Syrie, huit ans de guerre
Déclenché en 2011 par la
répression de manifestations, le conflit syrien a fait plus de 370 000 morts et
poussé à la fuite des millions personnes. Début juin, la province d’Idlib,
située dans le nord-ouest du pays, a de nouveau été la cible de bombardements
par le régime de Bachar al-Assad. Huit ans après, « le supplice continue ».
Les Syriens sont épuisés mais huit
ans après le début de ce qui n’était qu’une révolte, la guerre n’est toujours
pas finie. Après Alep en 2016 et la Ghouta en 2018, c’est
au tour de la poche d’Idlib, dans le nord-ouest du pays, d’être la
cible des bombardements du régime de Damas et de son allié russe. C’est, avec
la zone kurde du nord-est, le dernier espace qui échappe au contrôle de
l’armée. Environ trois millions de personnes vivent dans cette zone.
Depuis la reprise des
bombardements, près de 400 civils auraient été tués. Plusieurs centaines de
milliers d’autres sont contraints de fuir. Ils viennent s’ajouter à l’un des mouvements
de population les plus importants depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Les Nations unies estiment que près de la moitié des vingt millions de Syriens
recensés en 2010 ont été contraints de quitter leur foyer. Beaucoup en fuyant
leur pays.
Les bombardements d’Idlib
désespèrent les Syriens, où qu’ils soient. Parce que le supplice continue. Mais
aussi parce qu’ils confirment l’implacable victoire du camp Assad-Poutine et
l’effacement de l’influence américaine dans la région. Bachar al-Assad était
sur le point de tomber en 2013. Mais le repli américain de la région était
engagé, et rien ne fit changer de cap à Barack Obama. Même pas ses propres
lignes rouges.
Le désengagement de
Washington offrit à Assad une trêve, ce qui a permis à Moscou de recouvrer une
influence dans la région. La montée en puissance de Daech, savamment alimentée
par Assad lui-même en libérant les pires criminels des geôles syriennes, a
ensuite fait le reste, en concentrant ailleurs le feu occidental, en détournant
la peur.
Économie
de guerre
Résultat, les diplomates
français répétaient à l’envi en 2011 et 2012, sûrs d’eux, qu’Assad devait
partir, qu’il allait partir. Huit ans plus tard, il est toujours en place. Et
la fuite des civils de la poche d’Idlib constitue de nouveau une menace pour la
stabilité de la région. Et pour « notre propre sécurité », précisait
récemment le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Après huit ans de guerre,
les équilibres de la région ont changé. La perte d’influence occidentale est
patente. Parallèlement à la montée en puissance de l’Iran et au retour de la
Russie (qui soigne ses contacts avec tous les acteurs importants : Iraniens,
Turcs et Israéliens). Ce qui complique les choix des Européens, très touchés
par la menace terroriste, et des Américains, très focalisés sur le
redimensionnement de la stratégie iranienne dans toute la région.
Pour les Syriens, le
moment est cruel. Le sinistre régime d’Assad pousse déjà au retour des
réfugiés, notamment du Liban, par le biais du Hezbollah. On parle
reconstruction, normalisation. Même si c’est une économie de recyclage qui
s’est installée, souvent pilotée par les parvenus du régime. La Syrie exportait
du textile, elle vend désormais du cuivre, récupéré des ruines. Le dilemme va
être terrible : toute aide renforcera, fatalement, les pires proches d’Assad.
Ce sont les Syriens qu’il va falloir aider, pas la Syrie.
Un rapport de la Banque
mondiale, publié l’an passé, mesurait l’ampleur de la destruction. À Alep, par
exemple, cœur industriel et économique du pays avant 2011, ce rapport estime à
14,9 millions de tonnes la masse de débris. Il faudra six ans pour les
déblayer. Pour Idlib, le calcul n’a pas été fait. Les bombardements sont en cours.