (TMC) au
pouvoir au Soudan a reconnu pour la première fois, jeudi 13 juin, avoir
ordonné la dispersion d’un sit-in de manifestants début juin devant le QG de
l’armée à Khartoum, qui a fait des dizaines de morts.
Ce groupe de généraux a pris les rênes du
pays après la destitution et l’arrestation, le 11 avril, sous la pression
d’un mouvement de contestation inédit, du président Omar Al-Bachir, qui a été
inculpé jeudi pour « corruption ».
Face aux craintes d’une escalade, des
émissaires américains et africains se trouvent à Khartoum pour tenter de
trouver une solution à la crise entre les militaires et le mouvement de
contestation, surtout après la dispersion brutale le 3 juin du sit-in des
manifestants qui était en place depuis près d’un mois devant le siège de
l’armée.
« Nous
regrettons »
Selon un comité de médecins proches de la
contestation, quelque 120 personnes ont été tuées dans la répression des
manifestants depuis le 3 juin, la plupart dans la dispersion du sit-in.
Les autorités, elles, avancent le chiffre de 61 morts. Les chefs de la
contestation et des ONG ont accusé les troupes des redoutées Forces de soutien
rapide (RSF) d’avoir réprimé dans le sang le sit-in.
Jeudi, pour la première fois, le Conseil
militaire a admis avoir ordonné la dispersion du sit-in. « Le
Conseil militaire a décidé de disperser le sit-in et un plan a été établi en ce
sens (…) Mais nous regrettons que des erreurs se soient produites », a
déclaré à des journalistes le général Chamseddine Kabbachi, porte-parole de
cette instance. Il a ajouté que les résultats de l’enquête sur cette dispersion
seraient publiés samedi, précisant que le TMC ne permettrait plus de tels
sit-in près des sites des forces armées.
Malgré la répression et pour maintenir la
pression, une campagne de désobéissance civile a quasiment paralysé la capitale
Khartoum de dimanche à mardi à l’appel des chefs de la contestation qui
réclament le transfert du pouvoir aux civils.
C’est grâce à une médiation du premier
ministre éthiopien Abiy Ahmed que les chefs de la contestation ont cessé la
campagne de désobéissance civile et accepté le principe d’une reprise des
pourparlers avec le Conseil militaire de transition.
Les Etats-Unis et l’Union africaine (UA),
appelant à un transfert du pouvoir aux civils, ont dépêché des émissaires à
Khartoum qui se sont entretenus avec des responsables soudanais et des meneurs
de la contestation.
Le nouvel émissaire spécial américain,
Donald Booth, et le secrétaire d’Etat américain adjoint chargé de l’Afrique,
Tibor Nagy, ont aussi rencontré le chef du Conseil militaire, Abdel Fattah
Al-Burhane, qui s’est félicité des efforts américains en vue d’une solution
politique, selon un communiqué de son bureau.
Les émissaires américains doivent aussi se
rendre à Addis-Abeba pour s’entretenir avec des responsables éthiopiens et de
l’UA, qui a suspendu le Soudan après la répression.
L’émissaire de l’UA, Mohamed Al-Hacen
Lebatt, a assuré qu’une équipe de diplomates étrangers travaillait à résoudre
la crise : « Je peux dire sans optimisme excessif que les
discussions que nous avons eues avec chaque partie séparément
progressent. »
Nécessaire retrait des milices
L’Alliance pour la liberté et le changement
(ALC), le fer de lance de la contestation déclenchée en décembre 2018, a
indiqué que ses leaders avaient informé les responsables américains de la
nécessité d’une enquête transparente sur la dispersion du sit-in, de la
nécessité du retrait des « milices » des rues et
d’une autorité civile. Jeudi, moins de membres des RSF étaient présents dans
les rues de la capitale, où des embouteillages se sont de nouveau formés, a
constaté un correspondant de l’AFP.
Quelques magasins du marché de l’or ont
rouvert et davantage d’habitants et d’employés étaient visibles. Néanmoins,
plusieurs secteurs ont subi des coupures d’électricité, et l’accès à Internet
demeure difficile.
« Aujourd’hui, c’est mon premier jour
de travail depuis l’arrêt de la campagne mais je ne suis pas d’humeur à aller
travailler », a déclaré Souheir
Hassan, un fonctionnaire. « Je suis passé par la zone du sit-in et
je me suis rappelé que toutes ces voix qui scandaient des slogans
révolutionnaires ont à présent disparu. »
La crise économique au Soudan a été à
l’origine des premières manifestations contre le régime de Bachir, destitué
après trois décennies au pouvoir.
Les pourparlers entre Conseil militaire de
transition et meneurs de la contestation ont été suspendus le 20 mai,
chaque camp voulant diriger la future instance censée mener la transition. Les
meneurs de la contestation insistent désormais pour que tout accord
s’accompagne « de garanties régionales et internationales pour sa
mise en application ».