Exploitation djihadiste de la femme : L’exemple des Khansawates et des Zaynabiates
« Les femmes dans les
organisations terroristes ne sont qu’un outil exploité afin de réaliser
certains objectifs sans considération de leurs droits humains. La femme est
juste une esclave combattante ».
Par Mohamed Mahmoud Mohamed Al-Dabouli
Le discours
fondamentaliste islamiste (sunnite ou chiite) se caractérise par son hostilité
à toutes les communautés qui le contredisent, aux minorités et à la femme. Le
discours fondamentaliste adressé aux femmes est un discours de crainte contrôlé
par des expressions sur les tourments de la tombe et la colère de Dieu en
raison de leur indécence (al-tabaroj) et du non-respect de l’habit religieux,
de la mixité en se rendant au travail. L’homme a honoré la femme chez elle et
son rôle se limite à éduquer ses enfants et à servir son mari.
En dépit du discours islamiste, nous trouvons que
l’expérience islamiste a fait bouger les fonctions de la femme sous le joug de
la réalité. A titre d’exemple, les Frères Musulmans ont fondé en 1932 le groupe
des sœurs musulmanes qui avait pour fonction la Daawah et un rôle social au
sein de la Confrérie. Dans une phase antérieure, ces groupes ne se sont pas
contentés du rôle social et de la sensibilisation. Ils ont œuvré à donner à la
femme un rôle djihadiste au sein de ces mouvements[i].
Le processus de recrutement djihadiste de la femme dans
les groupes et les mouvements islamistes a évolué. Au début, elles étaient à
l’arrière-plan des combattants ayant pour rôle de préparer les armes, la
nourriture pour les combattants, de soigner les blessés, de propager les idées
djihadistes, de recruter de nouveaux éléments, et elles sont passées à la phase
de participation à l’action, aux opérations de combat en tant que combattantes
ou kamikazes, outre l’exploitation corporelle qui est quant à elle une
récompense pour les combattants.
Il est certain que la participation de la femme dans les
combats de manière directe est adoptée par de nombreuses armées mondiales et
par des milices armées. Par exemple, les milices kurdes, comme les peshmergas
au nord de l’Irak, et les Unités de protection du peuple au nord de la Syrie
comptent grandement sur le recrutement des femmes dans leurs rangs. Mais, la
femme dans ces mouvements kurdes diffère de la femme dans les mouvements
islamistes, à l'instar des « Khansawats » de Daech et des «
Zaynabiates » au Yémen.
Les milices kurdes cherchent à mettre en relief l’image
de la femme combattante, les montrant comme étant de jeunes femmes à la fleur
de l’âge qui portent les armes sur les lignes de front côte à côte avec les
hommes. L’objectif de cette image est presque de faire de la propagande de ces
milices en Occident étant donné que les Kurdes sont plus tolérants quant
aux droits des femmes. En ce qui concerne les femmes dans les mouvements
islamistes, la situation est bien différente. En effet, ces mouvements n’ont point
cherché à améliorer son image. Au moins, la tenue islamique imposée aux femmes
(le tchador iranien- le niqab) est la même pour la vie quotidienne ainsi que
pour les opérations de combat. Pour ce faire, les images des combattantes à Daech
ou à Ansarallah (les Houthis) donnent
l’impression qu’elles sont exposées à l’abus de la part de ces combattants et
que leur présence dans ces milices est pour remplir des fonctions que les
hommes ne peuvent pas faire ou éprouvent beaucoup de difficutés à les faire.
En vertu de cela, cette étude cherche à dévoiler les
motifs des mouvements islamistes à recruter les femmes et à former leur propre
troupe, ainsi que le rôle de ces troupes. Est-il limité à la hisba (chargée
d’appliquer la charia) et à la police féminine ou a-t-elle une autre dimension
combattante ?
Le recrutement djihadiste de la femme dans les mouvements
islamistes
Le discours fondamentaliste islamiste- sunnite et chiite-
considère la femme comme inférieure à l’homme. En effet, il refuse qu’elle soit
côte à côte avec l’homme dans la vie publique, à l’instar de la mixité au
travail et autres. De même qu’il refusait dans le passé la participation de la
femme au djihad. Or, le recrutement djihadiste des femmes au sein des
mouvements islamistes a nettement évolué passant du refus total de la
participation au djihad et aux combats à la création de groupes féminins armés.
L’expérience d’Al-Qaïda explique cet énorme changement à
l’égard du djihad féminin au sein des organisations islamistes. Avant 2003,
Ayman Al-Zawahiri - qui était à l’époque le numéro 2 d’Al-Qaïda- trouvait que
le djihad est interdit par la jurisprudence et qu’il n’est pas toléré que les
femmes prennent part aux combats côte à côte avec les hommes, mais des
changements se sont opérés dans la région permettant la participation des
femmes dans les rangs des combattants. En Irak, Abou Mossab Al-Zarkaoui était
le premier à recruter des femmes [ii]dans
les attentats-suicides et parmi les exemples éminents l’affaire de
« Sajida Al-Richaoui » qui avait été arrêtée en Jordanie et qui avait
été chargée par Al-Zarkaoui de se faire exploser dans quelques régions au
royaume[iii].
En dépit de cette hésitation à recourir aux femmes dans
les opérations djihadistes, Al-Qaïda dans la péninsule arabique- sous le
leadership de Youssef Al Irie - a recruté des femmes dans ses rangs. Ce dernier
a expliqué dans un message intitulé « Le rôle de la femme dans le djihad
contre l’ennemi » que la femme a un grand rôle pour présenter le soutien à
l’homme dans le djihad. Par conséquent, les noms de nombreuses femmes
djihadistes ont commencé à se faire connaître en Arabie Saoudite comme
membres d’Al-Qaïda dont Nada Al-Qahtani, Wafaa Al Al-Chahri, Arwa Al-Baghdadi,
Hayla Al-Qasir ». Leurs missions se sont limitées à favoriser le
financement indispensable à l’organisation, pour effectuer des services
logistiques et pour sécuriser l’organisation »[iv].
En ce qui concerne Daech , la pratique sur le terrain a
été marquée par l’excès du recrutement des femmes, et ce à l’inverse d’Al-Qaïda
qui a plein de réserves et de fatwas (avis religieux) qui refusent
l’exploitation de la femme dans le djihad. Daech a surmonté ces fatwas en créant des bataillons
armés féminins[v].
La participation des femmes au djihad armé que ce soit
sur le plan individuel ou collectif a eu plusieurs conséquences dont :
- Recul du rôle des fatwas interdisant la participation
des femmes au djihad armé.
- Acquisition par la femme d’autres rôles et de devoirs,
en plus de ses rôles et devoirs traditionnels à l’instar de travailler à
la maison, de servir son mari, et d'éduquer les enfants.
- Ajout d’une dimension spirituelle et religieuse au
djihad féminin. La femme est dorénavant appelée au djihad armé au nom des
musulmans dans tous les recoins de la terre et doit aspirer à l’un des deux
trophées : la victoire et le fait de tomber en martyre.
- Présence de deux types de djihadistes musulmanes :
celles qui sont obligées et celles qui sont volontaires. Les
« obligées » ont été forcées de le faire que ce soit de la part de
leur mari ou de leurs proches à adhérer à ces groupes. Quant aux volontaires,
elles croient dans les idées d’Al-Qaïda, dans leur théorie et œuvrent à les
propager[vi].
Passant à l’expérience chiite en ce qui concerne le
recrutement des femmes et leur participation dans des opérations, nous trouvons
que le concept d’Al-Waliyat Al-Faqih ne s’est pas opposé à cela. Au contraire,
il a même appelé au recrutement et à la mobilisation des femmes afin de
défendre la révolution islamique iranienne. En novembre 1979, quelques mois
après la réussite de la révolution, la première milice féminine iranienne a été
créée.[vii]
A la lumière de l’escalade des menaces envers la
révolution iranienne, Rouhollah Khomeini - ancien guide suprême de la
révolution islamique en 1985 - a décrété un décret portant sur le fait que les
femmes doivent suivre des entraînements militaires et de combats afin de
prendre part aux côtés des hommes dans la défense de la patrie, et de résister
aux contre-révolutions. En effet, bon nombre de milices féminines ont été
envoyées au front dans la guerre irako-iranienne »[viii].
Le mérite revient à Mordia Al-Dabbagh de baptiser le
djihad féminin chiite en Iran. Elle a œuvré - avant la révolution iranienne à
résister au régime du shah d’Iran. Ainsi a-t-elle été arrêtée entre 1972-1973.
De même qu’elle a veillé à résister à la campagne gauchiste et communiste dans
les rangs de l’opposition iranienne, notamment dans les milieux féminins[ix].
Après la réussite de la révolution iranienne, Al-Dabbagh
était parmi les fondateurs des gardiens de la révolution iranienne. Elle a
présidé les gardiens dans la province de Hamedan. Durant sa présence parmi les
gardiens de la révolution, elle a œuvré à créer des groupes de combattantes
iraniennes au sein des rangs des Unités de mobilisation populaire
( Niruyeh Moghavemat Basij) sous le nom des « Sœurs de Basij ».
Certaines sources ont estimé que le nombre des combattantes y était arrivé à
147.000[x]. Tandis que les
sources gouvernementales confirment qu’il y a 4 millions de femmes dans les
forces de Basij qui comptent au total 10 millions d’individus.
Les missions des « sœurs de Basij » se sont
limitées à présenter un soutien logistique et médical aux combattants iraniens
au cours de la guerre irako-iranienne (1980-1988), ainsi que de prendre part
aux opérations de répression de l’opposition à l’intérieur de l’Iran, en
liquidant les adversaires et les opposants. C’est ce qui s’est révélé lors des
manifestations monstres en Iran en 2009 à l’issue des élections
présidentielles. En effet, les « sœurs de Basij » avaient un grand
rôle dans la répression des manifestations. Elles ont également joué un rôle
pour réprimer les protestations qui s’étaient déclenchées en décembre 2017[xi].A l’exemple de l’expérience
iranienne, le mouvement des Ansarallah (les Houthis) ont formé le bataillon des
« Zaynabiates », son bras féminin militaire.
En passant en revue le fondamentalisme idéologique de
deux parties en ce qui concerne l’affaire de recrutement des femmes et la
création de milices féminines à exploiter pour diverses raisons soient-elles
politiques ou militaires, nous pouvons en déduire les éléments suivants :
- L’idéologie fondamentaliste chiite était en avance par
comparaison au fondamentalisme sunnite en ce qui concerne la légitimité de
l’affaire. La fatwa ratifiée par Khomeini en 1985 portant sur la nécessité
d’entraîner les femmes physiquement et militairement pour faire face aux
ennemis de la patrie a tranché l’affaire pour les Chiites. Pour le
fondamentalisme sunnite, l’affaire est encore imprécise. Al-Qaïda n’a pas
encore toléré la création de milices féminines qui combattent dans ses rangs,
même si elle recourt à des femmes-kamikazes.
- La permission à Al-Qaïda en Irak de recourir à des
femmes-kamikazes en Irak était à contrecœur. Certains ont fait basculer l’idée
d’après laquelle l’approbation d’Al-Qaïda est due au manque du nombre de
kamikazes-hommes. De même que les femmes ont un avantage particulier lequel est
de passer par les barrières sécuritaires sans fouilles précises en raison de la
culture de la société irakienne qui ne tolère pas aux hommes de sécurité de
fouiller les femmes.
- De nombreux groupes fondamentalistes (sunnites) ont
limité le rôle djihadiste de la femme dans la Daawah, l’éducation djihadiste
des enfants, le recrutement, la présentation de quelques services logistiques
et de la nourriture ainsi que le pansement des plaies. Tandis que l’idée
fondamentaliste chiite était plus développée et plus ouverte quant à l’affaire
de la fonction djihadiste des femmes. En effet, l’affaire ne s’est pas limitée
à présenter des services logistiques ou à faire la Daawah, elle a dépassé cela
en impliquant les femmes dans les premières lignes du combat.
- Daech ne s’est
pas longtemps arrêté aux propos concernant la légitimité du recrutement des
femmes. En effet, l’organisation a précocement créé ses propres bataillons
féminins à l’instar du « bataillon d’Al-Khansaa » et l’a impliqué
dans la guerre en place.
- Il est clair que la hisba était la préoccupation des
courants fondamentalistes sunnites et chiites. La mission principale des
« sœurs de Basij », d’Al-Zaynabiates ou encore d’Al-Khansawats
consistait en la hisba et au contrôle de la morale dans les rues que ce soit à
Téhéran, à Al-Raqqa ou encore à Mossoul.
Mais une question s’impose ici autour de la participation
des femmes au djihad : est-ce que les mouvements djihadistes
fondamentalistes vont de pair avec les évolutions modernes qui donnent aux
femmes davantage de droits à l’instar de son droit à se défendre ?
Motifs du recrutement des femmes
Les motifs du recrutement des femmes dans les groupes et
les mouvements fondamentalistes se répartissent en deux types : le premier
est lié aux groupes eux-mêmes. Le deuxième est lié aux femmes. En effet, un
groupe de motifs psychologiques et sociaux frayent la voie devant la femme afin
d’adhérer à ces groupes :
A- Motifs liés aux groupes et aux mouvements :
Les groupes extrémistes ont eu recours à recruter les
femmes dans leurs rangs sous la pression d’un nombre de motifs logistiques et
sur le terrain lesquels sont :
- Le recrutement : Le rôle de recrutement des femmes
est l’un des plus importants motifs auxquels recourent les groupes djihadistes
afin d’attirer d’autres femmes dans leurs rangs. En effet, la femme dispose de
capacités particulières qui peuvent être exploitées afin de recruter de
nouvelles membres au sein de ces mouvements. A titre d’exemple, la femme peut
communiquer avec sa famille, ses collègues et son environnement avec la plus
grande facilité sans obstacle et elle œuvre à diffuser des idées extrémistes
auprès d’eux.
Le rôle le plus important de ces femmes au sein des
groupes est le recrutement maternel de sorte à créer des générations
successives et imbibées par les idées djihadistes extrémistes qui sont
difficiles à être traitées et éradiquées. Le concept de la hisba dans l’Islam
est l’un des plus importants concepts sur lesquels se base le discours
fondamentaliste sunnite et chiite. Le concept est basé sur le fait de contrôler
les valeurs morales dans la rue, interdire les péchés et demander aux gens de
faire le bien[xii].
Comme la femme dans le discours fondamentaliste est la
source de la séduction et du mal, elle s’est taillé la part du lion dans le
concept de la hisba. D’où, une police féminine de Hisba a été créée et elle
œuvre au respect de la religion par la femme musulmane dans les régions
contrôlées par les groupes islamistes et ce en appliquant certaines règles que
le discours fondamentaliste interdit aux femmes à l’instar de laisser
apparaître son visage devant les passants et le fait de marcher sans être
accompagnée par un mahram (quelqu'un qu'elle ne peut pas épouser).
- La répression politique : les groupes islamistes
recourent aux femmes dans la répression politique des femmes. Les groupes
chiites ont été les premiers à le faire. Le recours aux femmes dans la
répression politique peut être comme résultat du manque en nombre des hommes.
Par conséquent, ils recourent aux femmes afin de réprimer les adversaires ou
elles sont exploitées afin de réprimer les opposantes aux orientations
islamistes. Mordia Al-Dabbagh est la plus célèbre à avoir assumé ce rôle avant
le déclenchement de la révolution iranienne de 1979. La répression pouvait
avoir pour objectif l’humiliation politique des adversaires politiques. A titre
d’exemple, quelques éléments féminins armés pouvaient être poussés à arrêter et
discipliner l’un des adversaires masculins[xiii].
L’affaire d’humiliation des adversaires opposants est
l’un des rôles djihadistes les plus dangereux de la femme. Car cela représente
une violation des traditions qui contrôlent la plupart des pays du Moyen-Orient
d’une part et d’autre part elle exprime l’infériorité de la femme aux yeux des
groupes islamistes.
- S’éloigner du doute : De nombreuses fonctions
djihadistes sont difficiles pour les femmes comme les opérations
d’intelligence, outre les attentats-terroristes. En effet, la femme, notamment
dans les sociétés arabes, est un élément à l’abri de tout soupçon. En conséquence,
les groupes exploitent cet avantage et recrute des femmes. De même qu’ils
recrutent des femmes afin d’avoir davantage d’argent sous prétexte des œuvres
de charité.
- Compenser le manque humain : Ces groupes
djihadistes recourent au recrutement des catégories comme les enfants et les
femmes afin de compenser le manque d’effectifs dans leurs rangs étant donné
qu’un grand nombre d’hommes sont tués dans les combats. C’est pourquoi, ils
recourent à former des milices d’enfants et de femmes. Au début, leur rôle est
de présenter des aides logistiques et d’œuvrer dans les lignes arrière. Mais
l’affaire évolue - sous la pression du manque de combattants et elles se
retrouvent sur le champ de bataille.
Le meilleur exemple est la fatwa de Khomeini en 1985 portant
sur la nécessité de préparer physiquement et militairement les femmes afin de
faire face aux dangers irakiens à l’époque, en raison du grand nombre d’hommes
qui avaient été tués au cours des combats de la guerre irako-iranienne. Un
autre exemple : Abou Moussab Al-Zarkaoui qui a défié la fatwa d’Ayman
Al-Zawahiri qui a refusé le recrutement des femmes pour les attentats
terroristes, et la raison était l’insuffisance du nombre d’hommes.
- L’exploitation médiatique de la femme combattante. La
plupart des groupes djihadistes exploitent l’image de la femme djihadiste de la
pire façon :
1- La provocation psychologique et nerveuse de la
société en montrant l’image d’une femme djihadiste qui défend sa religion
et les Musulmans au moment où les hommes sont incapables de le faire et sont
incapables de prendre part au djihad qui est leur fonction principale. Et,
cette femme n’a pas trouvé parmi les hommes celui qui est plus compétent
qu’elle pour la défendre et défendre sa religion. Il est certain que cette astuce
a réussi dans plusieurs cas à mobiliser l’enthousiasme des jeunes qui aiment
leur religion et leur honneur en adhérant à ces groupes en guise de défense de
l’Islam. « Les musulmanes libres » est l’appellation donnée aux
femmes qui adhèrent à ces groupes islamistes.
2- La femme djihadiste est exploitée qu’elle soit vivante
ou décédée. En effet, les appareils médiatiques des groupes djihadistes œuvrent
à filmer leurs morts parmi les femmes. (ce sont probablement des femmes
soldates portant des armes). Ils diffusent l’idée d’après laquelle leur ennemi
n’hésite pas à tuer des femmes musulmanes et que la Nation islamique doit se
soulever pour protéger son honneur qui est bafoué.
D’où, nous trouvons que les groupes djihadistes ont
réalisé d’importants gains du recrutement des femmes sur un plan militaire
ainsi que sur un plan médiatique qu’elle soit morte ou vivante afin de
provoquer les jeunes et les inciter à participer et à adhérer aux groupes
terroristes.
B- Les motifs liés aux femmes :
Au début, il faut distinguer entre les motifs de la femme
sunnite pour adhérer aux milices armées et ceux de la femme chiite.
L’expérience chiite n’a pas donné à la femme l’opportunité de choisir d’adhérer
à ces milices. C’était un ordre direct de la part du guide suprême de la
révolution iranienne Khomeini. Il en est de même pour « les
Zaynabiates » au Yémen, c’était un ordre direct de la part d’Abdallah
Al-Houthi.
L’affaire est différente pour la femme sunnite pour de
nombreuses raisons : d’abord l’absence de fatwa globale à l’instar de la
fatwa de « Khomeini » qui a recruté les femmes-chiites. De même, les
mouvements islamistes sunnites hésitent encore à ce sujet. En dépit de cette
hésitation, il y plusieurs facteurs qui ont poussé les femmes à adhérer à ces
groupes qui étaient partiellement ou majoritairement personnels. C’est ce
que nous allons clarifier dans les points suivants :
1- La charte du pardon : Le discours extrémiste a
causé- chez les groupes radicaux envers la femme musulmane- un problème psychologique
et social pour la femme. Ce discours considère la femme comme étant un
« mal pur » et qu’elle est la cause de la séduction et qu’elle ne
doit pas se montrer, ni sortir sinon elle serait en train de commettre un péché
et qu’elle doit se racheter. C’est pourquoi la femme est psychologiquement
détruite. Car, elle est assassinée religieusement et qu’elle a besoin de
quelqu’un qui la guide et qui la sauve du marécage de péchés dans lequel elle
s’est enlisée.
Ces groupes ont réussi à donner cette image négative de
la femme et ils ont réussi également à lui donner la planche de salut, la
libération des péchés qu’elle a commis tout au long de sa vie : adhérer
aux groupes et croire dans leurs idéologies tout en œuvrant à les diffuser par
n’importe quel moyen. S’ajoute à cela l’adhésion à leurs milices armées qui lui
frayent la plus courte voie vers le paradis (comme le prétendent ces groupes).
En d’autres termes, adhérer à ces groupes constitue la charte de pardon pour la
femme afin de se libérer de ses péchés.
La fausse libération : La femme dans les sociétés
arabes souffre de l’autorité masculine de sorte à ce qu’elle éprouve un
sentiment profond d’infériorité, ce qui la pousse à se libérer de ces
contraintes et de cette autorité masculine en ayant un meilleur poste au sein
de ces groupes et de ces mouvements par l’intermédiaire de l’adhésion aux
milices armées.
Le processus d’adhésion aux bataillons et aux milices
armées donne à la femme une sorte de liberté. De même qu’elle lui donne un
sentiment quant à l’importance du rôle qu’elle joue au service de la religion
et des groupes auxquels elle appartient. Dans une étude intitulée
« "Foot Soldiers of the Islamic Republic’s “Culture of Modesty”
publiée par “Middle East Research and Information Project”, un des membres des
Unités de mobilisation populaire « Basij » a assuré que les
Iraniennes optent pour l’adhésion aux bataillons des « sœurs de
Basij » car cela leur octroie une liberté qui n’existe pas au sein de la
société iranienne refermée sur elle-même comme l’éducation, ôter le voile, en
plus du grand rôle au service de la société. En d’autres termes, adhérer à ces
groupes pourrait être une façon pour la femme d’assouvir son désir de
libération de toutes les contraintes sociales et de s’auto-construire. C’est ce
sur quoi misent ces groupes[xiv].
- Les troubles psychologiques : les troubles
psychologiques dont souffrent les filles à un jeune âge les poussent à adhérer
à ces groupes terroristes. A titre d’exemples, les troubles psychologiques
peuvent être une cause au recrutement des femmes. Certaines combattantes ont
été attirées à ces groupes sous l’impact d’une histoire d’amour avec l’un des
membres du groupe. D’ailleurs, un grand nombre de filles adhérent à ces groupes
dans l’objectif de se marier aux combattants car les médias visuels de ces
groupes montrent les combattants en tant que des super-héros musclés qui
défendent les droits des pauvres et des faibles, ce qui est excitant pour les
adolescentes. A titre d’exemple, Daech a
réussi à persuader une hollandaise à se rendre en Syrie et à se marier au
combattant hollandais d’origine turque Omar Yalmez[xv].
Ce qui confirme ces troubles psychologiques c’est ce qu’a
dit la Belge Laura Passoni qui a voyagé en Syrie et qui a adhéré à Daech . Elle
a dit qu’au début elle avait été attirée par un des membres de Daech , ce
dernier avait publié une vidéo filmant la vie sous Daech , ce qui avait suscité
son admiration et elle s’est rendue en Syrie accompagnée de son enfant pour se
marier à cet homme[xvi].
- Le manque d’information religieuse : Le manque
d’information religieuse joue un grand rôle dans le recrutement des
femmes. Ces mouvements œuvrent à affaiblir la culture religieuse des
femmes et diffusent l’idée d’après laquelle la majorité de ceux qui iront en
enfer seraient des femmes en vertu d’un hadith : « Allah m'a montré
l'enfer et j'ai vu que la majorité de ses habitants était des femmes, car elles
renient » On demanda : « Car elles renient Allah ? » Il répondit
: « [Non mais] parce qu'elles renient les bienfaits de leurs époux et les
faveurs qu'ils leur font. Tu peux être bienfaisant envers une femme toute
ta vie. Il suffit que tu la contraries une fois pour qu'elle dise
« Tu n'as jamais été bienfaisant envers moi ». (L’imam Al-Bukhari 1052).
Par conséquent, les musulmans doivent se repentir en adhérant à ces groupes.
Les milices féminines armées :
Al-Khansawates
Al-Qaïda a eu recours au recrutement des femmes de façon
individuelle et non à former une milice qui lui soit propre. La situation a
changé avec l’émergence de Daech qui a
œuvré à former sa propre milice féminine. En 2014, il a créé son premier
bataillon féminin baptisé « Al-Khansaa ».
Le bataillon se compose de plusieurs groupes à
l'instar d'Oum Rihana et Oum Emarah qui recrute des européennes via les réseaux
sociaux. Parmi les figures féminines éminentes de Daech en Arabie saoudite figure Nada Al-Kahtani,
baptisée "Oum Galabib" qui a été chargée de créer une antenne de Daech
dans la province d'Hassaké de la part
d'Abou Bakr Al-Baghdadi. Certains chiffres révèlent que le nombre des
combattantes au sein de Daech à Al-Raqqa
est estimé à quelque 400.000[xvii].
Il y a une remarque importante quant à la fonction
du djihad des femmes à Daech , la hisba est mise en place à travers le
bataillon ou le groupe. Mais, l'organisation n'a jamais eu recours aux femmes
dans des combats directs pour de nombreuses raisons comme la
vulnérabilité des femmes et leur incapacité à faire face à des combats réels.
Daech recourt à la
tactique du "loup solitaire" dans les attaques menées par des femmes[xviii], à titre d'exemple, la
plus grande difficulté à laquelle fait face l'Armée irakienne après avoir
libéré Mossoul est les femmes kamikazes dépendant de l'organisation. En effet,
l'Armée irakienne a liquidé récemment 7 femmes-kamikazes qui avaient
l'intention de mener des attaques contre elle[xix].
La fonction la plus importante du bataillon
"Al-Khansaa" était la hisba en se propageant dans les rues d'Al-Raqqa
en contrôlant la sécurité ainsi qu'en imposant les valeurs morales, en
punissant ceux qui ne les respectent pas. L'expérience de Daech a donné lieu à des pratiques sadiques faites
par ces femmes dans le but d'appliquer la charia islamique. Par exemple, des
instruments qui remontent à l'époque médiévale étaient utilisées pour punir les
femmes pour leur exhibition[xx].
Les Zaynabiates, outil féminin des Houthis
En passant à l'expérience chiite dans la création de
milices féminines armées, nous trouverons qu'elle est antérieure et plus
chevronnée. Avec les prémices de la révolution iranienne, des factions
iraniennes ont été créées sous la houlette de Mordia Al-Dabbagh en Iran,
suivies en 1985 par la fatwa de Khomeini portant création des "sœurs de
Basij".[xxi]
Face à cette expérience, les mouvements liés à Waliat
Al-Faqih ont concurrencé entre eux pour créer des milices féminines armées.
C'est le cas d'Ansarallah. Sur le champ, le groupe des Zaynabiates a été créé
comme l'expérience iranienne.
Le groupe des Zaynabiates a été créé en 2014 avant la
chute de la capitale Sanaa entre les mains des Houthis au Nord du Yémen. Leur
rôle était de sécuriser ces régions après le départ des combattants sur leur
route pour Sanaa. Rapidement, les zones sous le contrôle du bataillon des
femmes se sont élargies et il a fini par contrôler la capitale. C'est ainsi que
les Zaynabiates sont devenues dans la ligne de mire des médias[xxii].
Quant à la fonction djihadiste de ces femmes, elle était
limitée d'une part à réprimer les opposants politiques, et d'appliquer la hisba
de l'autre. En juin 2017, les Zaynabiates ont pu mater une manifestation faite
par des femmes dont les fils avaient été enlevés par les Houthis. Après
l'assassinat de l'ancien président yéménite Ali Abdallah Salah en décembre
2017, le groupe a mené des opérations de perquisition afin d'arrêter les
pro-Salah, un pas qui a été perçu comme une humiliation. Les coutumes tribales
yéménites ne le tolèrent pas et le considèrent comme étant une humiliation[xxiii].
En fin de compte, il y a de grandes différences dans le
recrutement des femmes dans les deux organisations :
1- Le recrutement des femmes par Daech ne dépend pas d'une fatwa. Il a surmonté
l'idée de la fatwa et a créé des milices féminines. Tandis que le recrutement
en Iran se base sur la fatwa de Khomeini en 1985.
2- L'expérience chiite est antérieure. C'est pourquoi les
milices féminines chiites sont plus organisées. Les houthis ont une brigade
complète armée et prête à la bataille, tandis que les Iraniens ont les
"sœurs de Basij".
3- L'expérience de Daech demeure spontanée alors que le nombre des
femmes membres est inférieur au cas des Chiites.
4- Les milices féminines de Daech se sont occupées de la hisba, tandis qu'elles
recourent à la tactique des "loups solitaires" dans les attentats
terroristes.
5- Les milices chiites sont impliquées directement dans
la répression de l'opposition et les manifestations auxquelles prennent
part des éléments féminins. En d'autres termes, on peut parler d'une répression
"femme-femme".
6- Les deux expériences ont été la cible de critique comme
le "djihad par le mariage". Elles sont accusées d'utiliser leurs
corps pour donner du plaisir aux combattants[xxiv].
Nous pouvons ainsi répondre à la question posée au début
de l'étude : est-ce que le djihad féminin a pour objectif que les mouvements fondamentalistes
aillent de pair avec les évolutions modernes qui donnent à la femme davantage
de droits à l’instar de son droit à la défense ? »
D’après l’étude, il est clair que la vision d’infériorité
de ces mouvements envers la femme n’a pas changé et la création de milices
armées féminines a d’innombrables raisons à l’instar de leur capacité à passer
par les barricades sécuritaires et à collecter des financements. Aucun motif
n’exprime ni le droit, ni la liberté de la femme à se défendre. Ces pratiques étaient
assumées par la police féminine à Al-Raqqa et à Mossoul pendant la présence de Daech
et elle œuvrait au mépris de la femme.
Des instruments de torture étaient utilisés contre les femmes. Pour être
explicite, la femme qui couvrait son visage mais découvrait ses yeux étaient
considérée comme « dévergondée » et devait être punie. De même qu’il
était interdit de se rendre au marché en l’absence d’un mahram.
Côté chiite, la révolution iranienne a ôté à la femme
tous ses droits tels que la liberté du style vestimentaire. En Iran, Khomeini a
imposé le voile aux Iraniennes. La femme est également exploitée pour réprimer
l’opposition politique dans l’objectif d’humilier les adversaires.
En d’autres termes, les femmes dans les organisations
terroristes ne sont qu’un outil exploité afin de réaliser certains objectifs
sans considération de leurs droits humains. La femme est juste une esclave combattante.
[i] Les sœurs musulmanes, la
famille au service de la Confrérie, Moyen-Orient sur le lien http://www.middle-east-online.com/?id=134901
[ii] Mohamed Al-Hamamsi, Daech
reformule le rôle de la femme dans les
rangs des organisations djihadistes, centre de recherches et d’études
stratégiques d’Al-Rawabet (Les liens) 8/1/2016. http://rawabetcenter.com/archives/17954
Et Rita Farag, Les femmes-djihadistes à « Daech »…
le terrorisme féminin, le centre Al-Messbar, 26 novembre 2017 sur le lien https://www.almesbar.net/النسائي-الإرهاب-داعش-في-الجهاديات/
[iii] - L’histoire du
recrutement des femmes kamikazes, avant l’apparition de Daech , Youm 7, le lien
https://www.youm7.com/story/2015/11/20/%D8%A8%D8%A7%D9%84%D8%B5%D9%88%D8%B1-%D8%AA%D8%A7%D8%B1%D9%8A%D8%AE-%D8%AA%D8%AC%D9%86%D9%8A%D8%AF-%D8%A7%D9%84%D9%86%D8%B3%D8%A7%D8%A1-%D8%A7%D9%84%D8%A7%D9%86%D8%AA%D8%AD%D8%A7%D8%B1%D9%8A%D8%A7%D8%AA-%D9%82%D8%A8%D9%84-%D8%B8%D9%87%D9%88%D8%B1-%D8%AF%D8%A7%D8%B9%D8%B4-%D9%81%D8%AA%D9%8A%D8%A7%D8%AA-%D9%81%D9%89/2452076
[iv]- La même référence
[v] - La même référence
[vi] - Hani Nosseira, La femme
et le terrorisme, une lecture radicale, journal le Moyen-Orient, numéro 4202,
16-10-2017 sur le lien https://aawsat.com/home/article/1053316جندرية-قراءة-والإرهاب-النساء/
[vii] - ـ Fatemeh Sadeghi, Foot
Soldiers of the Islamic Republic’s »Culture of Modesty«, Middle East Research
and Information Project, Avialable At : http://www.merip.org/mer/mer250/foot-soldiers-islamic-republic’s-“culture-modesty
[viii] - Op.cit
[ix] - Op.cit
[x] - Les sœurs du Basij, une
armée féminine iranienne fondée par la gardienne de Khomeini, site d’Al-Arabiya
https://www.alarabiya.net/articles/2009/08/03/80718.html
[xi] - Basij, le bras des
sales missions du régime iranien, Sky news arabe, 3 janvier 2018 https://www.skynewsarabia.com/world/1009380-الباسيج-ذراع-المهام-القذرة-للنظام-الإيراني
[xii] - Abdel-Qader Ben Falleh
Al-Salmi, la hisba dans l’Islam (concept, preuves, principes, place,
importance, la légitimité, l’histoire de sa création), site http://www.saaid.net/alsafinh/48.htm
[xiii] Comme ce qui s’est passé
avec les membres du Congrès général du peuple au Yémen lorsque les Zaynabiates
les ont arrêtés après l’assassinat du président Saleh. https://www.alarabiya.net/ar/arab-and-world/yemen/2017/12/10-في-السري-الحوثي-سلاح-الزينبيات-على-تعرف/.اليمنhtml
[xiv] - Fatemeh Sadeghi,op.cit
[xv] - Hoda Al-Saleh, les
filles du terrorisme, des mères de kamikazes et des sœurs musulmanes, centre
d’études et de recherches d’Al-Mesbar, le 25 août 2015. https://www.almesbar.net/م-وأخوات-انتحاريات-أمهات-الإرهاب-بنات/
[xvi] - ـ A Belgian woman
explains why she joined ISIS, and why she came back, PRI public Radio
International, sur le lien : https://www.pri.org/stories/2016-12-19/belgian-woman-explains-why-she-joined-isis-and-why-she-came-back
[xvii] - Mohamed Saleh
Al-Mongued, l’Islam question et réponse sur le lien https://islamqa.info/ar/212457
[xviii] - Mohamed Alouch, Les
femmes de Daech , site Al-Mayadeen http://www.almayadeen.net/articles/opinion/830285داعش-نساء/
[xix] - Les femmes kamikazes …
nouveau convoi de Daech http://www.alraimedia.com/Home/Details?Id=b299dea3-1b78-4559-bf7f-df4ade05ab56
[xx] - Les femmes kamikazes de
Daech se font exploser avec leurs
nourrissons. http://www.rudaw.net/arabic/middleeast/iraq/110720175 & http://diyaruna.com/ar/articles/cnmi_di/features/2017/07/07/feature-03
[xxi] - Hayfaa Zo’tar, lorsque
la femme prote préjudice à ses consœurs : les femmes de Daech les violences, les réprimantes et les
massacreuses site Rassef : https://raseef22.com/life/2017/03/07/ا-داعش-نساء-جنسها-ببنات-المرأة-تبطش-حين/ & https://arabic.rt.com/news/812496/حديدية-عضاضة-الموصل-نساء-يروع-داعش-
[xxii]- Les Zaynabiates … le
visage des milices féminines au Yémen, journal du Moyen-Orient, numéro 4293, 15
janvier 2018 sur le lien https://aawsat.com/home/article/1143701/«الزينبيات»-وجه-الميليشيات-النسائي-في-اليمن
[xxiii] - En photos … les
Zaynabiates, le portail Al-Aïn dévoile les milices féminines houthis le
15-9-2017
https : /al-ain.com/article/women-houthi-gangs-war
[xxiv] - Faire la connaissance
des Zaynabiates, l’armée secrète des houthis au Yémen, https://www.alarabiya.net/ar/arab-and-world/yemen/2017/12/10-سلاح-الزينبيات-على-تعرف/.اليمن-في-السري-الحوثيhtml