Boko Haram, le cancer du salafisme djihadiste au Nigeria
C'est l'un des modèles d'El-Qaïda propagés actuellement en Afrique et qui
oeuvre à réaliser "le rêve du Califat". Cela apparaît clairement dans
sa déclaration visant à établir un Etat islamique au Nigeria.
L'histoire de la propagation du salafisme djihadiste au Nigeria remonte à
la deuxième moitié des années 70 du siècle dernier, lorsqu’apparut un mouvement
qui a choisi de s'appeler "Izala" (Suppression) et ayant comme
objectif d'affronter les hérésies et les superstitions
En 1995 Mohamed Laouane créa "Djamaa Ahli Al-Sunna Wal Hidjra"
communément appelée "Organisation des jeunes musulmans". Avec le
temps ce groupe a connu différents changements devenant tour à tour
"Taliban Nigeria", "El-Mouhadjiroune",
"El-Youssoufiya", avant d'être finalement baptisé "Boko
Haram" en 2002, ce qui en langue Haoussa signifie "l'éducation
occidentale est un péché".
Plusieurs facteurs ont aidé à l'expansion de Boko Haram, entre
autres, la faiblesse du gouvernement nigérian et sa corruption, la
concentration des dossiers économiques dans les mains d'une minorité, en plus
de l'échec du Nigeria à contenir les Musulmans et à traiter les questions qui
leur sont afférentes.
Boko Haram est financé par certains politiciens et économistes
nigérians qui trouvent dans ce mouvement un vaste domaine pour réaliser
leurs ambitions politiques, tout comme il y a en Europe certaines associations
humanitaires islamiques qui le soutiennent.
Boko Haram évolue dans un contexte régional et international beaucoup plus
grand que ses actions au Nigeria.
En 2015 nombre de pays d'Afrique de l'Ouest - plus le Tchad - se sont
coalisés avec le gouvernement nigérian pour combattre Boko Haram, mais jusqu'à
présent les opérations de cette coalition n'ont pas eu assez d'impact sur
les actions de l'organisation. Cette dernière a plutôt répondu à la coalition
par un changement typique dans ses opérations en allant kinapper en avril 2014
plus de 270 lycéennes à Chibok et en attaquant le quartier chrétien de Sabon
Gari de la ville de Kano.
Signalons que la relation entre Boko Haram et le gouvernement nigérian ne
fut toujours pas conflictuelle, car elle connaît de temps à autre des rounds de
négociations. Le premier round intervint entre 2010 et 2011, le deuxième, entre
2012 et 2013. Ces négociations étaient sous parrainage de l'Arabie Saoudite et
du Tchad.
Boko Haram avait des revendications précises dont notamment l'arrêt des
poursuites contre ses éléments et la libération de ceux qui étaient incarcérés.
Mais les négociations se sont arrêtées officiellement après que les
Etats-Unis aient proposé une récompense en espèces pour l'arrestation du leader
du mouvement Abubakar Shekau et de Mokhtar Belmokhtar l'émir du groupe
Al-Mourabitoune.
Le gouvernement nigérian a adopté la position des Etats-Unis en déclarant
Boko Haram mouvement terroriste, ce qui a amené ce dernier à mettre fin
aux négociations et à retourner à la confrontation armée avec l'Etat et la
société.
Boko Haram opère en Somalie, au Cameroun, au Niger, au Tchad, en
Libye, au Mali. L'action du mouvement dans ces pays est centrée sur les
entraînements pour y perpétrer des actes terroristes. En revanche, il mène des
actions indirectes au Sénégal, au Soudan, en Centrafrique et en Mauritanie.
L'action régionale du mouvement s'est répartie en deux sortes :
1 - Des relations de collaboration avec des mouvements similaires qui
adoptent les mêmes idéologies dont les plus célèbres sont le mouvement des
Shabab Somaliens, Al-Qaïda au Maghreb islamique, trois mouvements
djihadistes que les experts appellent "le trio extrémiste africain".
2 - Des relations
d'hostilité : Le mouvement mène des actions hostiles contre les
gouvernements des pays voisins, le Cameroun venant en tête, vu que sa frontière
commune avec le Nigeria connaît le plus haut degré de conflit.
Boko Haram se base sur nombre d'idéologies
dont les plus importantes sont les suivantes :
1 - El-Hakimiya ( unicité de Dieu comme Législateur). Apostasier tout
gouvernement démocratique dont la législation ne se réfère pas au Coran, en le
considérant comme contraire à l'islam.
2 - Se prendre pour des gens élus par Dieu et évoqués par les
prophéties des derniers temps.
3 - Qualifier l'éducation occidentale d'illicite. Nécessité
d'établir l'Etat islamique et prêter allégeance à l'imam.
4 - Etre hostile à ceux qui sont différents d'eux ou qui sont
d'autres orientations ou confessions comme les soufis et les chiites.
Impossible sans doute de cacher l'inquiétude du Nigeria et des pays
voisins - Cameroun, Niger, Tchad - depuis que le leader de Boko Haram Abubakar
Shekau a annoncé le 24 août 2014 l'établissement d'un Califat islamique dans
l'Etat de Borno dans le nord-est du Nigeria.
Il y a un écart évident entre les groupes Boko Haram et Daech, vu que le
dernier recrutait des dizaines de milliers de combattants étrangers pendant les
années passées, et parmi eux beaucoup de recrues des pays occidentaux, tandis
que Boko Haram, au contraire, refuse l'existence d'occidentaux dans ses rangs.
Au moment où Daech attire les jeunes sur les médias sociaux et sur
Internet, Boko Haram adopte quant à lui des moyens carrément traditionnels dans
ses recrutements, ce qui explique l'expansion de Daech à une grande échelle à
l'opposé de Boko Haram.
De ce qui précède, nous constatons clairement que Boko Haram ne
diffère pas beaucoup d'Al-Qaïda et de Daech du point de vue cadre idéologique
de chacune de ces organisations, puisqu'elles ont toutes les trois le même
objectif, en l'occurrence la création d'un Califat, et utilisent toutes les
trois le même moyen, à savoir la violence.