Trois questions sur le procès des attentats de "Charlie Hebdo", de Montrouge et de l'Hyper Cacher, prévu en 2020
Le procès des attentats de janvier 2015 est prévu du 20 avril au 3 juillet 2020 à Paris, selon les informations de franceinfo. Dix-sept personnes ont perdu la vie dans ces attaques, qui ont visé Charlie Hebdo, Montrouge et le magasin Hyper Cacher à la Porte de Vincennes. Il s'agira du premier procès pour un attentat commis en France depuis celui, en 2017, des tueries perpétrées par Mohamed Merah. Franceinfo répond à trois questions sur cette procédure judiciaire, qui aura lieu plus de cinq ans après les attaques.
Que s'est-il passé en janvier 2015 ?
Charlie Hebdo. Le 7 janvier 2015, les frères Chérif et Saïd Kouachi entrent dans la rédaction de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, dans le 11e arrondissement de Paris, durant la conférence de presse du matin. Ils tuent onze personnes, dont les dessinateurs Charb, Wolinski, Cabu et Tignous, puis prennent la fuite. Ahmed Merabet, un policier à VTT, tente de les arrêter sur le boulevard Richard Lenoir. Il est blessé par les deux terroristes puis abattu alors qu'il se trouve au sol et désarmé. Les frères Kouachi sont tués deux jours plus tard par le GIGN, dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne) où ils s'étaient retranchés.
Montrouge. Le 8 janvier 2015, Amedy Coulibaly tue une policière municipale, Clarissa Jean-Philippe, alors qu'elle gère la circulation après un accident à Montrouge. Il prend la fuite. Selon les juges d'instruction cités par Le Monde, il est "très vraisemblable" que le terroriste comptait initialement attaquer l'école juive Yaguel Yaacov, située dans une autre rue de cette commune des Hauts-de-Seine.
Hyper Cacher. Le 9 janvier 2015, Amedy Coulibaly, en cavale, prend en otage les personnes présentes dans un magasin Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, dans l'Est de Paris. Il tue quatre hommes avant d'être abattu lors de l'assaut donné par les forces de l'ordre.
Qui sont les prévenus ?
Quatorze accusés, soupçonnés à des degrés divers de soutien logistique aux auteurs des attentats, ont été renvoyés devant une cour d'assises spéciale, uniquement composée de magistrats. Les juges d'instruction ont estimé qu'ils avaient nécessairement connaissance de la radicalisation des trois jihadistes. Onze des prévenus sont aux mains de la justice française et trois sont visés par un mandat d'arrêt. Ces trois derniers sont Hayat Boumedienne, la compagne d'Amedy Coulibaly, et les deux frères Belhoucine, partis quelques jours avant les attaques pour la zone irako-syrienne. La mort des deux frères a été évoquée par diverses sources sans être officiellement confirmée.
Selon Le Monde, Mohamed Belhoucine était le mentor religieux d'Amedy Coulibaly. Il aurait notamment rédigé son serment d'allégeance au groupe Etat islamique, lu par le terroriste dans sa vidéo de revendication, et lui aurait fourni les adresses mails permettant d'entrer en contact avec le ou les cerveaux des attaques, qui restent non identifiés. Son frère Mehdi aurait aidé à exfiltrer Hayat Boumeddiene vers la Turquie puis la Syrie, début janvier 2015. La jeune femme, notamment poursuivie pour "financement du terrorisme", aurait participé à des escroqueries aux véhicules pour financer les attaques d'Amedy Coulibaly.
Les juges ont retenu les charges les plus lourdes, la "complicité des crimes" commis par les trois terroristes, contre deux suspects : l'aîné des frères Belhoucine, Mohamed, et Ali Riza Polat, un proche d'Amedy Coulibaly détenu en France. En prison depuis quatre ans, cet homme est mis en cause pour son rôle central dans les préparatifs des attentats, en particulier la fourniture de l'arsenal utilisé par le trio terroriste. "Il connaissait et partageait l’adhésion des auteurs principaux à l’idéologie du jihad armé", écrivaient les juges d'instruction à son sujet, selon Le Monde.
Qu'attendent les victimes de ce procès ?
Des zones d'ombre persistent encore autour du ou des commanditaires des attentats. L'attaque à Charlie Hebdo a été renvendiquée par Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) et celle de l'Hyper Cacher par le groupe Etat islamique (EI). Les magistrats du pôle antiterroriste du tribunal de Paris poursuivent depuis janvier les investigations sur les soutiens des frères Kouachi au Yémen, où l'un deux s'était rendu en 2011. L'attaque visantCharlie Hebdo avait en effet été revendiquée par Aqpa depuis le Yémen.
"Il ne faut pas donner de faux espoirs aux victimes : ce sera un procès catharsis qui ne va pas apporter de révélations, a estimé auprès de l'AFP Antoine Comte, avocat de victimes de Charlie Hebdo. Les assassins ne sont plus là pour répondre de leurs actes et les gens attendent de savoir qui sont les commanditaires, mais quatre ans d'enquête n'ont pas permis d'apporter toutes les réponses."
"Nous craignons que ce soit le procès du désarroi", a par ailleurs déclaré Patrick Klugman, avocat de victimes de l'Hyper Cacher. Le conseil aurait préféré voir ce volet dissocié de celui de Charlie Hebdo et jugé plus tôt, compte tenu d'investigations moins complexes.