Publié par CEMO Centre - Paris
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Exploitation djihadiste de la femme : L’exemple des Khansawates et des Zaynabiates

vendredi 29/juin/2018 - 03:18
La Reference
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« Les femmes dans les organisations terroristes ne sont qu’un outil exploité afin de réaliser certains objectifs sans considération de leurs droits humains. La femme est juste une esclave combattante ».

Par Mohamed Mahmoud Mohamed Al-Dabouli

 Le discours fondamentaliste islamiste (sunnite ou chiite) se caractérise par son hostilité à toutes les communautés qui le contredisent, aux minorités et à la femme. Le discours fondamentaliste adressé aux femmes est un discours de crainte contrôlé par des expressions sur les tourments de la tombe et la colère de Dieu en raison de leur indécence (al-tabaroj) et du non-respect de l’habit religieux, de la mixité en se rendant au travail. L’homme a honoré la femme chez elle et son rôle se limite à éduquer ses enfants et à servir son mari.

En dépit du discours islamiste, nous trouvons que l’expérience islamiste a fait bouger les fonctions de la femme sous le joug de la réalité. A titre d’exemple, les Frères Musulmans ont fondé en 1932 le groupe des sœurs musulmanes qui avait pour fonction la Daawah et un rôle social au sein de la Confrérie. Dans une phase antérieure, ces groupes ne se sont pas contentés du rôle social et de la sensibilisation. Ils ont œuvré à donner à la femme un rôle djihadiste au sein de ces mouvements[i].

Le processus de recrutement djihadiste de la femme dans les groupes et les mouvements islamistes a évolué. Au début, elles étaient à l’arrière-plan des combattants ayant pour rôle de préparer les armes, la nourriture pour les combattants, de soigner les blessés, de propager les idées djihadistes, de recruter de nouveaux éléments, et elles sont passées à la phase de participation à l’action, aux opérations de combat en tant que combattantes ou kamikazes, outre l’exploitation corporelle qui est quant à elle une récompense pour les combattants.

Il est certain que la participation de la femme dans les combats de manière directe est adoptée par de nombreuses armées mondiales et par des milices armées. Par exemple, les milices kurdes, comme les peshmergas au nord de l’Irak, et les Unités de protection du peuple au nord de la Syrie comptent grandement sur le recrutement des femmes dans leurs rangs. Mais, la femme dans ces mouvements kurdes diffère de la femme dans les mouvements islamistes, à l'instar des « Khansawats » de Daech et des « Zaynabiates » au Yémen.

Les milices kurdes cherchent à mettre en relief l’image de la femme combattante, les montrant comme étant de jeunes femmes à la fleur de l’âge qui portent les armes sur les lignes de front côte à côte avec les hommes. L’objectif de cette image est presque de faire de la propagande de ces milices en Occident étant donné que les Kurdes sont plus tolérants quant aux droits des femmes. En ce qui concerne les femmes dans les mouvements islamistes, la situation est bien différente. En effet, ces mouvements n’ont point cherché à améliorer son image. Au moins, la tenue islamique imposée aux femmes (le tchador iranien- le niqab) est la même pour la vie quotidienne ainsi que pour les opérations de combat. Pour ce faire, les images des combattantes à Daech  ou à Ansarallah (les Houthis) donnent l’impression qu’elles sont exposées à l’abus de la part de ces combattants et que leur présence dans ces milices est pour remplir des fonctions que les hommes ne peuvent pas faire ou éprouvent beaucoup de difficutés à les faire.  

En vertu de cela, cette étude cherche à dévoiler les motifs des mouvements islamistes à recruter les femmes et à former leur propre troupe, ainsi que le rôle de ces troupes. Est-il limité à la hisba (chargée d’appliquer la charia) et à la police féminine ou a-t-elle une autre dimension combattante ?

Le recrutement djihadiste de la femme dans les mouvements islamistes  

Le discours fondamentaliste islamiste- sunnite et chiite- considère la femme comme inférieure à l’homme. En effet, il refuse qu’elle soit côte à côte avec l’homme dans la vie publique, à l’instar de la mixité au travail et autres. De même qu’il refusait dans le passé la participation de la femme au djihad. Or, le recrutement djihadiste des femmes au sein des mouvements islamistes a nettement évolué passant du refus total de la participation au djihad et aux combats à la création de groupes féminins armés.

L’expérience d’Al-Qaïda explique cet énorme changement à l’égard du djihad féminin au sein des organisations islamistes. Avant 2003, Ayman Al-Zawahiri - qui était à l’époque le numéro 2 d’Al-Qaïda- trouvait que le djihad est interdit par la jurisprudence et qu’il n’est pas toléré que les femmes prennent part aux combats côte à côte avec les hommes, mais des changements se sont opérés dans la région permettant la participation des femmes dans les rangs des combattants. En Irak, Abou Mossab Al-Zarkaoui était le premier à recruter des femmes [ii]dans les attentats-suicides et parmi les exemples éminents l’affaire de « Sajida Al-Richaoui » qui avait été arrêtée en Jordanie et qui avait été chargée par Al-Zarkaoui de se faire exploser dans quelques régions au royaume[iii].

En dépit de cette hésitation à recourir aux femmes dans les opérations djihadistes, Al-Qaïda dans la péninsule arabique- sous le leadership de Youssef Al Irie - a recruté des femmes dans ses rangs. Ce dernier a expliqué dans un message intitulé « Le rôle de la femme dans le djihad contre l’ennemi » que la femme a un grand rôle pour présenter le soutien à l’homme dans le djihad. Par conséquent, les noms de nombreuses femmes djihadistes ont commencé à se faire connaître en Arabie Saoudite comme  membres d’Al-Qaïda dont Nada Al-Qahtani, Wafaa Al Al-Chahri, Arwa Al-Baghdadi, Hayla Al-Qasir ». Leurs missions se sont limitées à favoriser le financement indispensable à l’organisation, pour effectuer des services logistiques et pour sécuriser l’organisation »[iv].

En ce qui concerne Daech , la pratique sur le terrain a été marquée par l’excès du recrutement des femmes, et ce à l’inverse d’Al-Qaïda qui a plein de réserves et de fatwas (avis religieux) qui refusent l’exploitation de la femme dans le djihad. Daech  a surmonté ces fatwas en créant des bataillons armés féminins[v].   

La participation des femmes au djihad armé que ce soit sur le plan individuel ou collectif a eu plusieurs conséquences dont :

- Recul du rôle des fatwas interdisant la participation des femmes au djihad armé.

- Acquisition par la femme d’autres rôles et de devoirs, en plus de ses rôles et devoirs traditionnels à l’instar de travailler  à la maison, de servir son mari, et d'éduquer les enfants.

- Ajout d’une dimension spirituelle et religieuse au djihad féminin. La femme est dorénavant appelée au djihad armé au nom des musulmans dans tous les recoins de la terre et doit aspirer à l’un des deux trophées : la victoire et le fait de tomber en martyre.

- Présence de deux types de djihadistes musulmanes : celles qui sont obligées et celles qui sont volontaires. Les « obligées » ont été forcées de le faire que ce soit de la part de leur mari ou de leurs proches à adhérer à ces groupes. Quant aux volontaires, elles croient dans les idées d’Al-Qaïda, dans leur théorie et œuvrent à les propager[vi].

Passant à l’expérience chiite en ce qui concerne le recrutement des femmes et leur participation dans des opérations, nous trouvons que le concept d’Al-Waliyat Al-Faqih ne s’est pas opposé à cela. Au contraire, il a même appelé au recrutement et à la mobilisation des femmes afin de défendre la révolution islamique iranienne. En novembre 1979, quelques mois après la réussite de la révolution, la première milice féminine iranienne a été créée.[vii]

A la lumière de l’escalade des menaces envers la révolution iranienne, Rouhollah Khomeini - ancien guide suprême de la révolution islamique en 1985 - a décrété un décret portant sur le fait que les femmes doivent suivre des entraînements militaires et de combats afin de prendre part aux côtés des hommes dans la défense de la patrie, et de résister aux contre-révolutions. En effet, bon nombre de milices féminines ont été envoyées au front  dans la guerre irako-iranienne »[viii].

Le mérite revient à Mordia Al-Dabbagh de baptiser le djihad féminin chiite en Iran. Elle a œuvré - avant la révolution iranienne à résister au régime du shah d’Iran. Ainsi a-t-elle été arrêtée entre 1972-1973. De même qu’elle a veillé à résister à la campagne gauchiste et communiste dans les rangs de l’opposition iranienne, notamment dans les milieux féminins[ix].

Après la réussite de la révolution iranienne, Al-Dabbagh était parmi les fondateurs des gardiens de la révolution iranienne. Elle a présidé les gardiens dans la province de Hamedan. Durant sa présence parmi les gardiens de la révolution, elle a œuvré à créer des groupes de combattantes iraniennes au sein des rangs des Unités de mobilisation populaire ( Niruyeh Moghavemat Basij) sous le nom des « Sœurs de Basij ». Certaines sources ont estimé que le nombre des combattantes y était arrivé à 147.000[x]. Tandis que les sources gouvernementales confirment qu’il y a 4 millions de femmes dans les forces de Basij qui comptent au total 10 millions d’individus.

Les missions des « sœurs de Basij » se sont limitées à présenter un soutien logistique et médical aux combattants iraniens au cours de la guerre irako-iranienne (1980-1988), ainsi que de prendre part aux opérations de répression de l’opposition à l’intérieur de l’Iran, en liquidant les adversaires et les opposants. C’est ce qui s’est révélé lors des manifestations monstres en Iran en 2009 à l’issue des élections présidentielles. En effet, les « sœurs de Basij » avaient un grand rôle dans la répression des manifestations. Elles ont également joué un rôle pour réprimer les protestations qui s’étaient déclenchées en décembre 2017[xi].A l’exemple de l’expérience iranienne, le mouvement des Ansarallah (les Houthis) ont formé le bataillon des « Zaynabiates », son bras féminin militaire.

En passant en revue le fondamentalisme idéologique de deux parties en ce qui concerne l’affaire de recrutement des femmes et la création de milices féminines à exploiter pour diverses raisons soient-elles politiques ou militaires, nous pouvons en déduire les éléments suivants :

- L’idéologie fondamentaliste chiite était en avance par comparaison au fondamentalisme sunnite en ce qui concerne la légitimité de l’affaire. La fatwa ratifiée par Khomeini en 1985 portant sur la nécessité d’entraîner les femmes physiquement et militairement pour faire face aux ennemis de la patrie a tranché l’affaire pour les Chiites. Pour le fondamentalisme sunnite, l’affaire est encore imprécise. Al-Qaïda n’a pas encore toléré la création de milices féminines qui combattent dans ses rangs, même si elle recourt à des femmes-kamikazes.

- La permission à Al-Qaïda en Irak de recourir à des femmes-kamikazes en Irak était à contrecœur. Certains ont fait basculer l’idée d’après laquelle l’approbation d’Al-Qaïda est due au manque du nombre de kamikazes-hommes. De même que les femmes ont un avantage particulier lequel est de passer par les barrières sécuritaires sans fouilles précises en raison de la culture de la société irakienne qui ne tolère pas aux hommes de sécurité de fouiller les femmes.

- De nombreux groupes fondamentalistes (sunnites) ont limité le rôle djihadiste de la femme dans la Daawah, l’éducation djihadiste des enfants, le recrutement, la présentation de quelques services logistiques et de la nourriture ainsi que le pansement des plaies. Tandis que l’idée fondamentaliste chiite était plus développée et plus ouverte quant à l’affaire de la fonction djihadiste des femmes. En effet, l’affaire ne s’est pas limitée à présenter des services logistiques ou à faire la Daawah, elle a dépassé cela en impliquant les femmes dans les premières lignes du combat.

- Daech  ne s’est pas longtemps arrêté aux propos concernant la légitimité du recrutement des femmes. En effet, l’organisation a précocement créé ses propres bataillons féminins à l’instar du « bataillon d’Al-Khansaa » et l’a impliqué dans la guerre en place.

- Il est clair que la hisba était la préoccupation des courants fondamentalistes sunnites et chiites. La mission principale des « sœurs de Basij », d’Al-Zaynabiates ou encore d’Al-Khansawats consistait en la hisba et au contrôle de la morale dans les rues que ce soit à Téhéran, à Al-Raqqa ou encore à Mossoul.

Mais une question s’impose ici autour de la participation des femmes au djihad : est-ce que les mouvements djihadistes fondamentalistes vont de pair avec les évolutions modernes qui donnent aux femmes davantage de droits à l’instar de son droit à se défendre ?

Motifs du recrutement des femmes

Les motifs du recrutement des femmes dans les groupes et les mouvements fondamentalistes se répartissent en deux types : le premier est lié aux groupes eux-mêmes. Le deuxième est lié aux femmes. En effet, un groupe de motifs psychologiques et sociaux frayent la voie devant la femme afin d’adhérer à ces groupes :

A- Motifs liés aux groupes et aux mouvements :

Les groupes extrémistes ont eu recours à recruter les femmes dans leurs rangs sous la pression d’un nombre de motifs logistiques et sur le terrain lesquels sont :

- Le recrutement : Le rôle de recrutement des femmes est l’un des plus importants motifs auxquels recourent les groupes djihadistes afin d’attirer d’autres femmes dans leurs rangs. En effet, la femme dispose de capacités particulières qui peuvent être exploitées afin de recruter de nouvelles membres au sein de ces mouvements. A titre d’exemple, la femme peut communiquer avec sa famille, ses collègues et son environnement avec la plus grande facilité sans obstacle et elle œuvre à diffuser des idées extrémistes auprès d’eux.

Le rôle le plus important de ces femmes au sein des groupes est le recrutement maternel de sorte à créer des générations successives et imbibées par les idées djihadistes extrémistes qui sont difficiles à être traitées et éradiquées. Le concept de la hisba dans l’Islam est l’un des plus importants concepts sur lesquels se base le discours fondamentaliste sunnite et chiite. Le concept est basé sur le fait de contrôler les valeurs morales dans la rue, interdire les péchés et demander aux gens de faire le bien[xii].

Comme la femme dans le discours fondamentaliste est la source de la séduction et du mal, elle s’est taillé la part du lion dans le concept de la hisba. D’où, une police féminine de Hisba a été créée et elle œuvre au respect de la religion par la femme musulmane dans les régions contrôlées par les groupes islamistes et ce en appliquant certaines règles que le discours fondamentaliste interdit aux femmes à l’instar de laisser apparaître son visage devant les passants et le fait de marcher sans être accompagnée par un mahram (quelqu'un qu'elle ne peut pas épouser).

- La répression politique : les groupes islamistes recourent aux femmes dans la répression politique des femmes. Les groupes chiites ont été les premiers à le faire. Le recours aux femmes dans la répression politique peut être comme résultat du manque en nombre des hommes. Par conséquent, ils recourent aux femmes afin de réprimer les adversaires ou elles sont exploitées afin de réprimer les opposantes aux orientations islamistes. Mordia Al-Dabbagh est la plus célèbre à avoir assumé ce rôle avant le déclenchement de la révolution iranienne de 1979. La répression pouvait avoir pour objectif l’humiliation politique des adversaires politiques. A titre d’exemple, quelques éléments féminins armés pouvaient être poussés à arrêter et discipliner l’un des adversaires masculins[xiii].

L’affaire d’humiliation des adversaires opposants est l’un des rôles djihadistes les plus dangereux de la femme. Car cela représente une violation des traditions qui contrôlent la plupart des pays du Moyen-Orient d’une part et d’autre part elle exprime l’infériorité de la femme aux yeux des groupes islamistes.

- S’éloigner du doute : De nombreuses fonctions djihadistes sont difficiles pour les femmes comme les opérations d’intelligence, outre les attentats-terroristes. En effet, la femme, notamment dans les sociétés arabes, est un élément à l’abri de tout soupçon. En conséquence, les groupes exploitent cet avantage et recrute des femmes. De même qu’ils recrutent des femmes afin d’avoir davantage d’argent sous prétexte des œuvres de charité.

- Compenser le manque humain : Ces groupes djihadistes recourent au recrutement des catégories comme les enfants et les femmes afin de compenser le manque d’effectifs dans leurs rangs étant donné qu’un grand nombre d’hommes sont tués dans les combats. C’est pourquoi, ils recourent à former des milices d’enfants et de femmes. Au début, leur rôle est de présenter des aides logistiques et d’œuvrer dans les lignes arrière. Mais l’affaire évolue - sous la pression du manque de combattants et elles se retrouvent sur le champ de bataille.

Le meilleur exemple est la fatwa de Khomeini en 1985 portant sur la nécessité de préparer physiquement et militairement les femmes afin de faire face aux dangers irakiens à l’époque, en raison du grand nombre d’hommes qui avaient été tués au cours des combats de la guerre irako-iranienne. Un autre exemple : Abou Moussab Al-Zarkaoui qui a défié la fatwa d’Ayman Al-Zawahiri qui a refusé le recrutement des femmes pour les attentats terroristes, et la raison était l’insuffisance du nombre d’hommes.

- L’exploitation médiatique de la femme combattante. La plupart des groupes djihadistes exploitent l’image de la femme djihadiste de la pire façon :

1- La provocation psychologique et nerveuse de la société en montrant l’image d’une femme djihadiste qui défend sa religion et les Musulmans au moment où les hommes sont incapables de le faire et sont incapables de prendre part au djihad qui est leur fonction principale. Et, cette femme n’a pas trouvé parmi les hommes celui qui est plus compétent qu’elle pour la défendre et défendre sa religion. Il est certain que cette astuce a réussi dans plusieurs cas à mobiliser l’enthousiasme des jeunes qui aiment leur religion et leur honneur en adhérant à ces groupes en guise de défense de l’Islam. « Les musulmanes libres » est l’appellation donnée aux femmes qui adhèrent à ces groupes islamistes.

2- La femme djihadiste est exploitée qu’elle soit vivante ou décédée. En effet, les appareils médiatiques des groupes djihadistes œuvrent à filmer leurs morts parmi les femmes. (ce sont probablement des femmes soldates portant des armes). Ils diffusent l’idée d’après laquelle leur ennemi n’hésite pas à tuer des femmes musulmanes et que la Nation islamique doit se soulever pour protéger son honneur qui est bafoué.

D’où, nous trouvons que les groupes djihadistes ont réalisé d’importants gains du recrutement des femmes sur un plan militaire ainsi que sur un plan médiatique qu’elle soit morte ou vivante afin de provoquer les jeunes et les inciter à participer et à adhérer aux groupes terroristes.

B- Les motifs liés aux femmes :

Au début, il faut distinguer entre les motifs de la femme sunnite pour adhérer aux milices armées et ceux de la femme chiite. L’expérience chiite n’a pas donné à la femme l’opportunité de choisir d’adhérer à ces milices. C’était un ordre direct de la part du guide suprême de la révolution iranienne Khomeini. Il en est de même pour « les Zaynabiates » au Yémen, c’était un ordre direct de la part d’Abdallah Al-Houthi.

L’affaire est différente pour la femme sunnite pour de nombreuses raisons : d’abord l’absence de fatwa globale à l’instar de la fatwa de « Khomeini » qui a recruté les femmes-chiites. De même, les mouvements islamistes sunnites hésitent encore à ce sujet. En dépit de cette hésitation, il y plusieurs facteurs qui ont poussé les femmes à adhérer à ces groupes qui  étaient partiellement ou majoritairement personnels. C’est ce que nous allons clarifier dans les points suivants :

1- La charte du pardon : Le discours extrémiste a causé- chez les groupes radicaux envers la femme musulmane- un problème psychologique et social pour la femme. Ce discours considère la femme comme étant un « mal pur » et qu’elle est la cause de la séduction et qu’elle ne doit pas se montrer, ni sortir sinon elle serait en train de commettre un péché et qu’elle doit se racheter. C’est pourquoi la femme est psychologiquement détruite. Car, elle est assassinée religieusement et qu’elle a besoin de quelqu’un qui la guide et qui la sauve du marécage de péchés dans lequel elle s’est enlisée.

Ces groupes ont réussi à donner cette image négative de la femme et ils ont réussi également à lui donner la planche de salut, la libération des péchés qu’elle a commis tout au long de sa vie : adhérer aux groupes et croire dans leurs idéologies tout en œuvrant à les diffuser par n’importe quel moyen. S’ajoute à cela l’adhésion à leurs milices armées qui lui frayent la plus courte voie vers le paradis (comme le prétendent ces groupes). En d’autres termes, adhérer à ces groupes constitue la charte de pardon pour la femme afin de se libérer de ses péchés.

La fausse libération : La femme dans les sociétés arabes souffre de l’autorité masculine de sorte à ce qu’elle éprouve un sentiment profond d’infériorité, ce qui la pousse à se libérer de ces contraintes et de cette autorité masculine en ayant un meilleur poste au sein de ces groupes et de ces mouvements par l’intermédiaire de l’adhésion aux milices armées.

Le processus d’adhésion aux bataillons et aux milices armées donne à la femme une sorte de liberté. De même qu’elle lui donne un sentiment quant à l’importance du rôle qu’elle joue au service de la religion et des groupes auxquels elle appartient. Dans une étude intitulée « "Foot Soldiers of the Islamic Republic’s “Culture of Modesty” publiée par “Middle East Research and Information Project”, un des membres des Unités de mobilisation populaire « Basij » a assuré que les Iraniennes optent pour l’adhésion aux bataillons des « sœurs de Basij » car cela leur octroie une liberté qui n’existe pas au sein de la société iranienne refermée sur elle-même comme l’éducation, ôter le voile, en plus du grand rôle au service de la société. En d’autres termes, adhérer à ces groupes pourrait être une façon pour la femme d’assouvir son désir de libération de toutes les contraintes sociales et de s’auto-construire. C’est ce sur quoi misent ces groupes[xiv].

- Les troubles psychologiques : les troubles psychologiques dont souffrent les filles à un jeune âge les poussent à adhérer à ces groupes terroristes. A titre d’exemples, les troubles psychologiques peuvent être une cause au recrutement des femmes. Certaines combattantes ont été attirées à ces groupes sous l’impact d’une histoire d’amour avec l’un des membres du groupe. D’ailleurs, un grand nombre de filles adhérent à ces groupes dans l’objectif de se marier aux combattants car les médias visuels de ces groupes montrent les combattants en tant que des super-héros musclés qui défendent les droits des pauvres et des faibles, ce qui est excitant pour les adolescentes. A titre d’exemple, Daech  a réussi à persuader une hollandaise à se rendre en Syrie et à se marier au combattant hollandais d’origine turque Omar Yalmez[xv].

Ce qui confirme ces troubles psychologiques c’est ce qu’a dit la Belge Laura Passoni qui a voyagé en Syrie et qui a adhéré à Daech . Elle a dit qu’au début elle avait été attirée par un des membres de Daech , ce dernier avait publié une vidéo filmant la vie sous Daech , ce qui avait suscité son admiration et elle s’est rendue en Syrie accompagnée de son enfant pour se marier à cet homme[xvi].

- Le manque d’information religieuse : Le manque d’information religieuse joue un grand rôle dans le recrutement des femmes. Ces mouvements œuvrent à affaiblir la culture religieuse des femmes et diffusent l’idée d’après laquelle la majorité de ceux qui iront en enfer seraient des femmes en vertu d’un hadith : « Allah m'a montré l'enfer et j'ai vu que la majorité de ses habitants était des femmes, car elles renient » On demanda : « Car elles renient Allah ? » Il répondit : « [Non mais] parce qu'elles renient les bienfaits de leurs époux et les faveurs qu'ils leur font. Tu peux être bienfaisant envers une femme toute ta vie. Il suffit que tu la contraries une fois pour qu'elle dise « Tu n'as jamais été bienfaisant envers moi ». (L’imam Al-Bukhari 1052). Par conséquent, les musulmans doivent se repentir en adhérant à ces groupes.

Les milices féminines armées :

Al-Khansawates

Al-Qaïda a eu recours au recrutement des femmes de façon individuelle et non à former une milice qui lui soit propre. La situation a changé avec l’émergence de Daech  qui a œuvré à former sa propre milice féminine. En 2014, il a créé son premier bataillon féminin baptisé « Al-Khansaa ».

Le bataillon se compose de plusieurs groupes à l'instar d'Oum Rihana et Oum Emarah qui recrute des européennes via les réseaux sociaux. Parmi les figures féminines éminentes de Daech  en Arabie saoudite figure Nada Al-Kahtani, baptisée "Oum Galabib" qui a été chargée de créer une antenne de Daech  dans la province d'Hassaké de la part d'Abou Bakr Al-Baghdadi. Certains chiffres révèlent que le nombre des combattantes au sein de Daech  à Al-Raqqa est estimé à quelque 400.000[xvii].

Il y a une remarque importante quant à la fonction du djihad des femmes à Daech , la hisba est mise en place à travers le bataillon ou le groupe. Mais, l'organisation n'a jamais eu recours aux femmes dans des combats directs pour de  nombreuses raisons comme la vulnérabilité des femmes et leur incapacité à faire face à des combats réels.

Daech  recourt à la tactique du "loup solitaire" dans les attaques menées par des femmes[xviii], à titre d'exemple, la plus grande difficulté à laquelle fait face l'Armée irakienne après avoir libéré Mossoul est les femmes kamikazes dépendant de l'organisation. En effet, l'Armée irakienne a liquidé récemment 7 femmes-kamikazes qui avaient l'intention de mener des attaques contre elle[xix].

La fonction la plus importante du bataillon "Al-Khansaa" était la hisba en se propageant dans les rues d'Al-Raqqa en contrôlant la sécurité ainsi qu'en imposant les valeurs morales, en punissant ceux qui ne les respectent pas. L'expérience de Daech  a donné lieu à des pratiques sadiques faites par ces femmes dans le but d'appliquer la charia islamique. Par exemple, des instruments qui remontent à l'époque médiévale étaient utilisées pour punir les femmes pour leur exhibition[xx].

Les Zaynabiates, outil féminin des Houthis

En passant à l'expérience chiite dans la création de milices féminines armées, nous trouverons qu'elle est antérieure et plus chevronnée. Avec les prémices de la révolution iranienne, des factions iraniennes ont été créées sous la houlette de Mordia Al-Dabbagh en Iran, suivies en 1985 par la fatwa de Khomeini portant création des "sœurs de Basij".[xxi]

Face à cette expérience, les mouvements liés à Waliat Al-Faqih ont concurrencé entre eux pour créer des milices féminines armées. C'est le cas d'Ansarallah. Sur le champ, le groupe des Zaynabiates a été créé comme l'expérience iranienne.

Le groupe des Zaynabiates a été créé en 2014 avant la chute de la capitale Sanaa entre les mains des Houthis au Nord du Yémen. Leur rôle était de sécuriser ces régions après le départ des combattants sur leur route pour Sanaa. Rapidement, les zones sous le contrôle du bataillon des femmes se sont élargies et il a fini par contrôler la capitale. C'est ainsi que les Zaynabiates sont devenues dans la ligne de mire des médias[xxii].

Quant à la fonction djihadiste de ces femmes, elle était limitée d'une part à réprimer les opposants politiques, et d'appliquer la hisba de l'autre. En juin 2017, les Zaynabiates ont pu mater une manifestation faite par des femmes dont les fils avaient été enlevés par les Houthis. Après l'assassinat de l'ancien président yéménite Ali Abdallah Salah en décembre 2017, le groupe a mené des opérations de perquisition afin d'arrêter les pro-Salah, un pas qui a été perçu comme une humiliation. Les coutumes tribales yéménites ne le tolèrent pas et le considèrent comme étant une humiliation[xxiii].

En fin de compte, il y a de grandes différences dans le recrutement des femmes dans les deux organisations :

1- Le recrutement des femmes par Daech  ne dépend pas d'une fatwa. Il a surmonté l'idée de la fatwa et a créé des milices féminines. Tandis que le recrutement en Iran se base sur la fatwa de Khomeini en 1985.

2- L'expérience chiite est antérieure. C'est pourquoi les milices féminines chiites sont plus organisées. Les houthis ont une brigade complète armée et prête à la bataille, tandis que les Iraniens ont les "sœurs de Basij".

3- L'expérience de Daech  demeure spontanée alors que le nombre des femmes membres est inférieur au cas des Chiites.

4- Les milices féminines de Daech  se sont occupées de la hisba, tandis qu'elles recourent à la tactique des "loups solitaires" dans les attentats terroristes.

5- Les milices chiites sont impliquées directement dans la répression de l'opposition et les manifestations auxquelles prennent part des éléments féminins. En d'autres termes, on peut parler d'une répression "femme-femme".

6- Les deux expériences ont été la cible de critique comme le "djihad par le mariage". Elles sont accusées d'utiliser leurs corps pour donner du plaisir aux combattants[xxiv].

Nous pouvons ainsi répondre à la question posée au début de l'étude : est-ce que le djihad féminin a pour objectif que les mouvements fondamentalistes aillent de pair avec les évolutions modernes qui donnent à la femme davantage de droits à l’instar de son droit à la défense ? »

D’après l’étude, il est clair que la vision d’infériorité de ces mouvements envers la femme n’a pas changé et la création de milices armées féminines a d’innombrables raisons à l’instar de leur capacité à passer par les barricades sécuritaires et à collecter des financements. Aucun motif n’exprime ni le droit, ni la liberté de la femme à se défendre. Ces pratiques étaient assumées par la police féminine à Al-Raqqa et à Mossoul pendant la présence de Daech  et elle œuvrait au mépris de la femme. Des instruments de torture étaient utilisés contre les femmes. Pour être explicite, la femme qui couvrait son visage mais découvrait ses yeux étaient considérée comme « dévergondée » et devait être punie. De même qu’il était interdit de se rendre au marché en l’absence d’un mahram.

Côté chiite, la révolution iranienne a ôté à la femme tous ses droits tels que la liberté du style vestimentaire. En Iran, Khomeini a imposé le voile aux Iraniennes. La femme est également exploitée pour réprimer l’opposition politique dans l’objectif d’humilier les adversaires.

En d’autres termes, les femmes dans les organisations terroristes ne sont qu’un outil exploité afin de réaliser certains objectifs sans considération de leurs droits humains. La femme est juste une esclave combattante.

 

 



[i] Les sœurs musulmanes, la famille au service de la Confrérie, Moyen-Orient sur le lien http://www.middle-east-online.com/?id=134901

 

[ii] Mohamed Al-Hamamsi, Daech  reformule le rôle de la femme dans les rangs des organisations djihadistes, centre de recherches et d’études stratégiques d’Al-Rawabet (Les liens) 8/1/2016. http://rawabetcenter.com/archives/17954

Et Rita Farag, Les femmes-djihadistes à « Daech  »… le terrorisme féminin, le centre Al-Messbar, 26 novembre 2017 sur le lien https://www.almesbar.net/النسائي-الإرهاب-داعش-في-الجهاديات/

 

[iii] - L’histoire du recrutement des femmes kamikazes, avant l’apparition de Daech , Youm 7, le lien https://www.youm7.com/story/2015/11/20/%D8%A8%D8%A7%D9%84%D8%B5%D9%88%D8%B1-%D8%AA%D8%A7%D8%B1%D9%8A%D8%AE-%D8%AA%D8%AC%D9%86%D9%8A%D8%AF-%D8%A7%D9%84%D9%86%D8%B3%D8%A7%D8%A1-%D8%A7%D9%84%D8%A7%D9%86%D8%AA%D8%AD%D8%A7%D8%B1%D9%8A%D8%A7%D8%AA-%D9%82%D8%A8%D9%84-%D8%B8%D9%87%D9%88%D8%B1-%D8%AF%D8%A7%D8%B9%D8%B4-%D9%81%D8%AA%D9%8A%D8%A7%D8%AA-%D9%81%D9%89/2452076

[iv]-  La même référence

[v] - La même référence

[vi] - Hani Nosseira, La femme et le terrorisme, une lecture radicale, journal le Moyen-Orient, numéro 4202, 16-10-2017 sur le lien https://aawsat.com/home/article/1053316جندرية-قراءة-والإرهاب-النساء/

[vii] - ـ Fatemeh Sadeghi, Foot Soldiers of the Islamic Republic’s »Culture of Modesty«, Middle East Research and Information Project, Avialable At : http://www.merip.org/mer/mer250/foot-soldiers-islamic-republic’s-“culture-modesty

[viii] - Op.cit

[ix] - Op.cit

[x] - Les sœurs du Basij, une armée féminine iranienne fondée par la gardienne de Khomeini, site d’Al-Arabiya https://www.alarabiya.net/articles/2009/08/03/80718.html

[xi] - Basij, le bras des sales missions du régime iranien, Sky news arabe, 3 janvier 2018 https://www.skynewsarabia.com/world/1009380-الباسيج-ذراع-المهام-القذرة-للنظام-الإيراني

[xii] - Abdel-Qader Ben Falleh Al-Salmi, la hisba dans l’Islam (concept, preuves, principes, place, importance, la légitimité, l’histoire de sa création), site http://www.saaid.net/alsafinh/48.htm

[xiii] Comme ce qui s’est passé avec les membres du Congrès général du peuple au Yémen lorsque les Zaynabiates les ont arrêtés après l’assassinat du président Saleh. https://www.alarabiya.net/ar/arab-and-world/yemen/2017/12/10-في-السري-الحوثي-سلاح-الزينبيات-على-تعرف/.اليمنhtml

[xiv] - Fatemeh Sadeghi,op.cit

[xv] - Hoda Al-Saleh, les filles du terrorisme, des mères de kamikazes et des sœurs musulmanes, centre d’études et de recherches d’Al-Mesbar, le 25 août 2015. https://www.almesbar.net/م-وأخوات-انتحاريات-أمهات-الإرهاب-بنات/

[xvi] - ـ A Belgian woman explains why she joined ISIS, and why she came back, PRI public Radio International, sur le lien : https://www.pri.org/stories/2016-12-19/belgian-woman-explains-why-she-joined-isis-and-why-she-came-back

[xvii] - Mohamed Saleh Al-Mongued, l’Islam question et réponse sur le lien https://islamqa.info/ar/212457

[xviii] - Mohamed Alouch, Les femmes de Daech , site Al-Mayadeen http://www.almayadeen.net/articles/opinion/830285داعش-نساء/

[xix] - Les femmes kamikazes … nouveau convoi de Daech  http://www.alraimedia.com/Home/Details?Id=b299dea3-1b78-4559-bf7f-df4ade05ab56

[xx] - Les femmes kamikazes de Daech  se font exploser avec leurs nourrissons. http://www.rudaw.net/arabic/middleeast/iraq/110720175 & http://diyaruna.com/ar/articles/cnmi_di/features/2017/07/07/feature-03

[xxi] - Hayfaa Zo’tar, lorsque la femme prote préjudice à ses consœurs : les femmes de Daech  les violences, les réprimantes et les massacreuses site Rassef : https://raseef22.com/life/2017/03/07/ا-داعش-نساء-جنسها-ببنات-المرأة-تبطش-حين/ & https://arabic.rt.com/news/812496/حديدية-عضاضة-الموصل-نساء-يروع-داعش-

[xxii]- Les Zaynabiates … le visage des milices féminines au Yémen, journal du Moyen-Orient, numéro 4293, 15 janvier 2018 sur le lien https://aawsat.com/home/article/1143701الزينبيات»-وجه-الميليشيات-النسائي-في-اليمن

[xxiii] - En photos … les Zaynabiates, le portail Al-Aïn dévoile les milices féminines houthis le 15-9-2017

https : /al-ain.com/article/women-houthi-gangs-war

[xxiv] - Faire la connaissance des Zaynabiates, l’armée secrète des houthis au Yémen, https://www.alarabiya.net/ar/arab-and-world/yemen/2017/12/10-سلاح-الزينبيات-على-تعرف/.اليمن-في-السري-الحوثيhtml

 

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